Contribution : Méga-dangers sur des méga-projets
Par Pr Abdelkrim Chelghoum,
(Ing Et, CHEC-CHEM,
Msc, PhD, DIC, Dr Et)
La présente contribution se veut pragmatique et portera sur l’état des
lieux en cette fin d’année 2017 des projets-phares engagés depuis près
de 20 ans. Fidèle à la démarche cartésienne que j’ai toujours adoptée
dans mes écrits, je procéderai à une évaluation minutieuse et à un
diagnostic en l’état de ces infrastructures sur les plans quantitatif et
qualitatif, ainsi que sur leur éventuelle résilience face aux différents
aléas et dangers d’origine naturelle (séismes, inondations, mouvements
des sols) auxquels se trouve confronté leur site d’implantation. Avec
beaucoup de retenue et de prudence, j’essayerai de dresser, d’une
manière objective, sans parti pris ni passion, le bilan de cette
politique menée tambour battant «à vue d’œil», sans études préalables de
risque et d’impact sur l’environnement mais surtout, il faut le dire,
sans la moindre plus-value (Added Value) sur le développement durable du
pays ni sur la qualité ou le niveau de vie des citoyens. Bien au
contraire, le bilan dressé par les observateurs de renom, nationaux et
étrangers, est sans appel.
A savoir : des constructions nouvelles hideuses et très vulnérables, des
villes et villages sans âme développés anarchiquement avec une
urbanisation débridée et bâtarde, des quartiers entiers «Peshawardisés»,
des universités sans aucune valeur intrinsèque transformées en crèches
insalubres pour adultes où la saleté, l’indigence et le plagiat sont
rois, une recherche scientifique inexistante, un réseau internet à la
fois inopérant et obsolète, des écoles sinistrées, des hôpitaux
sous-équipés transformés en mouroirs, des barrages envasés avant leur
exploitation, un réseau routier hypersaturé avec des ponts importants
récents accusant des désordres structuraux préjudiciables pour la
sécurité des usagers, une alimentation en eau pas très potable
irrégulière avec des coupures récurrentes dépassant quatre et cinq jours
dans certains quartiers de la capitale et des semaines pour les villes
de l’Est algérien (Skikda, Annaba, Collo, Constantine, Chelghoum Laïd,
Batna, etc.), et enfin des coupures d’électricité aléatoires sur
l’ensemble du territoire national. La capitale, Alger, est classée
(selon trente indicateurs universellement reconnus) par la célèbre revue
britannique The Economist comme une ville invivable «occupant les trois
dernières places du classement depuis 2009 à ce jour, toujours ex æquo
avec les villes de Dhaka (Bengladesh) et Karachi (Pakistan)» (sic).
Dans cette intervention, je me limiterai à une radiographie fine
relative à l’évolution des carences précédemment identifiées,
répertoriées, investiguées par nos soins et publiées dans la presse
nationale, il faut dire que ces défaillances sont présentes sur
l’ensemble des projets quelle que soit leur nature et/ou leur importance
à travers le territoire national, pour ne citer que : la capitale,
Alger, et son environnement, l’autoroute Est-Ouest, la grande mosquée
d’Alger, les villes nouvelles, les grands équipements, ainsi que le
million de logements composé essentiellement de vilaines cités
implantées dans les périphéries des grandes villes, le long des routes
et autoroutes sur des sols agricoles généralement non constructibles
(non ædificandi) et dans les lits mineurs des oueds. La liste de ces
projets calamiteux est encore très longue avec son lot de tares et de
dangerosité structurale, ce qui accroît considérablement la
vulnérabilité du bâti dont l’impact sur les vies humaines, l’économie et
la sécurité nationales serait gravissime. Et pour conclure je donnerai
mon avis et un aperçu succinct sur le nouveau projet du port centre de
Cherchell lancé en catimini par le gouvernement.
Etat des lieux actualisé
Pour permettre à nos amis lecteurs d’apprécier à sa juste valeur la
présente étude, je dresserai un répertoire critique actualisé
circonscrit aux défaillances et catastrophes enregistrées à ce jour au
niveau de ce programme (conçu, suivi et géré par les mêmes équipes
depuis près de 20 ans).
