Contribution : Pour une nouvelle politique de la jeunesse

Par Dr B. Chachoua(*)
Une nouvelle approche de la politique de la jeunesse est impérative car l’avenir de notre pays ne peut être que réconciliation avec nos jeunes.
Cette réconciliation ne peut se faire qu’à travers une solidarité inter-générationnelle.
En effet, si le jeune sent que ses aînés pensent à lui, il sera disposé à faire tous les sacrifices car l’homme de demain se construit aujourd’hui.
La situation de la jeunesse est toujours inscrite dans un contexte historique et son intégration dans la société est un enjeu majeur. Il est impératif que des réponses urgentes soient apportées à leurs difficultés (sentiment d’abandon, chômage…).
La participation de sociologues et même d’urbanistes à l’élaboration de cette politique aidera à comprendre pourquoi cette violence et ce désintérêt de la vie publique, voire politique. C’est ainsi que les pouvoirs publics pourront facilement mettre en place des mesures visant à assurer et renforcer leur insertion professionnelle, mais aussi à des dispositifs destinés à renforcer la socialisation des jeunes, notamment dans le cadre de la politique de la ville.
Aujourd’hui les jeunes rencontrent beaucoup de difficultés pour s’insérer dans le circuit économique du fait de l’inadéquation entre les formations reçues et les besoins réels du marché du travail, la faiblesse de l’orientation professionnelle.
A cela il faut ajouter le manque d’informations pour les emplois disponibles ou les créneaux porteurs ainsi que le manque d’investissement dans les secteurs créateurs d’emplois.
La situation de la jeunesse est toujours inscrite dans un contexte historique et son intégration dans la société est un enjeu majeur. Par conséquent des réponses urgentes doivent être apportées à leurs difficultés (sentiment d’abandon, chômage…).
La lutte contre l’échec scolaire par une politique volontariste de formation professionnelle dans laquelle doivent s’impliquer non seulement l’Etat, mais aussi le patronat, ainsi qu’une orientation scolaire précoce permettront d’avoir une main-d’œuvre qualifiée. Car contrairement à ce que l’on peut penser, l’allongement de la scolarité ne fera qu’augmenter le chômage des jeunes, notamment celui des jeunes diplômés.
Par conséquent la refonte du système scolaire est non seulement une urgence mais une nécessité par une orientation précoce et la création de diplômes professionnels.
Celle-ci doit être orientée vers les secteurs demandeurs de personnel qualifié.
La mondialisation et l’évolution des nouvelles technologies doit aussi inciter à l’investissement dans le développement de l’enseignement numérique.
Le patronat et les entreprises publiques doivent participer au financement de la formation car il y va du développement de leurs secteurs respectifs. Il s’agit là d’un investissement «gagnant-gagnant».
Après l’autorisation d’ouverture d’écoles privées, il faut aujourd’hui permettre l’ouverture d’écoles de formation professionnelles privées.
Des milliers de PME seront ainsi créées dans les domaines des services et de la sous-traitance.
Il faudra, parallèlement, réfléchir à des solutions diminuant la dépendance des jeunes vis-à-vis de leurs familles en leur ouvrant, par exemple, dans le cadre de la solidarité nationale, le droit à un RMI (revenu minimum d’insertion), qui pourrait être supprimé, voire remboursé en cas de refus d’un emploi.
D’autres ressources peuvent être mobilisées, par exemple, par des taxes sur les tabacs et les boissons.
De même qu’une transformation du modèle productif et économique leur ouvrirait de nouvelles perspectives d’emploi (restructuration et rationalisation de l’activité économique, restructuration des marchés).
C’est ainsi que, par de petites mesures peu onéreuses, de nombreux emplois pourront être créés, lesquels, tout en ayant un effet bénéfique sur la bourse du citoyen, seront génératrices de rentes au budget de l’Etat : installation de marchés de gros, d’unités de conditionnement de fruits et légumes, coopératives agricoles, coopératives dans le traitement des déchets ménagers et le recyclage, etc.
Pour le financement des différentes actions en faveur de la jeunesse, des ressources financières peuvent être mobilisées, par exemple, par des taxes sur les tabacs et les boissons.
Il faut donner la possibilité aux jeunes pour le choix entre un service militaire classique et un service civil, selon la formation acquise ou leur souhait. Cette mesure pourrait contribuer au développement de tous les secteurs d’activité, allant des activités d’animation ou d’encadrement jusqu’aux secteurs productifs tels l’agriculture ou le tourisme.
Leur financement pourrait provenir aussi bien du ministère de la Défense nationale, des collectivités locales, des entreprises publiques ou privées souhaitant profiter de leurs connaissances, ou par le biais de la solidarité nationale.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que la situation de la jeunesse n’est, aujourd’hui, que le résultat des mutations sociales ayant entraîné une modification du cadre traditionnel de la société algérienne ; et c’est pour cela que la politique de la jeunesse doit être repensée dans une dynamique de générations.
En 1985, Pierre Bourdieu exprimait cette réflexion : «Le problème de la jeunesse ne se pose que quand quelque chose ne va pas dans l’ordre de succession, du côté de la transmission des pouvoirs et des privilèges entre ce qu’on appelle générations.»
Ainsi, pour pouvoir agir en faveur de l’intégration de la nouvelle génération dans la société, l’identification des mutations sociales s’avère être une nécessité. D’où l’urgence d’un pacte inter-générationnel.
Pour cela il faudrait :
1- réformer l’école par une politique ambitieuse, à l’âge où le citoyen est en devenir, afin de lui permettre d’intégrer les repères républicains.
Il en va ainsi des caractères indissociables des droits et des devoirs, ainsi que des règles morales et de civilité indispensables pour le bien vivre-ensemble ;
2- lutter contre l’échec scolaire par une
orientation précoce et le droit à la réorientation ;
3- créer un baccalauréat professionnel ;
4- créer de grandes écoles du numérique car le défi aujourd’hui est dans ce domaine (emplois d’avenir) ;
5- développer une politique de croissance créatrice d’emploi ;
6- imposer une coordination entre les systèmes éducatif et productif par une politique de formation et d’insertion professionnelle ;
7- assurer un soutien direct aux jeunes adultes : amélioration de l’accès et le recours des jeunes aux droits sociaux ;
8- faciliter l’accès aux postes de responsabilité, aussi bien dans la vie publique, sociale, culturelle que politique ;
9- lutter contre la démographie galopante, comprise par certains comme un atout pour le renouvellement des générations, mais fortement pénalisante pour la croissance économique.
En conclusion, une politique de la jeunesse doit reposer sur un diagnostic précis, sur des valeurs communes et des actions inscrites dans la durée.
La réussite de l’insertion du jeune passe par une adéquation entre formation professionnelle et emploi, et son éducation par une école républicaine, éloignée de toute influence idéologique Ainsi se formera le citoyen responsable.
B. C.
(*) Spécialiste en ophtalmologie, ancien président de la FABB.



Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2017/10/10/article.php?sid=218190&cid=41