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Rubrique Ce monde qui bouge

États-Unis, un militaire communiste à West Point !

Son nom, Spenser Rapone, ne vous dit peut-être rien. Mais ce jeune officier d’élite, 26 ans, diplômé de la prestigieuse académie militaire de West Point d’où sont sortis la plupart des généraux américains, a enflammé les réseaux sociaux au pays de Donald Trump. 
Son crime ? Il a posté sur twitter des photos prises en 2016 le jour de la cérémonie de remise des diplômes à West Point, généralement suivie d’un bal comme savent si bien le montrer certains films d’Hollywood, photos où on le voit, tantôt montrant sous sa veste militaire un tee-shirt avec l’effigie de Che Guevara, tantôt montrant à l’intérieur de sa casquette d’officier l’inscription en lettres capitales «Communism will win» (le communisme vaincra). Naturellement, ces selfies n’ont été postés que récemment, soit deux ans après les faits. 
Alors propos et gestes provocateurs d’un jeune qui cherche à en mettre plein la vue à ses proches et «followers» qui le suivent sur les réseaux sociaux ? Ou comme l’écrit un de ses enseignants à West Point, ils révèlent plutôt «les engouements philosophiques d'un adolescent précoce, un peu comme un écolier qui ne peut s'empêcher de parler de Nietzsche». Sans doute que non. «En plus des théoriciens socialistes classiques tels que Karl Marx, Rapone dit qu'il a trouvé l'inspiration dans les écrits de Stan Goff, un sergent-maître des forces spéciales à la retraite qui est devenu un activiste anti-guerre socialiste», lit-on dans le quotidien britannique The Guardian de mardi.   
Spenser Rapone se revendique en effet comme un «socialiste-révolutionnaire». Il dit qu’il s’est forgé ses convictions en Afghanistan où il a combattu en 2011 dans une unité de «rangers», avant de postuler pour une formation d’officier à l’académie de West Point. «Nous étions des tyrans dans l'un des pays les plus pauvres de la terre (…) Nous avons l'une des armées les plus technologiquement avancées de tous les temps et tout ce que nous faisons, c'est envahir un pays, brutaliser et terroriser une population qui n'a rien à voir avec ce que les Etats-Unis ont qualifié de menace», explique-t-il. Aussi, de retour d’Afghanistan, a-t-il décidé de tenter de changer les choses de l’intérieur de l’armée. 
Naturellement, ce type de discours dans un pays qui a fait de la lutte contre le communisme un de ses principes fondamentaux, outre le fait que Rapone va participer à une conférence en juin sur le socialisme et le marxisme à Chicago, s’est solidarisé avec le mouvement «Black Lives Matter» (les vies des Noirs comptent) mouvement afro-américain qui mobilise contre les meurtres racistes de jeunes Noirs par la police américaine, lui ont attiré beaucoup de sympathie mais a provoqué aussi beaucoup d’animosité et de menaces de mort émanant des milieux de la droite extrême et nationaliste américaine.
«Un soldat qui répand les croyances communistes et soutient le meurtre de policiers ne devrait pas être autorisé à servir. Beaucoup de nos frères et sœurs sont morts en combattant l'ennemi rouge et ce serait une gifle si ce traître était autorisé à servir. Nous demandons à l'armée de le traduire en cour martiale, pour trahison», lit-on sur une pétition en ligne qui a recueilli des milliers de signatures. «Ce sont des drapeaux rouges qui ne peuvent être ignorés», a pesté un enseignant de West Point. 
Même le sénateur républicain de Floride, Marc Rubio, y est allé de sa plume, demandant au secrétaire d’Etat à la Défense d’exclure Spenser Rapone des rangs de l’armée pour avoir «plaidé pour le communisme et la violence politique» et «exprimé son soutien et sa sympathie pour les ennemis des Etats-Unis» ! 
Spenser Rapone, lui, est bien conscient de la situation dans laquelle il se trouve : «Je savais qu'il pourrait y avoir des répercussions, affirme-t-il. Bien sûr, ma carrière militaire est morte dans l'eau. D'un autre côté, beaucoup de gens ont tendu la main et m'ont montré du soutien», lâche-t-il sur un ton optimiste. Et maintenant qu’il a été exclu de l’armée, il a déclaré qu’il encouragerait «tous les soldats qui ont une conscience à déposer les armes et à se joindre à moi et à tant d'autres qui sont prêts à cesser d’être des agents de l'impérialisme et à nous rejoindre dans un mouvement révolutionnaire».
Exclu donc de l’armée, Spenser Rapone n’a été ni accusé de trahison ni d’intelligence avec l’ennemi ni arrêté ni condamné à la prison : il est libre. 
H. Z

 

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