Contribution : Méga-dangers sur des méga-projets

Par Pr Abdelkrim Chelghoum,
(Ing Et, CHEC-CHEM, Msc, PhD, DIC, Dr Et)

La présente contribution se veut pragmatique et portera sur l’état des lieux en cette fin d’année 2017 des projets-phares engagés depuis près de 20 ans. Fidèle à la démarche cartésienne que j’ai toujours adoptée dans mes écrits, je procéderai à une évaluation minutieuse et à un diagnostic en l’état de ces infrastructures sur les plans quantitatif et qualitatif, ainsi que sur leur éventuelle résilience face aux différents aléas et dangers d’origine naturelle (séismes, inondations, mouvements des sols) auxquels se trouve confronté leur site d’implantation. Avec beaucoup de retenue et de prudence, j’essayerai de dresser, d’une manière objective, sans parti pris ni passion, le bilan de cette politique menée tambour battant «à vue d’œil», sans études préalables de risque et d’impact sur l’environnement mais surtout, il faut le dire, sans la moindre plus-value (Added Value) sur le développement durable du pays ni sur la qualité ou le niveau de vie des citoyens. Bien au contraire, le bilan dressé par les observateurs de renom, nationaux et étrangers, est sans appel.
A savoir : des constructions nouvelles hideuses et très vulnérables, des villes et villages sans âme développés anarchiquement avec une urbanisation débridée et bâtarde, des quartiers entiers «Peshawardisés», des universités sans aucune valeur intrinsèque transformées en crèches insalubres pour adultes où la saleté, l’indigence et le plagiat sont rois, une recherche scientifique inexistante, un réseau internet à la fois inopérant et obsolète, des écoles sinistrées, des hôpitaux sous-équipés transformés en mouroirs, des barrages envasés avant leur exploitation, un réseau routier hypersaturé avec des ponts importants récents accusant des désordres structuraux préjudiciables pour la sécurité des usagers, une alimentation en eau pas très potable irrégulière avec des coupures récurrentes dépassant quatre et cinq jours dans certains quartiers de la capitale et des semaines pour les villes de l’Est algérien (Skikda, Annaba, Collo, Constantine, Chelghoum Laïd, Batna, etc.), et enfin des coupures d’électricité aléatoires sur l’ensemble du territoire national. La capitale, Alger, est classée (selon trente indicateurs universellement reconnus) par la célèbre revue britannique The Economist comme une ville invivable «occupant les trois dernières places du classement depuis 2009 à ce jour, toujours ex æquo avec les villes de Dhaka (Bengladesh) et Karachi (Pakistan)» (sic).
Dans cette intervention, je me limiterai à une radiographie fine relative à l’évolution des carences précédemment identifiées, répertoriées, investiguées par nos soins et publiées dans la presse nationale, il faut dire que ces défaillances sont présentes sur l’ensemble des projets quelle que soit leur nature et/ou leur importance à travers le territoire national, pour ne citer que : la capitale, Alger, et son environnement, l’autoroute Est-Ouest, la grande mosquée d’Alger, les villes nouvelles, les grands équipements, ainsi que le million de logements composé essentiellement de vilaines cités implantées dans les périphéries des grandes villes, le long des routes et autoroutes sur des sols agricoles généralement non constructibles (non ædificandi) et dans les lits mineurs des oueds. La liste de ces projets calamiteux est encore très longue avec son lot de tares et de dangerosité structurale, ce qui accroît considérablement la vulnérabilité du bâti dont l’impact sur les vies humaines, l’économie et la sécurité nationales serait gravissime. Et pour conclure je donnerai mon avis et un aperçu succinct sur le nouveau projet du port centre de Cherchell lancé en catimini par le gouvernement.

Etat des lieux actualisé
Pour permettre à nos amis lecteurs d’apprécier à sa juste valeur la présente étude, je dresserai un répertoire critique actualisé
circonscrit aux défaillances et catastrophes enregistrées à ce jour au niveau de ce programme (conçu, suivi et géré par les mêmes équipes depuis près de 20 ans).
