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Rubrique Ce monde qui bouge

Histoire de cadres et «new deal» de A. Djerad

Ça paraît loin. Et pourtant c’est si proche. C’était il y a un an. Le 9 février, à la Coupole du 5-Juillet, le FLN tenait un meeting de soutien à la candidature de A. Bouteflika pour un 5e mandat. Moad Bouchareb, alors patron du FLN, promettait que l’élection présidentielle serait «une fête électorale et démocratique» devant une assistance brandissant des pancartes كلنا بوتفليقة (« Nous sommes tous des Bouteflika »)…
Projection d’une vidéo retraçant le parcours de Bouteflika de 1962 à 2019 avec quelques oublis — sa condamnation par la Cour des comptes en  août 1983 –, puis remise d’un cadre de Bouteflika à Habba El Okbi, secrétaire général de la présidence de la République, cadre autour duquel se pressaient, entre autres, l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, et pose-photo oblige, car il était important pour ces messieurs d’immortaliser ce moment historique sous les flashs des photographes et des caméras des télés publiques et privées… tout était réuni pour ce qui devait n’être qu’une simple formalité : un 5e mandat pour Bouteflika !
C’était tellement cousu de fil blanc que le lendemain 10 février, Abdelaziz Bouteflika annonçait, via un communiqué officiel, sa candidature pour un 5e mandat. Extrait :  «Je n’ai plus les mêmes forces physiques qu’avant, chose que je n’ai jamais occultée à notre peuple, mais la volonté inébranlable de servir la patrie ne m’a jamais quitté et elle me permet de transcender les contraintes liées aux ennuis de santé auxquels chacun peut être un jour confronté.» La suite : ministres, partis de l’Alliance présidentielle, UGTA et autres organisations de masse proches du pouvoir, se sont mis en ordre de marche tout en rivalisant d’obséquiosité dans leur soutien au 5e mandat ! 
Pour les Algériens, cette mise en scène survenant sept jours après une autre tout aussi grotesque et ubuesque, où l’on voyait les chefs des quatre partis de l’Alliance présidentielle poser autour du cadre de Bouteflika, était l’humiliation de trop. Et que dire de cette autre histoire de «cadre» du Président offert à un cheval quelques mois avant, en avril 1998, par l’ex-SG du FLN Ould Abbès et des élus locaux ? Ces gens-là, qui appelaient les Algériens à voter pour un «cadre», ignoraient alors qu’ils allaient être balayés par une lame de fond populaire qu’ils n’avaient pas eu le temps de voir venir : le mouvement du 22 février !
Un an après, rappeler ce moment à une semaine de l’anniversaire de ce 22 février permet de mesurer le chemin parcouru. Il est considérable. Et, qui plus est, la dynamique est toujours du côté du Hirak. Si ce dernier a permis la libération de la parole et la réappropriation de l’espace public que Bouteflika avait interdites en 2001, il n’en reste pas moins que cela reste fragile parce que ces deux conquêtes n’ont pas été institutionnalisées par la loi et que le système est toujours en place. C’est pour cette raison que le Hirak se poursuit : s’il s’arrête, l’espace qu’il a libéré aura toutes les chances de se refermer. 
L’autre raison qui motive le Hirak à maintenir la pression est que les partisans de l’ex-chef d’Etat n’ont pas disparu : ils sont encore aux manettes à l’APN. Mardi, le Premier ministre Abdelaziz Djerad y a présenté le plan d’action du gouvernement dont le premier chapitre est consacré justement aux réformes politiques dont l’exercice «plein des droits et libertés». Il a dressé un constat accablant de la gestion du pouvoir de Bouteflika devant ces mêmes députés membres des partis FLN, RND, MPA, TAJ, Binaa.., qui ont soutenu mordicus le 5e mandat. Ce sont les mêmes qui ont approuvé sans rechigner durant plus d’une décennie la politique du Président déchu dont on mesure les résultats désastreux et que le Premier ministre a fustigés sans prendre de gants, provoquant des grincements parmi des députés qui n’ont pas compris que leur temps était fini. 
Bien que le Premier ministre ait assuré que «le peuple algérien revendique un changement global du système qui est révolu et souhaite l’émergence de pratiques politiques saines et une véritable démocratie», un «new deal» à l’algérienne, la partie est loin d’être gagnée. Convaincre le Hirak, par exemple, sera autrement plus compliqué si un geste n’est pas fait en direction des détenus d’opinion. 
H. Z. 

 

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