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Rubrique Ce monde qui bouge

Soudan, le régime militaro-islamiste fragilisé

L’Algérie n’est pas le Soudan. Cela dit, comment expliquer le carnage commis par le régime militaro-islamiste soudanais le 3 juin dernier, veille de l’Aïd ? En lançant les 10 000 paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) commandés par le numéro deux du Conseil militaire de transition (CMT), le général Mohamed Daglo, le CMT a voulu briser le mouvement démocratique populaire animé par l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) afin d’imposer sa solution de sortie d’une crise qui dure depuis décembre dernier.(1) Et partant, maintenir l’ordre ancien mais sans Omar El-Béchir renversé le 11 avril dernier. 
Le 4 juin, au lendemain de ce massacre – plus de 120 morts — le CMT annulait les accords conclus avec l’ALC portant sur une transition de trois ans mais qui butaient sur deux points : la composition du Conseil souverain devant diriger la transition et la Charia que les militaires soutenus par le Congrès national au pouvoir (islamiste) veulent maintenir comme source de la législation. L’armée exigeait aussi que cessent sit-in, grèves et manifestations contre le régime militaro-islamiste. 
Une semaine avant cette tuerie de masse et les viols qui s’en suivirent, le chef du Conseil militaire de transition, Abdel Fattah al-Burhane, et son second Mohamed Daglo, s’étaient rendus en Egypte, en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis, pays qui les soutiennent et qui ne veulent pas voir l’émergence d’un régime démocratique au Soudan. D’autant que Khartoum, qui a envoyé 15 000 hommes des RSF combattre les Houthis au Yémen, est un précieux allié.  
Pour cette raison, et parce qu’ils craignent un effondrement du régime, Riyad et Abou Dhabi ont fourni une aide de 3 milliards de dollars au pouvoir militaro-islamiste soudanais qui, en dehors des paramilitaires du RSF, Etat dans l’Etat, ne peut même pas compter sur le parti islamiste du Congrès national (issu du Front national islamique de Hassan Tourabi) au pouvoir depuis plus de 20 ans. Discrédités, les islamistes peinent à mobiliser comme l’atteste le faible rassemblement du 18 mai dernier, à peine quelques centaines de personnes devant le jardin du palais présidentiel pour soutenir le CMT aux cris de « Non au communisme, non à l'athéisme » ! 
Outre la crainte d’instauration de régimes démocratiques échappant à leur contrôle, et sous prétexte de contrer une présumée influence iranienne et turco-qatarie, voire chinoise, les parrains émiratis et saoudiens du régime soudanais s’emploient avec l’aval des Etats-Unis, à la mise en place de régimes favorables à l’axe Washington-Riyad-Abou Dhabi. En dehors de la Syrie où ils appuient les djihadistes de Fatah Cham, du Yémen qu’ils sont en train d’écraser sous leurs bombes avec l’appui de Washington et de ses alliés, de la Libye où ils appuient le maréchal autoproclamé Khalifa Haftar, ils chercheraient à étendre leur influence destructrice y compris à la Tunisie et à l’Algérie. 
Avec une inflation de 70% et une dette extérieure de plus de 55 milliards de dollars, une corruption endémique et, en plus d’être privé partiellement des ressources pétrolières depuis la sécession du Sud-Soudan devenu indépendant en janvier 2011, Khartoum, qui s’est vu imposer par le FMI un sévère plan d’austérité en 2018, est dans une situation d’extrême fragilité.(2) Le mouvement de désobéissance civile lancé par l’ALC en riposte au massacre du 3 juin a paralysé le pays durant plusieurs jours. De plus, le CMT n’est pas tout à fait à l’abri d’une reprise des hostilités au Darfour et avec le Sud-Soudan où le tracé des frontières donne lieu à de fréquents incidents armés. 
C’est sans doute cela qui a poussé le Conseil militaire de transition (CMT), déchiré entre partisans de la main forte et d’un compromis avec l’opposition, à faire un geste en libérant tous les détenus en contrepartie de la fin du mouvement de désobéissance civile, largement suivi, et d’une reprise des discussions avec l’ALC. Seul un transfert du pouvoir aux civils et la fin du régime militaro-islamiste peuvent mettre fin à la crise et ouvrir d’autres perspectives. 
H. Z.
 
(1) L’ALC (Alliance pour la liberté et le changement) regroupe des forces allant des communistes aux nationalistes arabes, des syndicats et des organisations de la société civile dont les femmes. 
(2) La dictature militaro-islamiste, la gravité de la situation sociale, les mesures imposées par le FMI et le fait que El-Béchir ait voulu briguer un 6e mandat en 2018 avec l’appui des islamistes sont les déclencheurs de la crise soudanaise.

 

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