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Rubrique Ce monde qui bouge

Tahar Djaout, le pouvoir des mots et Abdelkader Hachani

Des journalistes ont payé de leur vie le droit de «dire». Tahar Djaout, mort assassiné le 26 mai 1993, était l’un d’eux. «Le silence, c’est la mort. Si tu te tais, tu meurs. Si tu parles, tu meurs. Alors parle et meurs !», titre d’une de ses chroniques parue dans l’hebdomadaire Algérie Actualités, en disait long sur son engagement pour la liberté d’expression. Aujourd’hui, dans un contexte différent, d’autres ont pris le relais. 
Plus tard, à propos de la montée en puissance de l’islamisme radical qu’il qualifiait d’«avènement du fascisme théocratique», il écrivait dans le numéro un de Ruptures : «Comme le rappelait dernièrement le président de l’Allemagne réunifiée à propos des néonazis, si le fascisme avait triomphé en Allemagne à la fin des années 30, ce n’était pas parce qu’il y avait beaucoup de fascistes, c’était parce qu’il n’y avait pas assez de démocrates.» 
En effet, s’il y avait assez de démocrates, l’Algérie aurait fait l’économie des Ali Benhadj, et du système politique autoritaire hérité des années de plomb qui a vu Bachir Hadj Ali sauvagement torturé. Dans son livre L’Arbitraire où il relatait l’acharnement de ses tortionnaires, on trouve en annexe les derniers vers de ce poème dédié à Hocine Zehouane : «Je jure sur l’angoisse démultipliée des épouses/que nous bannirons la torture/Et que les tortionnaires ne seront pas torturés». Pourquoi évoquer Djaout et Bachir Hadj Ali aujourd’hui ? Eh bien, parce que je n’ai pas vu leurs portraits durant le Hirak. Parce que la liberté d’expression, la démocratie, le combat pour une société où la tolérance sera protégée par la loi, demeurent des objectifs. Et parce que la tentation de l’autoritarisme est toujours présente, surtout aujourd’hui, où tout est passé au crible d’une morale religieuse instrumentalisée à des fins politiciennes. 
Cela étant, entre les figures de Djaout et Bachir Hadj Ali, qu’une grande partie du public ne connaît pas, et celle d’Abdelkader Hachani, mort assassiné en novembre 1999, dont le portrait a été brandi durant le Hirak comme si c’était un martyr de la démocratie, il n’y a pas photo. Qu’on en juge. 
Voici ce que déclarait Abdelkader Hachani, au lendemain de la marche des démocrates du 2 janvier 1992, à la mosquée Essuna de Bab el-Oued, devant plusieurs milliers de personnes : «Les pharaons ont fait appel aux magiciens pour combattre Moïse et ils ont perdu. Le pouvoir a fait appel aux démocrates et il a perdu. Il n’y a qu’un seul parti en Algérie, c’est le parti de Dieu» ; fustigeant «cette démocratie défendue par l’Occident qui prétend préserver les libertés, celles des homosexuels, et qui nous a amené le communisme, le marxisme et le capitalisme, des systèmes qui asservissent l’homme, alors que l’Islam, lui, le libère». Avant d’asséner :  «Notre combat est celui de la pureté islamique contre l’impureté démocratique.»
À sa suite, le 2 février 1992, une autre figure de l’ex-FIS, Ikhlef Cherati, spécifiait : «Tous [pouvoir et démocrates] font obstacle à l’observation des prescriptions et commandements divins : ils encouragent la fornication par la chanson, les danses, le dénudement des femmes, la mixité, le port de certains vêtements, les veillées, les soirées au bord de la mer» ! Et, poursuivait-il : «Dès l’instant où l’on s’écarte de la chari’a islamique, il nous est permis de proclamer le djihad à l’encontre de tous ceux qui se placent du côté du pouvoir.» L’assassinat de Tahar Djaout a été revendiqué par Etebcira daté de juin 1993, l’un des bulletins de l’ex-FIS que dirigeait Mohamed Dnidni à partir de Londres (il était directeur d’El Balagh avant son interdiction par les autorités), assassinat motivé par «son communisme et sa haine viscérale de l’islam». 
La radio clandestine de l’ex-FIS, qui émettait en FM chaque mercredi durant 10 minutes et où l’on entendait clairement les voix de Mohamed Saïd et de Abderezak Redjem, a également revendiqué le meurtre de Djaout.(1)
Après tout ça, on nous dit que l’ex-FIS était contre le terrorisme ? Ben voyons… 
Pour finir, le courant islamiste existe. Il faut faire avec. Et ce n’est pas parce qu’il a le droit de s’exprimer qu’il faut taire ses responsabilités écrasantes dans ce qu’il s’est passé durant les années 90 et que l’on cherche à imputer aux seules forces de sécurité ! 
H. Z.

1) Radio Wafa a été démantelée courant 1994 par les services de sécurité…

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