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Rubrique Ce monde qui bouge

Premier vendredi sans Bouteflika mais…

Premier vendredi sans Bouteflika et sa fratrie. Et premier vendredi d’une Algérie née un 22 février. Sans violence. Sans effusion de sang. Un air de début de victoire flotte ce vendredi matin sur ces places emblématiques que sont les places Audin et de la Grande-Poste. Mais premier vendredi aussi d’un processus de changement qui ne fait que commencer. 
Six vendredis de suite ont fini par avoir raison du pouvoir de Bouteflika. Six vendredis ont enfanté une autre Algérie. Que ni le pouvoir ni les partis politiques n’ont vue venir. Elle est là et bien là et il faudra s’y faire et compter avec. Emblème national porté par des centaines de milliers de jeunes des deux sexes, un emblème réhabilité comme jamais, a fait taire tous ces faiseurs, qui cachaient leurs petites magouilles et autres trafics, à travers un discours nationaliste moralisateur et vexatoire.
Ces six semaines de contestation populaire resteront la marque de fabrique de cette jeunesse. 
Autre fait marquant durant ces six vendredis, c’est le rejet de toute ingérence étrangère. Ni Macron, ni Trump, lisait-on sur des banderoles. Et j’ajouterai, ni BHL et ses réseaux parisiens…
Face à cette réalité, Abdelaziz Bouteflika a donc fini par jeter l’éponge. Lui, son frère Saïd et ceux qui parlaient en son nom ont manœuvré jusqu’au bout,  d’abord pour que le Président malade brigue un nouveau mandat, puis un mi-mandat pour assurer sa propre succession et dans l’intervalle aller inaugurer la Grande Mosquée d’Alger et son plus haut minaret au monde. Un projet coûteux de plus de 2 milliards de dollars. Et enfin en tentant une dernière manœuvre afin que l’ex-Président Liamine Zeroual, sollicité par le général Toufik Mediene avec l’accord de Saïd Bouteflika, accepte d’assurer une transition plutôt hasardeuse. Il l’a rejetée. Elle consistait en un plan de sauvetage du système et de ses obligés, dont ces oligarques, dépourvus de tout esprit patriotique, qui avaient les yeux rivés sur la rente pétrolière, jusqu’à bloquer toute mesure pouvant toucher leurs intérêts.
Mais voilà, Bouteflika est parti, abandonnant en rase campagne ces gens qui l’ont soutenu. Ces oligarques, les Haddad, Kouninef et consorts, qui accaparaient 80% des marchés publics, et qui se croyaient intouchables. Les voilà, certains en garde à vue comme Ali Haddad, d’autres interdits de quitter le territoire national, leurs jets cloués au sol. Dans ce milieu de profiteurs, c’est le sauve-qui-peut qui règne… car désormais Bouteflika ne peut plus rien faire pour eux. Il y a peu, à peine quelques mois, on les voyait sourire, se donner l’accolade, poser autour du portrait du Président déchu. L’Algérie leur appartenait. Mais ces hommes ne sont que la face voyante d’une corruption érigée en méthode de gouvernance. Chakib Khelil, qui n’a jamais été inquiété, devra s’expliquer sur les affaires Sonatrach et Saipem… Et que dire des Tliba, Saâdani…
Le départ de Bouteflika est une première étape. Le pôle présidentiel a volé en éclats. Le pôle des oligarques en partie. Le bras de fer entre l’armée et le tandem Toufik Mediene et Saïd Bouteflika a tourné en faveur de l’institution militaire.  
Une nouvelle séquence débute. Incertaine. Car les jeux sont loin d’être faits. Abdelkader  Bensalah, le président du Sénat, Tayeb Belaïz, le président du Conseil constitutionnel, deux hommes  de l’ex-Président, et d’autres sont toujours là. Et si l’on s’en tient à l’agenda constitutionnel, c’est Bensalah qui devrait assurer l’intérim de la présidence de la République. 
Or, les Algériens n’en veulent pas. Ils l’ont de nouveau exprimé ce vendredi et les vendredis d’avant. Bien plus, chacun sait qu’avec les mécanismes institutionnels existants, le code électoral par exemple, et les mêmes hommes aux manettes du pouvoir, une alternative au système actuel est impossible parce que ces mécanismes et autres procédés institutionnels ont été conçus pour pérenniser le système actuel. C’est pour cela qu’il faut tout remettre à plat et, partant, tout changer. Et cela va  prendre du temps. 
La vraie bataille pour une deuxième République ne fait que commencer. 
H. Z.

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