Pour rappel le précédent a été établi dans la contribution-bilan parue dans le quotidien Le Soir d’Algérie du 14 décembre 2014 (les lecteurs sont invités à consulter attentivement cette publication pour une meilleure compréhension des enjeux en question). On peut ainsi citer pêle-mêle.

La capitale, Alger
Une métropole, sans touristes, sans âme, polluée, asphyxiée, une véritable momie en décomposition cadavérique avancée et où les instruments élémentaires d’urbanisme sont quasi absents dans tous les nouveaux projets supposés embellir la capitale et améliorer la qualité de vie des Algérois.
La moindre poche de terrain intra-muros est systématiquement squattée pour implanter des ouvrages démesurés par rapport à l’environnement naturel immédiat.
Une brève tournée à travers les quartiers de la capitale permet de confirmer ce constat comme ces centaines de promotions immobilières privées poussant comme des champignons sur des sols à haut risque défiant ouvertement la loi 04-20 du 25/12/2004 et ignorant les obligations réglementaires imposées par les POS, PDAU et PER (plans d’exposition aux risques).
Il en est de même pour ces ensembles importants d’équipements avec une architecture «dégueulasse» incrustés sans études de maturation ni débat technique dans des espaces verts exigus à l’intérieur de zones hyperurbanisées pour ne citer que les deux universités de droit et de gestion implantées le long de la double voie express, l’une à Ben Aknoun et l’autre à Saïd Hamdine, à quelques kilomètres l’une de l’autre sans aucune étude d’impact sur l’environnement (EIE) ni une étude de danger, ce qui a engendré indéniablement après leur ouverture un trafic routier très dense, insupportable sur ce tronçon d’autoroute bloqué à toute heure de la journée. De même des cités-dortoirs, toutes formules confondues, dupliquées sur tout le territoire national (AADL, LSP, LPP, LPA, social, promotions privées).
«Des chinoiseries en cubes de béton» sont projetées aléatoirement et de manière irréfléchie au niveau des bretelles exiguës le long de l’autoroute Est-Ouest facilement repérables dans le cas de la wilaya d’Alger à Baba Hassen, Douéra, Chéraga, Birkhadem Rouiba, Reghaïa, etc., provoquant à tout moment une anarchie routière indescriptible et des accidents mortels à l’endroit de ces intersections dangereuses et sans les indications autoroutières d’usage.
Enfin je ne peux m’empêcher de citer le cas de cette construction mastodonte clandestine (sans aucune plaque réglementaire justifiant le nom du maître d’ouvrage et le type de permis) fondée dans le lit mineur de l’oued El Halouf sur un terrain agricole (Djenane Elouz) jouxtant le rond- point de Beni Messous-Chéraga, jadis utilisé par les riverains comme un lieu de repli et de détente. D’après certaines informations crédibles, il s’agirait d’un grand hôpital militaire «mère-enfant» avec tous les risques et nuisances que cela peut engendrer sur l’environnement immédiat. Malheureusement tous les habitants en contact direct avec ce site (j’en fais partie) ont été purement et simplement ignorés par l’institution responsable du projet.
Dans ce cas on est en droit de se poser la question suivante : à quoi sert le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville ? A quoi sert le ministère de l’Aménagement du territoire ? A quoi sert la police de
l’urbanisme ? Toutes ces institutions étatiques budgétivores qui n’arrivent pas à veiller sur le moindre respect des lois de l’urbanisme et de la protection de l’environnement ? Le résultat de cette fuite en avant est
irréfutable : une capitale avec un centre originel abandonné, insalubre et délabré, des rues bouchonnées à toute heure, verrouillées, «dos-d’ânées» et très vulnérable vis-à-vis de plusieurs risques conjoncturels et/ou majeurs parfaitement identifiés et quantifiés pour cette région du globe. Concernant ces aléas, faut-il rappeler que dans le cas de la survenance d’une catastrophe de grande ampleur, la responsabilité de l’Etat demeure entière.