Pour rappel le précédent a été établi dans la contribution-bilan parue
dans le quotidien Le Soir d’Algérie du 14 décembre 2014 (les lecteurs
sont invités à consulter attentivement cette publication pour une
meilleure compréhension des enjeux en question). On peut ainsi citer
pêle-mêle.
La capitale, Alger
Une métropole, sans touristes, sans âme, polluée, asphyxiée, une
véritable momie en décomposition cadavérique avancée et où les
instruments élémentaires d’urbanisme sont quasi absents dans tous les
nouveaux projets supposés embellir la capitale et améliorer la qualité
de vie des Algérois.
La moindre poche de terrain intra-muros est systématiquement squattée
pour implanter des ouvrages démesurés par rapport à l’environnement
naturel immédiat.
Une brève tournée à travers les quartiers de la capitale permet de
confirmer ce constat comme ces centaines de promotions immobilières
privées poussant comme des champignons sur des sols à haut risque
défiant ouvertement la loi 04-20 du 25/12/2004 et ignorant les
obligations réglementaires imposées par les POS, PDAU et PER (plans
d’exposition aux risques).
Il en est de même pour ces ensembles importants d’équipements avec une
architecture «dégueulasse» incrustés sans études de maturation ni débat
technique dans des espaces verts exigus à l’intérieur de zones
hyperurbanisées pour ne citer que les deux universités de droit et de
gestion implantées le long de la double voie express, l’une à Ben Aknoun
et l’autre à Saïd Hamdine, à quelques kilomètres l’une de l’autre sans
aucune étude d’impact sur l’environnement (EIE) ni une étude de danger,
ce qui a engendré indéniablement après leur ouverture un trafic routier
très dense, insupportable sur ce tronçon d’autoroute bloqué à toute
heure de la journée. De même des cités-dortoirs, toutes formules
confondues, dupliquées sur tout le territoire national (AADL, LSP, LPP,
LPA, social, promotions privées).
«Des chinoiseries en cubes de béton» sont projetées aléatoirement et de
manière irréfléchie au niveau des bretelles exiguës le long de
l’autoroute Est-Ouest facilement repérables dans le cas de la wilaya
d’Alger à Baba Hassen, Douéra, Chéraga, Birkhadem Rouiba, Reghaïa, etc.,
provoquant à tout moment une anarchie routière indescriptible et des
accidents mortels à l’endroit de ces intersections dangereuses et sans
les indications autoroutières d’usage.
Enfin je ne peux m’empêcher de citer le cas de cette construction
mastodonte clandestine (sans aucune plaque réglementaire justifiant le
nom du maître d’ouvrage et le type de permis) fondée dans le lit mineur
de l’oued El Halouf sur un terrain agricole (Djenane Elouz) jouxtant le
rond- point de Beni Messous-Chéraga, jadis utilisé par les riverains
comme un lieu de repli et de détente. D’après certaines informations
crédibles, il s’agirait d’un grand hôpital militaire «mère-enfant» avec
tous les risques et nuisances que cela peut engendrer sur
l’environnement immédiat. Malheureusement tous les habitants en contact
direct avec ce site (j’en fais partie) ont été purement et simplement
ignorés par l’institution responsable du projet.
Dans ce cas on est en droit de se poser la question suivante : à quoi
sert le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville ? A quoi
sert le ministère de l’Aménagement du territoire ? A quoi sert la police
de
l’urbanisme ? Toutes ces institutions étatiques budgétivores qui
n’arrivent pas à veiller sur le moindre respect des lois de l’urbanisme
et de la protection de l’environnement ? Le résultat de cette fuite en
avant est
irréfutable : une capitale avec un centre originel abandonné, insalubre
et délabré, des rues bouchonnées à toute heure, verrouillées, «dos-d’ânées»
et très vulnérable vis-à-vis de plusieurs risques conjoncturels et/ou
majeurs parfaitement identifiés et quantifiés pour cette région du
globe. Concernant ces aléas, faut-il rappeler que dans le cas de la
survenance d’une catastrophe de grande ampleur, la responsabilité de
l’Etat demeure entière.
