Chronique du jour : Tendances
En rase campagne
Youcef Merahi
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La
campagne électorale n’est visible que par les affiches posées çà et là.
Y compris sur les murs des écoles. Un peu partout. Le code électoral est
déjà un autre problème. Le moindre des soucis de cette campagne. Mais en
termes de pollution, nous y sommes. Cependant, il faut signaler un fait
nouveau : la campagne de proximité. Un peu comme les démocraties
avancées. Ki lejnass ! C’est bien ! Tout nouveau, tout beau ! Autrement,
les jours s’écoulent dans une monotonie, à couper au couteau. Rien ne
distingue un jour d’un autre ! Je vois le peuple vaquer, dans une
errance à flanc de leurre, à ses occupations, sans donner véritablement
l’impression de s’intéresser à cette campagne. Ni aux élections du 23
novembre. Je vois, de temps à autre, quelques citoyens (électeurs ?
devrais-je dire) s’arrêter face aux affiches, conçues pratiquement dans
le même moule, impassibles et un brin souriants. Je vois des gribouillis
sur les affiches. Autant dire que cette campagne ne génère pas
l’enthousiasme attendu.
La presse fait état d’une campagne vide de sens. Encore que la viduité,
dans sa projection philosophique, intervient dans la connaissance de
soi. Enfin, restons dans le palpable «impalpable» de la campagne. Les
ténors des partis politiques tentent désespérément, mais usant et
abusant de la langue de bois, d’insuffler du tonus. Peine perdue, à mon
sens, car les uns et les autres versent dans une fuite en avant
terrifiante. Assurés qu’ils sont de capitaliser le gros des mairies,
pour aller ensuite pérorer d’être la première force politique du pays.
La seconde. La troisième. Etc. Comme si cela avait un sens chez nous.
Désespérant ! Tenez : le patron du FLN nous sert un discours déjà
consommé durant la campagne des législatives. On en a soupé, si vous
vous en rappelez. Ici, le programme du Président. Pas un autre. Le
président de la République est président du FLN. Le FLN, c’est l’Etat !
Un certain Louis XIV le disait à son époque : «L’Etat, c’est moi.» Le
patron du FLN refait, en grand seigneur, l’histoire de France ; du
moins, il tente de la transposer chez nous. C’est aussi un programme
(!). Le FLN est mis à toutes les sauces : il a signé les accords
d’Evian, il a arraché l’indépendance (exit l’ALN), il a construit le
pays (on ne doit pas viser le même pays, certainement), il est la
colonne vertébrale de l’Etat. Et. Et. Et. Puis, on saute du coq à l’âne.
«Dieu et le FLN connaissent le nom du candidat aux élections
présidentielles de 2019.» A quelque chose près ! L’idée y est, non ? Ah,
voilà, le FLN est dans le secret des dieux. Un sérieux candidat aux
municipales, je vous le dis, comme je le pense. Il faut compter avec le
FLN et… son secrétaire général. Vaste programme, chers électeurs ! Vous
qui allez vous rendre aux urnes le 23 du mois en cours. Vous n’aurez pas
l’embarras du choix. Votez FLN ! Tout est ficelé, pour lui. Le programme
y est, c’est celui de notre Président. Et, pour 2019, le Président
sortira des rangs du FLN. Au point où je me demande quel est l’intérêt
d’aller voter : le FLN est le Tout dans le Tout. On lui signe un chèque
en blanc ; et, vas-y que le FLN rempile pour un autre demi-siècle. Ça
fait cher un demi-siècle ! Dire que certains veulent le voir au musée !
Mettre le FLN au musée ? Ben, ya kho, il faut oser.
Le patron du RND, ex-directeur de cabinet de la présidence, ex et actuel
Premier ministre, donne, lui aussi, de la voix. Il va au charbon, comme
on dit. Il bat la campagne, pour être dans le vrai. Considéré comme la
seconde force politique du pays, le RND lorgne néanmoins la mythique
année de 2019. Même s’il soutient mordicus notre président de la
République. Il ne peut pas jurer qu’il n’a pas, en ligne de mire, le
palais d’El-Mouradia. Ce n’est pas moi qui vais lui faire de l’ombre. Ni
le dissuader de ne pas y penser. Au contraire, il faut qu’il y pense. Le
matin, en se rasant. A midi, s’il a le temps de prendre un déjeuner,
même sur le pouce. Une «double casquette», ça pèse lourd ! Et avant de
dormir. Il faut qu’il y pense. Qu’il y croit dur comme fer.
Personnellement, je l’encourage. Un énarque, président de la République
? C’est le rêve ! Y penser seulement, ce n’est pas suffisant. Il faut
qu’il le dise. Qu’il réponde au patron du FLN. C’est le jeu de la
démocratie. On ne cesse pas d’en parler. De démocratie ? Oui, de
démocratie. Du pouvoir du peuple ! Wallah, le peuple (pauvre de lui) a
bon dos. Je dois freiner un peu. Nous sommes à la veille des
municipales. Pour élire des présidents. Mais des Assemblées populaires
communales. On est encore loin de 2019 ! On vient d’élire nos chers
députés. Elisons nos maires. Puis, on verra ! Qui sera le prochain
président de la République ? Tout le monde. Et personne. A moins que le
cinquième mandat ne fasse des siennes. C’est dans l’air du temps. Jamais
deux sans trois, dit-on. Dans cette naïveté implacable des chiffres, je
peux avancer, moi qui suis nul en calcul, «jamais trois sans quatre», la
preuve est là, et «jamais quatre sans cinq». Et on peut aller comme ça à
l’infini des chiffres. Ça s’enchaîne dans ma tête, comme dans une
cocotte-minute. J’ai failli oublier que notre Premier ministre nous a
servi, lui aussi, un discours de campagne axé, principalement, sur ses
ambitions gouvernementales. Comme si la loi de finances 2018 indiquait,
dans ses détails, le programme du RND, pour ces municipales. Un breuvage
insipide, dois-je le préciser ?
En attendant, la Sonelgaz me mène la vie dure. Et notre jeunesse
s’agglutine devant le CCF, pour satisfaire au niveau de la langue
française. Parce que notre jeunesse étouffe dans son pays, qui ne sait
pas lui parler. Ni lui proposer le milliardième du rêve qu’elle
entrevoit ailleurs. Notamment en France. Notre jeunesse n’a pas trahi.
Elle veut juste vivre sa vie. De préférence, ailleurs qu’en Algérie.
Depuis le temps qu’on en parle, il y a encore des politiques qui n’ont
rien compris à nos enfants. Nos enfants veulent Vivre leur vie. Mais
là-bas ! Alors qu’on leur propose ici un ersatz de vie. Des études sans
savoir. «Des chemins qui montent.» Et le temps d’apprendre à vivre, une
retraite, à quatre-vingt pour cent, les jettera dans les rets de
journées longues à supporter. Et de nuits qui blanchissent leur cime.
Y. M.
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