L’autoroute Est-Ouest
En complément aux lourdes insuffisances et défauts listés dans la contribution du 13/03/2014 parue dans le quotidien le Soir d’Algérie intitulée «Ces catastrophes en cascades qui touchent l’autoroute» ; on peut dire qu’à ce jour ce projet «jetable» continue à subir des dégradations considérables avec son lot de tares, malfaçons et inepties gravissimes le long de son tracé jonché d’affaissements, éboulements, crevasses, ornières, glissements et sinistres pathologiques et irréversibles de tous genres qui méritent largement de remplir la rubrique «catastrophes exceptionnelles» dans le Guiness Book of Records. Il est utile de signaler également que la totalité des 1 200 km de cette plateforme demeure actuellement très vulnérable vis-à-vis des risques «mouvements des sols, séisme, ensablement et inondations».
Concernant ce dernier aléa il a toujours été aisé de constater que la chute de quelques gouttes de pluie rend cette autoroute totalement impraticable et très dangereuse sur l’ensemble de son tracé, preuve irréfutable de sa non-conformité aux règles basiques de l’art de construire. L’autre volet important concerne la reprise en sous-œuvre du corps de chaussée et la réparation sans interruption de la couche de roulement des tronçons endommagés avant même leur réception provisoire avec, bien entendu, des centaines d’avenants en cascades évalués à des milliards de dollars (pertes sèches pour le Trésor public) engendrés essentiellement par la tricherie des entreprises et l’incapacité chronique des pouvoirs publics à contrôler ces carences techniques.
En effet il est clair que ceci est dû à l’absence totale des missions assistance, suivi, contrôle et validation durant toute la période de réalisation, ce qui a grandement contribué à l’échec de ce mégaprojet livré par tronçons successifs et épars dans un état piteux, déplorable et inacceptable vis-à-vis des normes techniques minimales internationales d’une part et des surcoûts faramineux injustifiés jusqu’à ce jour d’autre part (on peut dire que c’est le kilomètre le plus bricolé et le plus cher de la planète).
Pour conclure et tranquilliser les personnes qui ne ratent pas une occasion pour nous traiter d’alarmiste, pessimiste et même d’extrémiste suite à nos critiques techniques depuis le lancement en catimini de ce mégaprojet, je leur livre in extenso le constat dressé par le groupement canadien Dessau en charge depuis le premier jour de la mission «assistance technique» auprès du maître d’ouvrage, en l’occurrence le ministère des T. P., à savoir «les défauts, conséquence de l’utilisation de matériaux impropres, la mise en œuvre inadéquate ou de détails de conception déficients apparaîtront postérieurement à la réception des travaux.
Nous observons que la direction des nouveaux projets en est, présentement, à mettre en place des mécanismes afin de pouvoir cacher la réalité au terme du contrat. La perception que le grand public pourra avoir du succès du projet sera brouillée, les dérapages à venir étant éventuellement présentés comme suit : les responsables seront en mesure d’annoncer, après le délai de 40 mois, la réception de l’autoroute sur un linéaire de 95% ou plus… La mauvaise qualité des travaux passera sous silence, comme ceci est présentement le cas pour les tronçons ouverts à la circulation.» (Source : El Watan n°7450 du 7 avril 2015).
Voici le réquisitoire sans appel d’un acteur qui a été favorisé et choisi sur la base du gré à gré de la manière la plus opaque.
Le deuxième volet stratégique de ce mégaprojet concerne le dossier d’exécution des aérogares, péage, tarification et mise à niveau des indicateurs techniques et économiques relatifs aux tronçons existants et confié au groupe EGIS, il se trouve que les pouvoirs publics observent un silence injustifié par rapport à cette mission !!
Faut-il aussi signaler que ces bureaux d’études ont largement profité de l’incompétence des institutions publiques en assurant des missions bâclées à coup de millions de dollars par le biais d’une poignée de techniciens nationaux et expatriés de niveau très moyen au détriment de tous les experts nationaux largement plus compétents malheureusement marginalisés, voire même frappés d’ostracisme par le pouvoir en place.