L’autoroute Est-Ouest
En complément aux lourdes insuffisances et défauts listés dans la
contribution du 13/03/2014 parue dans le quotidien le Soir d’Algérie
intitulée «Ces catastrophes en cascades qui touchent l’autoroute» ; on
peut dire qu’à ce jour ce projet «jetable» continue à subir des
dégradations considérables avec son lot de tares, malfaçons et inepties
gravissimes le long de son tracé jonché d’affaissements, éboulements,
crevasses, ornières, glissements et sinistres pathologiques et
irréversibles de tous genres qui méritent largement de remplir la
rubrique «catastrophes exceptionnelles» dans le Guiness Book of Records.
Il est utile de signaler également que la totalité des 1 200 km de cette
plateforme demeure actuellement très vulnérable vis-à-vis des risques
«mouvements des sols, séisme, ensablement et inondations».
Concernant ce dernier aléa il a toujours été aisé de constater que la
chute de quelques gouttes de pluie rend cette autoroute totalement
impraticable et très dangereuse sur l’ensemble de son tracé, preuve
irréfutable de sa non-conformité aux règles basiques de l’art de
construire. L’autre volet important concerne la reprise en sous-œuvre du
corps de chaussée et la réparation sans interruption de la couche de
roulement des tronçons endommagés avant même leur réception provisoire
avec, bien entendu, des centaines d’avenants en cascades évalués à des
milliards de dollars (pertes sèches pour le Trésor public) engendrés
essentiellement par la tricherie des entreprises et l’incapacité
chronique des pouvoirs publics à contrôler ces carences techniques.
En effet il est clair que ceci est dû à l’absence totale des missions
assistance, suivi, contrôle et validation durant toute la période de
réalisation, ce qui a grandement contribué à l’échec de ce mégaprojet
livré par tronçons successifs et épars dans un état piteux, déplorable
et inacceptable vis-à-vis des normes techniques minimales
internationales d’une part et des surcoûts faramineux injustifiés
jusqu’à ce jour d’autre part (on peut dire que c’est le kilomètre le
plus bricolé et le plus cher de la planète).
Pour conclure et tranquilliser les personnes qui ne ratent pas une
occasion pour nous traiter d’alarmiste, pessimiste et même d’extrémiste
suite à nos critiques techniques depuis le lancement en catimini de ce
mégaprojet, je leur livre in extenso le constat dressé par le groupement
canadien Dessau en charge depuis le premier jour de la mission
«assistance technique» auprès du maître d’ouvrage, en l’occurrence le
ministère des T. P., à savoir «les défauts, conséquence de l’utilisation
de matériaux impropres, la mise en œuvre inadéquate ou de détails de
conception déficients apparaîtront postérieurement à la réception des
travaux.
Nous observons que la direction des nouveaux projets en est,
présentement, à mettre en place des mécanismes afin de pouvoir cacher la
réalité au terme du contrat. La perception que le grand public pourra
avoir du succès du projet sera brouillée, les dérapages à venir étant
éventuellement présentés comme suit : les responsables seront en mesure
d’annoncer, après le délai de 40 mois, la réception de l’autoroute sur
un linéaire de 95% ou plus… La mauvaise qualité des travaux passera sous
silence, comme ceci est présentement le cas pour les tronçons ouverts à
la circulation.» (Source : El Watan n°7450 du 7 avril 2015).
Voici le réquisitoire sans appel d’un acteur qui a été favorisé et
choisi sur la base du gré à gré de la manière la plus opaque.
Le deuxième volet stratégique de ce mégaprojet concerne le dossier
d’exécution des aérogares, péage, tarification et mise à niveau des
indicateurs techniques et économiques relatifs aux tronçons existants et
confié au groupe EGIS, il se trouve que les pouvoirs publics observent
un silence injustifié par rapport à cette mission !!
Faut-il aussi signaler que ces bureaux d’études ont largement profité de
l’incompétence des institutions publiques en assurant des missions
bâclées à coup de millions de dollars par le biais d’une poignée de
techniciens nationaux et expatriés de niveau très moyen au détriment de
tous les experts nationaux largement plus compétents malheureusement
marginalisés, voire même frappés d’ostracisme par le pouvoir en place.
