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Rubrique Ce monde qui bouge

An I du Hirak, tentative de dévoiement et décantation !

Que dit cette photo d’un Ali Benhadj recevant des figures du Hirak comme Lakhdar Bouregaâ ou l’avocat Bouchachi ? Quels sont les dessous politiques de cette rencontre qui a eu lieu le jour anniversaire du Hirak ? A quel agenda politique répond-elle ? Le fait que ces visiteurs d’un jour se soient abstenus de tout commentaire interroge. Tout porte à penser, en effet, que cette rencontre en ce jour anniversaire du Hirak n’avait rien de convivial et qu’elle a bien une dimension politique. 
En un an, le Hirak, que l’on disait à bout de souffle, est bien là. Il est porteur d’un changement profond, toujours à l’ordre du jour. Le sursaut démocratique dont il est l’expression commence à produire de premières décantations. Son horizontalité, ses mots d’ordre sans cesse renouvelés sont en porte-à-faux par rapport aux visions de forces politiques incapables de répondre aux exigences novatrices portées par le Hirak, et qui restent enfermées dans des schémas d’analyses datés. 
Le temps du Hirak n’est ni celui de l’opposition démocratique ni celui de l’opposition islamiste. Et c’est bien cela qui fait que l’inquiétude gagne une bonne partie de leurs rangs, parce que le Hirak leur échappe. 
Quand, par exemple, la chaîne el-Maghribiya, porte-voix des ex-fissistes, fondée par Oussama Madani, le fils de l’autre, et financée par les Qataris, commence à s’en prendre aux « laïcs », qualifiant de « réactions orchestrées » ceux qui se sont indignés, à juste titre, de la rencontre avec Ali Benhadj, c’est qu’il y a panique quelque part. Voir le chef de Rachad, l’islamiste Mourad Dhina, l’homme qui a justifié les meurtres d’intellectuels et de journalistes, faire siennes les valeurs de la citoyenneté et de la démocratie signifie une chose : que sans renoncer tout à fait à dévoyer le Hirak de ses objectifs démocratiques et citoyens, une frange du courant islamiste tente tant bien que mal de coller au mouvement populaire, afin de rebondir. 
Que le Hirak leur échappe, on le voit bien, via ces islamistes, pas très nombreux du reste, qui se mêlent au flot des manifestants, scandant « Etat civil et non militaire », tandis que d’autres, quelques dizaines, font bande à part sans parvenir à entraîner la foule derrière eux, revendiquant ouvertement la « construction d’un Etat dans le cadre des principes islamiques », portraits de  cheikh Bachir Ibrahimi — pour rappel, hostile au 1er Novembre 1954 ­— et de l’ex-dirigeant du FIS feu Abdelkader Hachani bien en vue. Les temps ont changé : on est loin de ces images de foules immenses drainées par l’ex-FIS dans les années 1990, scandant « la mithak, la destour, douala islamiya » (pas de pacte, pas de Constitution, Etat islamique), et ce, bien que les ex-fissistes disposent, grâce à la télé el-Maghribyia, d’une vraie puissance de frappe médiatique.
Au fond, toutes les forces politiques et sociales sont appelées à faire leur aggiornamento politique. Cela vaut également pour cette société civile, limitée à quelques réseaux peu structurés, en raison de sa faible densité sociale, et qui, elle aussi, a du mal à s’imposer. 
Alors rappeler le passé de Ali Benhadj, son soutien aux groupes islamistes armés et son refus de dénoncer des crimes perpétrés et revendiqués par ces mêmes islamistes, ne suffit pas. Voir des complots « ourdis » là où il n’y en a pas ne fait pas avancer les choses. Car l’Algérie de 2020 n’a plus rien à voir avec celle des années 1980 et 1990. Les jeunes notamment sont dans l’après. C’est vers une société où chacun doit affirmer librement son droit à la différence sans avoir à subir un contrôle ethnico-religieux que l’on doit se diriger. Et pour ce faire, sans rentrer dans le détail – je l’ai évoqué dans plusieurs chroniques — il faudra établir les règles permettant une libre confrontation des projets politiques. 
Si par exemple, les islamistes assument sans complexe leur ADN politico-idéologique, il est temps pour certains démocrates et progressistes de sortir de leur réserve sur des questions comme le code de la famille qui fait de la femme une non-citoyenne, en prétextant que ce n’est pas le moment. Le statut de la femme est un vrai enjeu sociétal et politique. La rupture avec le système n’en sera pas une si on évite de telles questions. C’est le moment d’oser.  
H. Z.

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