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Rubrique Ce monde qui bouge

Vendredi particulier en Algérie et au Caire

Ce sera un vendredi pas comme les autres. D’abord, CAN ou non, ce sera le 22e vendredi de mobilisation populaire. 
Ensuite, en soirée, ce sera la finale de la CAN qui résonnera comme un écho à ce qui se passe dans le pays depuis le 22 février. 
En tout cas, ils seront des millions à rêver que Mahrez et ses coéquipiers remportent cette CAN, ne serait-ce que pour rappeler qu’il n’y a aucune différence entre ces «binationaux», qui font retentir Kassaman au Caire et ceux, plus nombreux, à qui le pouvoir politique a interdit certaines fonctions politiques, sous prétexte qu’ils disposent d’une autre nationalité, alors que ce n'est pas le cas pour les «binationaux» marocains et tunisiens au Maroc et en Tunisie. Et que la suspicion et la discrimination dont ils sont l’objet — aucun à ma connaissance n’a demandé à être ministre — pénalisent avant tout l’Algérie en la privant de vraies compétences et de vraies expertises. 
Toujours à propos de ces joueurs dits binationaux, souvenons-nous, car c’est encore frais dans les mémoires, comment ils étaient décriés sur les plateaux de certaines télés privées par quelques anciennes stars de foot des années 1980, qui ne cessaient de mettre en doute leurs qualités techniques et, plus grave, leur patriotisme, dès lors que le Onze national perdait un match. S’ils ont choisi l’Algérie, affirmaient nos spécialistes ès foot, c’est parce qu’ils n’avaient aucune chance d’être sélectionnés en équipe de France ! Même la nomination de Djamel Belmadi à la tête du Onze national a été accueillie avec des grincements de dents. Dans un tel climat, il faut avoir le mental d’acier d’un Antar Yahia et d’un Karim Ziani, pour ne pas flancher, faire son sac et ne plus remettre les pieds au bled. 
Terminons pour dire que les filles et les garçons qui manifestent à Paris, Lyon, Lille, Marseille, à chaque fois que l’équipe nationale gagne, sont nés en France, issus de la 3e, voire de la 4e génération d’immigrés algériens ! Et beaucoup d’entre eux n’ont jamais mis les pieds en Algérie mais restent attachés à leur pays d’origine. 
Cela dit, que par les temps qui courent, le pouvoir politique essaie d'exploiter la qualification de l’équipe nationale pour rebondir politiquement, est de bonne guerre. Il est dans son rôle. En organisant un pont aérien Alger-Le Caire pour transporter des milliers de supporters algériens, les autorités escomptent au moins trois choses : être en phase avec ces millions d’Algériens qui sont derrière l’équipe nationale, récolter quelques dividendes politiques afin de rendre acceptable leur agenda limité à la seule organisation de l'élection présidentielle, et sortir de ce tête-à-tête avec les Algériens dans lequel elles se sont mises, depuis la chute de Bouteflika, en écartant toute autre solution que la leur. 
Aussi est-il difficile de croire que l’euphorie que créerait une victoire de l’Algérie à la CAN puisse soudainement faire baisser la tension politique et la mobilisation citoyenne, et partant, reléguer au bas de l’armoire cinq mois de revendications démocratiques et citoyennes. 
N’oublions pas, en effet, que c'est des stades qu'est partie la mobilisation populaire ayant fait exploser et balayer la coalition des intérêts oligarchiques et politiques autour d’un Président impotent. 
Le mal social est profond, le pouvoir politique le sait, et il ne peut être effacé l'instant d'une victoire à la CAN. D’autant que les Algériens ont appris à séparer les choses. L’après-midi de ce 22e vendredi, ils exprimeront pacifiquement leur volonté de changement démocratique. En soirée, les mêmes supporteront l’équipe nationale et s’enflammeront en cas de victoire. Y compris l’auteur de cette chronique. 
H. Z. 

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