Afin de mieux comprendre les causes de l’échec de ce mégaprojet, il est
impératif de répondre à certaines interrogations de fond sur les vices
cachés inhérents au dossier «études» dans sa globalité et qui pourraient
servir de marqueurs pour une éventuelle mise aux normes de certains
tronçons :
- Sur la base de quelle programmation le délai de 40 mois pour la
réalisation de cette autoroute sans un tracé définitif, ni APS
(avant-projet sommaire) ni APD (avant-projet détaillé) a été fixé ?
- Sur quelle base technico-économique l’option des deux fois trois voies
(2 fois 3) avec une minuscule bande d’urgence a été choisie ?
- Pourquoi l’étude de mise à niveau exécutée antérieurement par le
bureau SEEE en 1997 n’a pas été incorporée parmi les hypothèses
d’appréciation par le ministère des T. P. lors de la phase conception du
projet ?
- Pourquoi a-t-on passé sous silence le rapport de la Banque mondiale
2005-2006 tirant la sonnette d’alarme pour prévenir les dérives
potentielles qui pourraient être engendrées par le lancement du projet
en l’état ?
- Qui a décidé du changement du corps de chaussée prescrit dans le
dossier initial avec introduction des enrobés EME (enrobé à module
élevé) avec une diminution des épaisseurs et une surfacturation de plus
de 400 millions d’euros par tronçon ?
- Quelles sont les hypothèses et les modèles numériques adoptés pour le
tracé des tronçons dans les régions de Khemis-Miliana, Aomar, Lakhdaria,
Djebel Ouahch (Constantine) et Tarf.
Voici quelques questionnements que les responsables de ce projet
pourraient utiliser comme repères pour clarifier l’état actuel de cette
autoroute sur les plans technique et financier.
Les villes nouvelles
Ces projets lancés entre 2003 et 2008 ont été confiés à des bureaux
d’études et entreprises étrangères (sud-coréens et canadiens) et
concernent les villes nouvelles de Sidi Abdellah, Hassi Messaoud,
Bouinan, Boughezoul et Ali Mendjelli de Constantine. Dans une longue
interview paru dans le quotidien Le Courrier du 13/12/2012, j’avais
clairement signalé l’absence d’une stratégie gouvernementale et une
confusion dans les priorités adoptées dans le lancement des études de
conception de ces villes. Toute la démarche des décideurs était fondée
sur le recours aux consortiums étrangers et l’exclusion de toute
compétence nationale. Au jour d’aujourd’hui le constat est parlant, ces
villes peinent à prendre forme et les sommes colossales dépensées
anarchiquement sans contrôle ont permis de remplir les comptes de ces
BET’s et entrepreneurs indélicats et saigner à blanc le Trésor public
sans aucune contrepartie. A titre d’exemple, la nouvelle ville de
Constantine regroupe non seulement toutes les caractéristiques d’un
bidonville structuré (promiscuité, banditisme, drogue, prostitution,
etc.) mais aussi une vulnérabilité accrue vis-à-vis des aléas naturels
(quartiers souvent inondés avec des pertes considérables en biens
matériels et en vies humaines, glissements de terrains, réseaux
d’évacuation souvent obstrués…).
Quant aux villes de Sidi Abdellah et Bouinan encadrées par des failles
sismiques très actives demeurent très vulnérables et doivent par
conséquent faire l’objet d’une attention particulière de la part des
pouvoirs publics avant qu’il ne soit trop tard.
L’effondrement spectaculaire des tunnels de Djebel Ouahch (w.
Constantine) le 31 décembre 2014 (les causes ayant été largement
exposées dans la contribution parue dans le quotidien national Le Soir
d’Algérie du 02/02/2014). Dans ce papier, j’avais posé les
questionnements de fond concernant la responsabilité des maîtres d’œuvre
et d’ouvrage, voilà maintenant trois années écoulées depuis la ruine de
ces ouvrages d’art, peut-on connaître les décisions techniques arrêtées
pour corriger ces défaillances à savoir : faut-il contourner ou
renforcer les tubes et qui a payé la facture de cette catastrophe ?