Afin de mieux comprendre les causes de l’échec de ce mégaprojet, il est impératif de répondre à certaines interrogations de fond sur les vices cachés inhérents au dossier «études» dans sa globalité et qui pourraient servir de marqueurs pour une éventuelle mise aux normes de certains tronçons :
- Sur la base de quelle programmation le délai de 40 mois pour la réalisation de cette autoroute sans un tracé définitif, ni APS (avant-projet sommaire) ni APD (avant-projet détaillé) a été fixé ?
- Sur quelle base technico-économique l’option des deux fois trois voies (2 fois 3) avec une minuscule bande d’urgence a été choisie ?
- Pourquoi l’étude de mise à niveau exécutée antérieurement par le bureau SEEE en 1997 n’a pas été incorporée parmi les hypothèses d’appréciation par le ministère des T. P. lors de la phase conception du projet ?
- Pourquoi a-t-on passé sous silence le rapport de la Banque mondiale 2005-2006 tirant la sonnette d’alarme pour prévenir les dérives potentielles qui pourraient être engendrées par le lancement du projet en l’état ?
- Qui a décidé du changement du corps de chaussée prescrit dans le dossier initial avec introduction des enrobés EME (enrobé à module élevé) avec une diminution des épaisseurs et une surfacturation de plus de 400 millions d’euros par tronçon ?
- Quelles sont les hypothèses et les modèles numériques adoptés pour le tracé des tronçons dans les régions de Khemis-Miliana, Aomar, Lakhdaria, Djebel Ouahch (Constantine) et Tarf.
Voici quelques questionnements que les responsables de ce projet pourraient utiliser comme repères pour clarifier l’état actuel de cette autoroute sur les plans technique et financier.

Les villes nouvelles

Ces projets lancés entre 2003 et 2008 ont été confiés à des bureaux d’études et entreprises étrangères (sud-coréens et canadiens) et concernent les villes nouvelles de Sidi Abdellah, Hassi Messaoud, Bouinan, Boughezoul et Ali Mendjelli de Constantine. Dans une longue interview paru dans le quotidien Le Courrier du 13/12/2012, j’avais clairement signalé l’absence d’une stratégie gouvernementale et une confusion dans les priorités adoptées dans le lancement des études de conception de ces villes. Toute la démarche des décideurs était fondée sur le recours aux consortiums étrangers et l’exclusion de toute compétence nationale. Au jour d’aujourd’hui le constat est parlant, ces villes peinent à prendre forme et les sommes colossales dépensées anarchiquement sans contrôle ont permis de remplir les comptes de ces BET’s et entrepreneurs indélicats et saigner à blanc le Trésor public sans aucune contrepartie. A titre d’exemple, la nouvelle ville de Constantine regroupe non seulement toutes les caractéristiques d’un bidonville structuré (promiscuité, banditisme, drogue, prostitution, etc.) mais aussi une vulnérabilité accrue vis-à-vis des aléas naturels (quartiers souvent inondés avec des pertes considérables en biens matériels et en vies humaines, glissements de terrains, réseaux d’évacuation souvent obstrués…).
Quant aux villes de Sidi Abdellah et Bouinan encadrées par des failles sismiques très actives demeurent très vulnérables et doivent par conséquent faire l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics avant qu’il ne soit trop tard.
L’effondrement spectaculaire des tunnels de Djebel Ouahch (w. Constantine) le 31 décembre 2014 (les causes ayant été largement exposées dans la contribution parue dans le quotidien national Le Soir d’Algérie du 02/02/2014). Dans ce papier, j’avais posé les questionnements de fond concernant la responsabilité des maîtres d’œuvre et d’ouvrage, voilà maintenant trois années écoulées depuis la ruine de ces ouvrages d’art, peut-on connaître les décisions techniques arrêtées pour corriger ces défaillances à savoir : faut-il contourner ou renforcer les tubes et qui a payé la facture de cette catastrophe ?

