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Rubrique Ce monde qui bouge

L’irruption des syndicats autonomes et l’UGTA

Quelle mouche a piqué Abderezzak Makri pour qu’il qualifie de «traîtres» et de «collaborateurs qui renient leur culture et leur civilisation», tous ceux, et ils sont nombreux, qui dénoncent la répression massive à l’endroit des journalistes, des intellectuels, des Kurdes,... en Turquie ? Une réalité qu’Abderezzak Makri, dont les liens avec la mouvance islamiste turque est de notoriété publique – il ne s’en est jamais caché – ne veut pas voir.
Les mots prononcés par le dirigeant islamiste ont un sens, une histoire et un contexte. «Traître» désigne ceux qui ont tourné le dos au 1er Novembre 1954. «Collaborateurs» renvoie à «harkis». Les deux renvoient au contexte de la guerre de Libération nationale, à l’origine de laquelle les pères idéologiques de M. Makri, les Oulémas, étaient étrangers : ils n’avaient rallié le FLN qu’en 1956. Mais l’enseignement de l’histoire de la guerre de Libération a été travesti à tel point que plusieurs générations d’Algériens sont persuadées que les Oulémas ont été derrière la fondation du FLN/ALN en 1954.
De ce fait, venant d’un dirigeant de l’ex-Hamas, aujourd’hui le MSP, dont le moins qu’on puisse dire est que son parti n’était pas à la pointe de la lutte antiterroriste, même au plus fort de la violence islamiste des années 90, les mots de «traîtres» et de «collaborateurs» prêtent à sourire.
En effet, durant ces années 90 qui ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts, le MSP et ses alliés n’avaient alors qu’une phrase à la bouche répétée en boucle. «Nous condamnons la violence d’où qu’elle vienne» clamaient-ils la main sur le cœur, posture qui leur permettait de ne pas trop se mouiller et de renvoyer tout le monde dos à dos. Une condamnation qui était accompagnée par des appels au «dialogue» entre l’Etat et l’ex-FIS et ses branches armées pour mettre fin à «l’effusion de sang», autre expression évitant de parler des «massacres» et assassinats pourtant revendiqués et légitimés au nom d’une interprétation rétrograde de l’islam par le GIA et le Fida, entre autres. Est-il besoin d’en rajouter ?
Sur le plan social, le bras de fer se poursuit, du moins en paroles. Même si le Cnapeste, l’un des syndicats des enseignants du secondaire, a décidé de suspendre sa grève, il a gagné en notoriété. En mal ou en bien, dans les médias et l’opinion, il n’y en avait que pour lui. Quant à la ministre de l’Education, Mme Benghabrit, qui avait menacé de radiation les grévistes – quelque 600 d’entre eux l’auraient été – elle a mis du «l’ben» dans son eau : les radiés de l’éducation peuvent faire un recours. Et elle reste en poste puisque derrière ce mouvement de grève, c’était aussi la peau de la ministre qui était visée ne serait-ce que parce qu’elle tentait de secouer le carcan d’une école otage des islamo-conservateurs.
Et l’UGTA, le principal syndicat algérien ? Dans les luttes sociales en cours – il n’y avait pas que les enseignants – on l’a peu vu, pour ne pas dire qu’il a brillé par son absence sur le terrain des luttes sociales. A un an de l’élection présidentielle, ce sont plutôt les syndicats autonomes qui sont en train de s’imposer comme force sociale incontournable. Un fait qui passe mal auprès des cadres syndicaux de base de la principale centrale algérienne.
Confinés pendant des années aux marges de l’UGTA, les syndicats autonomes ont fini par s’inscrire dans l’espace public. Et leur irruption dans l’espace social public et syndical tient à plusieurs raisons dont, par exemple, la perte de crédit et d’influence de l’UGTA en raison de la proximité de la direction syndicale actuelle avec le patronat privé, en la personne d’Ali Haddad, et le pouvoir politique. Mais pas seulement.
En effet, depuis qu’ils sont sortis de la marginalité dans laquelle les pouvoirs publics ont tenté de les confiner en ne discutant qu’avec l’UGTA, le «syndicat officiel», les syndicats autonomes ne sont plus en demande de reconnaissance comme il y a de cela une dizaine d’années. Qui plus est, ce qui fait aussi leur force mais en même temps rassure quelque peu le pouvoir politique et qu’il est trop long d’expliquer dans cette rubrique, c’est que, pour l’heure, ces syndicats autonomes ne sont pas dans une logique partisane : ils se développent en toute indépendance des partis politiques, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont tout à fait à l’abri de convoitises politiciennes, comme on l’a vu lors de la médiation suspecte de l’imam et ex-dirigeant de l’ex-FIS, Ali Aya, entre grévistes et pouvoirs publics, ce qui aurait eu pour effet de piéger le dialogue social en lui donnant une coloration politico-religieuse.
H. Z.

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