Le viaduc Trans-Rhumel de Constantine
La faute technique gravissime commise au niveau de la pile n°4 du viaduc
Trans-Rhumel de Constantine (pont à haubans de 749 m de long avec une
hauteur centrale de 80 m au-dessus du lit de l’oued Rhumel attribuée à
l’entreprise brésilienne Andrade Gutierrez AG avec l’entreprise
italienne TREVI comme sous-traitante pour les travaux des fondations
profondes (pieux) et le bureau d’études danois COWI A/S comme maître
d’œuvre). J’avais clairement décrit et présenté la problématique pour la
première fois dans le quotidien Le Soir d’Algérie n°7203 du 15/06/2014
intitulée «Viaduc Trans-rhumel de Constantine : des carences majeures».
Malheureusement il faut dire qu’aujourd’hui on assiste à une
amplification du phénomène de glissement qui touche de façon dangereuse
les fondations de deux pylônes depuis sa mise en service et constitue un
véritable handicap pour la stabilité et la résilience de cet ouvrage
d’art et dont les conséquences seraient désastreuses sur les plans
urbanistique, social et économique pour la capitale de l’Est algérien.
Encore une fois les pouvoirs publics sont restés silencieux par rapport
à ce danger ! Qui endossera la responsabilité dans le cas d’un
endommagement préjudiciable du tablier du pont dans un futur proche ?
Qui paiera la facture ?
Grande mosquée d’Alger
Depuis le choix du site d’implantation de cet ouvrage, je n’ai cessé
d’attirer l’attention des décideurs sur la problématique des dangers
potentiels engendrés par les risques majeurs auxquels se trouve
confrontée cette zone, mais surtout leur impact direct sur le coût final
du projet.
Afin de recentrer le débat technique relatif à ce projet et éviter toute
polémique stérile entretenue par les différents ministres qui se sont
succédé à la tête de ce projet, les principales préoccupations ainsi que
les questionnements soulevés ont été développés dans mes diverses
contributions et plus précisément celles intitulées «Rétablir les
vérités», Le Soir d’Algérie du jeudi 23 août 2012» ; «Cessons la
polémique», Le Soir d’Algérie du 10 octobre 2012 ; «Vérités et mensonges
sur un mégaprojet», Le Soir d’Algérie du 6/03/2016, qui sont de simples
mises au point et des réponses structurées aux attaques fulgurantes et
infondées proférées par les ministres maîtres d’ouvrage du projet contre
les experts nationaux.
Malheureusement il faut noter que malgré l’importance de la
problématique, ces ministres ont toujours brillé par leur silence, leur
refus du débat technique et leur incompétence à lever les réserves
posées.
Faut-il rappeler à nos amis lecteurs que le renvoi manu militari du
maître d’œuvre, «le BET allemand», et l’attribution de cette mission
stratégique à l’entrepreneur chinois qui devient ainsi le maître à bord
qui réalise et bricole comme il l’entend, puisque c’est lui-même qui
contrôle, assure le suivi, opère à sa convenance toutes les
modifications et adaptations des plans, prépare sous le couvert du BET
EGIS (injecté mystérieusement dans ce projet par le ministre de
l’Habitat) les services faits et encaisse sans aucun contrôle. Aussi
l’interdiction de recruter de jeunes ingénieurs algériens (sur ordre du
ministère de l’Habitat) par le BET allemand (voir interview de M.
Fischer TSA du 22/04/2016) a non seulement privé l’Algérie d’un
transfert de savoir-faire mais a permis à l’entreprise chinoise de ne
pas respecter les délais contractuels et de bâcler le travail sans se
soucier d’un quelconque refus technique pour non-conformité ou défaut de
réalisation plaçant ainsi notre pays dans la situation de
perdant-perdant. Aujourd’hui, au moment de la pose de la coiffe en
charpente métallique du minaret, le contribuable est en droit d’être
informé sur la hauteur exacte de ce parallélépipède et la date de
livraison définitive de ce chantier !