Le viaduc Trans-Rhumel de Constantine
La faute technique gravissime commise au niveau de la pile n°4 du viaduc Trans-Rhumel de Constantine (pont à haubans de 749 m de long avec une hauteur centrale de 80 m au-dessus du lit de l’oued Rhumel attribuée à l’entreprise brésilienne Andrade Gutierrez AG avec l’entreprise italienne TREVI comme sous-traitante pour les travaux des fondations profondes (pieux) et le bureau d’études danois COWI A/S comme maître d’œuvre). J’avais clairement décrit et présenté la problématique pour la première fois dans le quotidien Le Soir d’Algérie n°7203 du 15/06/2014 intitulée «Viaduc Trans-rhumel de Constantine : des carences majeures». Malheureusement il faut dire qu’aujourd’hui on assiste à une amplification du phénomène de glissement qui touche de façon dangereuse les fondations de deux pylônes depuis sa mise en service et constitue un véritable handicap pour la stabilité et la résilience de cet ouvrage d’art et dont les conséquences seraient désastreuses sur les plans urbanistique, social et économique pour la capitale de l’Est algérien. Encore une fois les pouvoirs publics sont restés silencieux par rapport à ce danger ! Qui endossera la responsabilité dans le cas d’un endommagement préjudiciable du tablier du pont dans un futur proche ? Qui paiera la facture ?

Grande mosquée d’Alger
Depuis le choix du site d’implantation de cet ouvrage, je n’ai cessé d’attirer l’attention des décideurs sur la problématique des dangers potentiels engendrés par les risques majeurs auxquels se trouve confrontée cette zone, mais surtout leur impact direct sur le coût final du projet.
Afin de recentrer le débat technique relatif à ce projet et éviter toute polémique stérile entretenue par les différents ministres qui se sont succédé à la tête de ce projet, les principales préoccupations ainsi que les questionnements soulevés ont été développés dans mes diverses contributions et plus précisément celles intitulées «Rétablir les vérités», Le Soir d’Algérie du jeudi 23 août 2012» ; «Cessons la polémique», Le Soir d’Algérie du 10 octobre 2012 ; «Vérités et mensonges sur un mégaprojet», Le Soir d’Algérie du 6/03/2016, qui sont de simples mises au point et des réponses structurées aux attaques fulgurantes et infondées proférées par les ministres maîtres d’ouvrage du projet contre les experts nationaux.
Malheureusement il faut noter que malgré l’importance de la problématique, ces ministres ont toujours brillé par leur silence, leur refus du débat technique et leur incompétence à lever les réserves posées.
Faut-il rappeler à nos amis lecteurs que le renvoi manu militari du maître d’œuvre, «le BET allemand», et l’attribution de cette mission stratégique à l’entrepreneur chinois qui devient ainsi le maître à bord qui réalise et bricole comme il l’entend, puisque c’est lui-même qui contrôle, assure le suivi, opère à sa convenance toutes les modifications et adaptations des plans, prépare sous le couvert du BET EGIS (injecté mystérieusement dans ce projet par le ministre de l’Habitat) les services faits et encaisse sans aucun contrôle. Aussi l’interdiction de recruter de jeunes ingénieurs algériens (sur ordre du ministère de l’Habitat) par le BET allemand (voir interview de M. Fischer TSA du 22/04/2016) a non seulement privé l’Algérie d’un transfert de savoir-faire mais a permis à l’entreprise chinoise de ne pas respecter les délais contractuels et de bâcler le travail sans se soucier d’un quelconque refus technique pour non-conformité ou défaut de réalisation plaçant ainsi notre pays dans la situation de perdant-perdant. Aujourd’hui, au moment de la pose de la coiffe en charpente métallique du minaret, le contribuable est en droit d’être informé sur la hauteur exacte de ce parallélépipède et la date de livraison définitive de ce chantier !
