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Rubrique Ce monde qui bouge

L’Algérie sur le qui-vive ?

Intervenant samedi dernier en tant que secrétaire général du RND et non en tant que Premier ministre, Ahmed Ouyahia a déclaré que «l'Algérie a vaincu sur son sol le terrorisme mais celui-ci se trouve tout autour car le pays est situé dans une région instable».
Le propos d’Ahmed Ouyahia rappelle celui tenu il y a 19 ans par feu le chef d’état-major de l’armée, le général Mohamed Lamari, mais sans aller aussi loin que ce dernier. Le 2 juillet 2002, lors d’une conférence de presse, l’ex-chef d’état-major avertissait : «Nous avons vaincu le terrorisme. Seulement l'intégrisme est toujours là. Regardez la télé, écoutez les prêches, reprenez les textes de l'administration, regardez ce qui s'enseigne dans les écoles et vous verrez qu'on en est au même point. Le résultat est là. La lutte contre l'intégrisme n'est pas terminée.» Décodé : la lutte antiterroriste est un tout.
Seize ans après, la déclaration de Mohamed Lamari sonne comme un juste rappel. Si le bras armé de l’islamisme a été affaibli, le religieux sous sa forme la plus rétrograde et la plus dangereuse pour la paix civile, le salafisme version wahhabite (c’est du pareil au même), est plus que «toujours là». Amplifié par internet, les réseaux sociaux (Facebook, YouTube, Twitter et autres) et par ces télés privées qui n’existaient pas en 2002, il est à l’offensive sur tous les théâtres de la vie sociale : il tisse des réseaux, contrôle de plus en plus de mosquées en en chassant les imams qui ne partagent pas ses vues, investit le mouvement associatif et le terrain syndical, dispose de maisons d’édition (Dar Fadhila, par exemple), et surtout, il se territorialise à partir des espaces concédés par les pouvoirs publics. Et derrière le salafisme version wahhabite se profile son interface, le takfirisme. Les têtes de pont de cette religiosité dite «soft» sont connues. Mohamed Ali Ferkous, par exemple, a même été désigné en début d’année par le prédicateur saoudien Mohamed Al Hadi al-Makhdali, l’un des idéologues du courant portant son nom le makhdalisme (voir ma chronique du 9/11/2017), comme chef de la branche algérienne de la salafia wahhabite en Algérie. Tout cela, me direz-vous, est connu. C’est vrai.
Le problème reste que les pouvoirs publics, qui ferment les yeux sous prétexte que ce «salafisme scientifique» (salafia al-ilmanyia), qui bouscule cette vision idyllique de «l’islam de Cordoue» cher à Mohamed Aïssa, le ministre des Affaires religieuses, prêcherait l’obéissance à l’autorité ! Or, tous les spécialistes le disent, le wahhabisme est surtout un courant politique. Il est en train de s’approprier la parole religieuse officielle, théoriquement monopole de l’Etat, en vertu de la Constitution stipulant que l’islam est la religion de l’Etat. Et partant, il attend patiemment son heure pour sortir «démocratiquement» du bois et repartir à la conquête du pouvoir. Alors, l’Algérie menacée ? Oui, mais pas seulement de l’extérieur.
Certes encore, malgré quelques attaques terroristes, la sécurité est assurée sur l’ensemble du territoire. Mais l’islamisme, qui, pour l’heure, n’a pas les moyens de sa violence, n’a pas tout à fait renoncé à son projet. Pas un jour ne passe sans qu’il se manifeste sous une forme ou une autre, ou tente de s’imposer comme un intermédiaire obligé à même de régler les problèmes en cours.
La dernière en date – voir la chronique de Malika Boussouf dans le Soir d’Algérie de mardi – c’est cette sortie de l’imam ex-FIS Ali Aya, qui a tenté de jouer au gentil médiateur entre les enseignants grévistes et le ministère de l’Education nationale pour le bien de tous et surtout pour les enfants privés de scolarité depuis plusieurs semaines. Cette intrusion du religieux pour dénouer les conflits sociaux, qui illustre la faiblesse du dialogue social, dans un contexte où l’Etat n’a plus les moyens de s’acheter la paix sociale, n’est rien d’autre qu’une tentative d’intermédiation socioreligieuse. C’est «l’islam est la solution» qui revient sous une forme feutrée. Elle ne vise rien d’autre que l’abdication de ce même Etat et une remise en cause de ses fondements républicains. En 1992, feu Mohamed Boudiaf déclarait que «la mosquée appartient à Dieu, la patrie à tous». Peut-être est-il temps d’y revenir…
H. Z.

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