Compte tenu de la complexité des missions de second œuvre de cet
ouvrage, il est impératif de connaître les références et qualifications
du BET en charge des phases «assistance technique, validation des plans,
suivi et contrôle de la réalisation» sachant que ces tâches représentent
50% du projet et concernent le parachèvement, la décoration, les réseaux
divers, les câblages, l’électricité, la plomberie, la climatisation, le
chauffage, les isolations, la protection contre l’incendie, les
équipements, etc.
Il faut dire que l’exécution de ces travaux requièrent un savoir-faire
et une spécialisation sans failles dans chacun de ces domaines, ce qui
n’est sûrement pas le cas de l’entreprise chinoise renommée pour le
bâclage des travaux de gros œuvre et le manque d’expertise pour la
finition selon les normes universelles des corps d’état secondaires.
Les stades de Tizi-Ouzou et de Baraki
Pour ces deux ouvrages, la faiblesse et la superficialité des études
confiées à des bureaux cooptés par les entrepreneurs bénéficiaires de
ces marchés ont engendré le non-respect des délais contractuels, des
arrêts fréquents dans la réalisation, des reprises en sous-œuvre dues à
des fautes graves dans le dossier étude d’exécution non maturé, etc.
L’aberration réside dans le choix de ces pseudo-groupes sans références
dans le domaine en question et dont la stratégie repose essentiellement
sur la sous-traitance totale de toutes les missions d’études et de
réalisation.
Ils interviennent juste dans la facturation des travaux exécutés par
«autrui» et la collecte d’une partie juteuse des bénéfices sans aucun
effort ni contrepartie.
A l’heure actuelle, le chantier du stade de Tizi-Ouzou, lancé en 2010,
supposé être livré en 40 mois (durée contractuelle) a connu une valse
d’entrepreneurs espagnols, puis turcs avec plus de quatre années de
retard.
Pourquoi, à notre connaissance, l’article relatif aux pénalités de
retard n’a pas été appliqué par le maître d’ouvrage ?!! Quant au stade
de Baraki, des sinistres structuraux ainsi que les vices cachés
commencent à faire surface à cause des graves aléas géotechniques non
élucidés par les études bâclées du sol marécageux. Affaire à suivre !...
Les millions de logements
Le bilan de l’habitat à mi-chemin du quatrième quinquennat demeure très
controversé. En effet, les chiffres avancés par les politiques relèvent
de la pure fiction : quatre millions de logements livrés depuis 1999,
c’est-à-dire 200 000 logements par an ou l’équivalent de 16 666
logements par mois.
Une brève exploration de certaines incohérences constatées jusque-là
permet de dégager les lignes d’évaluation capables de définir avec une
très faible marge d’erreur le bilan sur le plan quantitatif du programme
de logements réceptionnés pendant ces dix- huit dernières années et
demie en s’éloignant volontairement de toutes les interrogations
hâtives.
Le résultat du présent exercice découlant de la meilleure connaissance
actuellement possible de la réalité des capacités matérielles et
humaines du secteur s’est limité à estimer l’aspect «construction de
logements» pour déboucher sur le bilan réel du parc réceptionné de 1999
à ce jour.
Il va de soi que les capacités financières que l’Etat a engagées dans
ces opérations constituent le paramètre fondamental dans notre
appréciation concernant cet enjeu.
Dans la contribution intitulée «Réalisation de 3 millions de logements,
avril 1999-avril 2014 ou l’impossible équation» parue dans le quotidien
Le Soir d’Algérie n°7148 du 9 avril 2014, j’ai clairement démontré
l’impossibilité à résoudre l’équation des trois millions de logements
pendant cette période en raisonnant sur les trois volets
interdépendants, à savoir : le foncier, les matériaux et les moyens de
réalisation mis en œuvre.
La construction de 3 000 000 logements permet de loger ou reloger
environ 20 millions d’habitants.
C’est dire l’ampleur presque démesurée de cette tâche que le
gouvernement actuel tente de faire admettre comme le résultat effectif
de son action depuis 1999 ; il faut dire que la pilule est très
difficile, voire impossible, à avaler même pour les citoyens les plus
naïfs.
L’autre volet intéressant concerne la démarche du gouvernement pour
moderniser le secteur de la construction de logements lancée
pompeusement au cours d’une journée d’étude initiée par le ministre de
l’Habitat et de la Ville le 30 septembre 2014 au Palais des nations.