Compte tenu de la complexité des missions de second œuvre de cet ouvrage, il est impératif de connaître les références et qualifications du BET en charge des phases «assistance technique, validation des plans, suivi et contrôle de la réalisation» sachant que ces tâches représentent 50% du projet et concernent le parachèvement, la décoration, les réseaux divers, les câblages, l’électricité, la plomberie, la climatisation, le chauffage, les isolations, la protection contre l’incendie, les équipements, etc.
Il faut dire que l’exécution de ces travaux requièrent un savoir-faire et une spécialisation sans failles dans chacun de ces domaines, ce qui n’est sûrement pas le cas de l’entreprise chinoise renommée pour le bâclage des travaux de gros œuvre et le manque d’expertise pour la finition selon les normes universelles des corps d’état secondaires.

Les stades de Tizi-Ouzou et de Baraki
Pour ces deux ouvrages, la faiblesse et la superficialité des études confiées à des bureaux cooptés par les entrepreneurs bénéficiaires de ces marchés ont engendré le non-respect des délais contractuels, des arrêts fréquents dans la réalisation, des reprises en sous-œuvre dues à des fautes graves dans le dossier étude d’exécution non maturé, etc.
L’aberration réside dans le choix de ces pseudo-groupes sans références dans le domaine en question et dont la stratégie repose essentiellement sur la sous-traitance totale de toutes les missions d’études et de réalisation.
Ils interviennent juste dans la facturation des travaux exécutés par «autrui» et la collecte d’une partie juteuse des bénéfices sans aucun effort ni contrepartie.
A l’heure actuelle, le chantier du stade de Tizi-Ouzou, lancé en 2010, supposé être livré en 40 mois (durée contractuelle) a connu une valse d’entrepreneurs espagnols, puis turcs avec plus de quatre années de retard.
Pourquoi, à notre connaissance, l’article relatif aux pénalités de retard n’a pas été appliqué par le maître d’ouvrage ?!! Quant au stade de Baraki, des sinistres structuraux ainsi que les vices cachés commencent à faire surface à cause des graves aléas géotechniques non élucidés par les études bâclées du sol marécageux. Affaire à suivre !...

Les millions de logements
Le bilan de l’habitat à mi-chemin du quatrième quinquennat demeure très controversé. En effet, les chiffres avancés par les politiques relèvent de la pure fiction : quatre millions de logements livrés depuis 1999, c’est-à-dire 200 000 logements par an ou l’équivalent de 16 666 logements par mois.
Une brève exploration de certaines incohérences constatées jusque-là permet de dégager les lignes d’évaluation capables de définir avec une très faible marge d’erreur le bilan sur le plan quantitatif du programme de logements réceptionnés pendant ces dix- huit dernières années et demie en s’éloignant volontairement de toutes les interrogations hâtives.
Le résultat du présent exercice découlant de la meilleure connaissance actuellement possible de la réalité des capacités matérielles et humaines du secteur s’est limité à estimer l’aspect «construction de logements» pour déboucher sur le bilan réel du parc réceptionné de 1999 à ce jour.
Il va de soi que les capacités financières que l’Etat a engagées dans ces opérations constituent le paramètre fondamental dans notre appréciation concernant cet enjeu.
Dans la contribution intitulée «Réalisation de 3 millions de logements, avril 1999-avril 2014 ou l’impossible équation» parue dans le quotidien Le Soir d’Algérie n°7148 du 9 avril 2014, j’ai clairement démontré l’impossibilité à résoudre l’équation des trois millions de logements pendant cette période en raisonnant sur les trois volets interdépendants, à savoir : le foncier, les matériaux et les moyens de réalisation mis en œuvre.
La construction de 3 000 000 logements permet de loger ou reloger environ 20 millions d’habitants.
C’est dire l’ampleur presque démesurée de cette tâche que le gouvernement actuel tente de faire admettre comme le résultat effectif de son action depuis 1999 ; il faut dire que la pilule est très difficile, voire impossible, à avaler même pour les citoyens les plus naïfs.
L’autre volet intéressant concerne la démarche du gouvernement pour moderniser le secteur de la construction de logements lancée pompeusement au cours d’une journée d’étude initiée par le ministre de l’Habitat et de la Ville le 30 septembre 2014 au Palais des nations.
