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Rubrique Ce monde qui bouge

Une page se tourne, la vie continue

Le décès inattendu du général Gaïd Salah, qui a été inhumé hier, a surpris les Algériens. Il a quitté la scène politique à moins d’un mois de son anniversaire - il allait avoir 80 ans – et avant la mise en place du nouvel exécutif dont, disait-on, il devait faire partie pour un temps encore. Pour avoir occupé le devant de la scène ces dix derniers mois et assumé de fait la réalité du pouvoir, sa disparition ne peut laisser indifférents les acteurs de la société civile et politique et plus généralement le Hirak. 
D’une part, il y a ceux qui voyaient en lui l’homme qui a évité que l’Algérie implose. Et ils sont nombreux à le penser. La teneur de ses discours prononcés à partir des sièges des régions militaires qu’il visitait, et qui rythmaient la scène politique au moins deux fois par semaine, donnait à voir un homme habité par une conception qui lui était propre de l’unité et de la souveraineté nationales. 
Gaïd Salah n’était pas un politique mais un militaire, croyant dur comme fer dans une solution constitutionnelle comme sortie de crise, alors qu’il aurait eu la possibilité dès le 2 avril d’opter pour une autre voie associant tous les acteurs de la société civile et politique, dont le Hirak. Aussi estimait-il que la transition politique prônée par les opposants au scrutin présidentiel ne pouvait conduire que vers le retour de la « Issaba », à la déstabilisation, quand il n’accusait pas les relais de cette même Issaba de manipuler le Hirak pour le compte des ennemis de l’Algérie ! Feu Gaïd Salah considérait aussi qu’après la chute de Bouteflika, le démantèlement de la « bande » et la condamnation de ses principaux acteurs, la protestation populaire n’avait plus lieu d’être et devait s’arrêter toutes affaires cessantes. 
D’autre part, il y a ceux qui voyaient dans cet officier supérieur qui a dirigé l’institution militaire depuis 2004, l’homme grâce à qui le système a été maintenu à flots, avec pratiquement les mêmes hommes ayant soutenu près de 20 ans le Président déchu. Pour ses détracteurs, en dépit d’une forte opposition populaire dont il sous-estimait la portée politique, il a, contre vents et marée, imposé sa feuille de route et dicté le timing du processus électoral :  après avoir désavoué publiquement le président de l’Etat Abdelkader Bensalah qui s’était prononcé pour des mesures d’apaisement en vue de favoriser le dialogue, il a de fait fixé la date de la convocation du corps électoral au 15 septembre, pour que l’élection présidentielle ait lieu dans les délais prévus, pour faire élire un président de la République et faire valider cette élection malgré une participation historiquement basse (39,9%). 
Et, assure-t-on, s’il a refusé de réprimer dans le sang le mouvement populaire, c’est aussi parce que le pacifisme exemplaire du Hirak qui a déjoué toutes sortes de provocations et de manipulations, y est grandement pour quelque chose.  Ce que d’ailleurs l’ancien chef d’état-major avait admis de son vivant. 
L’homme n’est plus, le Hirak lui a survécu et le Président Tebboune perd un précieux soutien. Quant au système qu’il a laissé derrière lui, on ne peut honnêtement affirmer qu’il soit totalement sorti indemne de ces dix mois de contestation citoyenne, car ses assises socio-politiques – Le FLN et ses alliés, les organisations de masse, le Parlement… – ont été ébranlées, fragilisées et disqualifiées. 
Il est peu probable que la disparition du général Gaïd Salah puisse bouleverser dans l’immédiat les grands équilibres au sein du pouvoir. L’institution militaire restera pour un moment encore au centre du jeu politique, mais le rôle qu’elle sera appelée à jouer sera sans doute différent, car il n’est pas exclu à terme que les cartes soient rebattues, que la donne change et que s’ouvrent de nouvelles perspectives pour une sortie de crise honorable, préservant la souveraineté et l’unité nationales, avec à la clé la libération des détenus d’opinion. 
H. Z.

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