Au jour d’aujourd’hui, chaque professionnel est en droit de demander des
comptes, quels sont les résultats et les retombées de cette initiative ?
Tout est passé sous silence par le gouvernement quant à l’échec
lamentable de cette démarche telle que je l’avais anticipée dans
plusieurs de mes publications.
Un audit technique et financier aurait dû être engagé par la présidence
de la République pour déterminer les pertes financières engendrées par
la décision irréfléchie et hasardeuse du ministre de l’Habitat et de la
Ville.
Le projet du nouveau port de Cherchell
Refusant de tirer les enseignements des échecs passés, l’Etat vient
d’opter encore une fois pour la même démarche en décidant de lancer
unilatéralement l’étude et la réalisation d’un méga-port en eau profonde
à Hamdania (w. Tipasa) sans consultation ni débat technique. Il faut
dire que le choix du site demeure injustifié vu qu’aucune étude de
risque n’a été faite avant le lancement de l’avant-projet. En effet le
critère fondamental concernant les risques majeurs encourus par le choix
du site n’a pas été considéré, ce qui est en contradiction flagrante
avec tous les articles de la loi 04-20 2004 relative à la prévention des
risques et des catastrophes dans le cadre du développement durable. Tout
a été décidé dans la précipitation «une fuite en avant» en appliquant la
même stratégie «ubuesque» utilisée pour les projets de l’autoroute
Est-Ouest et de la Grande mosquée. Il suffit de noter le type et les
qualifications des entreprises sélectionnées sur la base du gré à gré
pour anticiper d’ores et déjà les dangers à venir. Aucune des
entreprises retenues par les pouvoirs publics n’a la moindre
qualification dans les travaux maritimes, ce sont de véritables amateurs
qui vont coûter «très cher» au Trésor public. Les pays sérieux, avant de
lancer un projet d’envergure, mettent en place une agence ou un panel
composé de centaines d’experts ayant une expérience avérée dans ce
domaine pour réfléchir, analyser tous les paramètres techniques, définir
les repères de vigilance par rapport au site d’implantation et fixer les
hypothèses de base pour l’élaboration de l’esquisse et l’APD.
Soucieux de l’importance de ces mégaprojets sur les plans économique,
culturel et social pour l’épanouissement de notre pays j’ai toujours
insisté sur le fait que la problématique et les questionnements posés
n’ont rien de personnel et ne portent pas sur des enjeux politiques ou
religieux ; le débat que j’avais ouvert s’inscrivait sur un plan
purement technique, c'est-à-dire la sécurité des biens et des personnes
et le coût prohibitif induit par les risques encourus au niveau des
choix des sites en question.
De ce qui ressort de cette appréciation technique, c’est malheureusement
l’absence totale de règles et de procédures fiables indispensables dans
la conduite moderne des affaires d’un pays.
Des sommes colossales dépassant 1 000 milliards de dollars US ont été
gaspillées, parties en fumée dans l’informel sans aucune forme de
contrôle pour aboutir à un état des lieux kafkaïen de toutes les
infrastructures livrées ces dix-huit dernières années avec une mise en
œuvre prématurée occultant les principes de précaution et de prudence
mettant ainsi en péril durablement la sécurité nationale du pays.
Dans cette intervention je me suis limité à l’analyse et l’évaluation
des inepties identifiées à ce jour au niveau les grands projets. Je
souhaiterai que les experts ayant une formation et une expérience avérée
dans les filières de l’énergie, l’agriculture, la diplomatie, la défense
nationale, la sécurité intérieure et extérieure, l’éducation nationale,
l’industrie, les médias et l’économétrie puissent nous éclairer sur le
bilan de chaque secteur afin de pouvoir constituer un état des lieux
objectif qui pourrait plus tard servir d’élément salvateur et de base de
données pour la mise en place d’une nouvelle stratégie de gestion
mesurée et intelligente des affaires du pays, et pourquoi pas une
refondation totale de l’ossature globale du système pour le bien-être
des générations futures.
A. C.
[email protected]
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