Au jour d’aujourd’hui, chaque professionnel est en droit de demander des comptes, quels sont les résultats et les retombées de cette initiative ? Tout est passé sous silence par le gouvernement quant à l’échec lamentable de cette démarche telle que je l’avais anticipée dans plusieurs de mes publications.
Un audit technique et financier aurait dû être engagé par la présidence de la République pour déterminer les pertes financières engendrées par la décision irréfléchie et hasardeuse du ministre de l’Habitat et de la Ville.

Le projet du nouveau port de Cherchell
Refusant de tirer les enseignements des échecs passés, l’Etat vient d’opter encore une fois pour la même démarche en décidant de lancer unilatéralement l’étude et la réalisation d’un méga-port en eau profonde à Hamdania (w. Tipasa) sans consultation ni débat technique. Il faut dire que le choix du site demeure injustifié vu qu’aucune étude de risque n’a été faite avant le lancement de l’avant-projet. En effet le critère fondamental concernant les risques majeurs encourus par le choix du site n’a pas été considéré, ce qui est en contradiction flagrante avec tous les articles de la loi 04-20 2004 relative à la prévention des risques et des catastrophes dans le cadre du développement durable. Tout a été décidé dans la précipitation «une fuite en avant» en appliquant la même stratégie «ubuesque» utilisée pour les projets de l’autoroute Est-Ouest et de la Grande mosquée. Il suffit de noter le type et les qualifications des entreprises sélectionnées sur la base du gré à gré pour anticiper d’ores et déjà les dangers à venir. Aucune des entreprises retenues par les pouvoirs publics n’a la moindre qualification dans les travaux maritimes, ce sont de véritables amateurs qui vont coûter «très cher» au Trésor public. Les pays sérieux, avant de lancer un projet d’envergure, mettent en place une agence ou un panel composé de centaines d’experts ayant une expérience avérée dans ce domaine pour réfléchir, analyser tous les paramètres techniques, définir les repères de vigilance par rapport au site d’implantation et fixer les hypothèses de base pour l’élaboration de l’esquisse et l’APD.
Soucieux de l’importance de ces mégaprojets sur les plans économique, culturel et social pour l’épanouissement de notre pays j’ai toujours insisté sur le fait que la problématique et les questionnements posés n’ont rien de personnel et ne portent pas sur des enjeux politiques ou religieux ; le débat que j’avais ouvert s’inscrivait sur un plan purement technique, c'est-à-dire la sécurité des biens et des personnes et le coût prohibitif induit par les risques encourus au niveau des choix des sites en question.
De ce qui ressort de cette appréciation technique, c’est malheureusement l’absence totale de règles et de procédures fiables indispensables dans la conduite moderne des affaires d’un pays.
Des sommes colossales dépassant 1 000 milliards de dollars US ont été gaspillées, parties en fumée dans l’informel sans aucune forme de contrôle pour aboutir à un état des lieux kafkaïen de toutes les infrastructures livrées ces dix-huit dernières années avec une mise en œuvre prématurée occultant les principes de précaution et de prudence mettant ainsi en péril durablement la sécurité nationale du pays.
Dans cette intervention je me suis limité à l’analyse et l’évaluation des inepties identifiées à ce jour au niveau les grands projets. Je souhaiterai que les experts ayant une formation et une expérience avérée dans les filières de l’énergie, l’agriculture, la diplomatie, la défense nationale, la sécurité intérieure et extérieure, l’éducation nationale, l’industrie, les médias et l’économétrie puissent nous éclairer sur le bilan de chaque secteur afin de pouvoir constituer un état des lieux objectif qui pourrait plus tard servir d’élément salvateur et de base de données pour la mise en place d’une nouvelle stratégie de gestion mesurée et intelligente des affaires du pays, et pourquoi pas une refondation totale de l’ossature globale du système pour le bien-être des générations futures.
A. C.
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Source de cet article :
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