Est-ce qu’il y a une vie en dehors des élections ? La question peut être
inutile, puisque la réponse est évidente. La ministre de l’Education
nationale, avec un courage et une lucidité politiques dignes de respect,
vient de s’exprimer sur «la prière à l’école». On ne sait pas encore si
son propos sera accompagné d’une décision qui traduira sa pensée sur le
terrain mais on sait déjà qu’elle en a la volonté. Sinon on ne voit pas
où serait l’intérêt pour elle d’en parler. De sa déclaration, on aura
d’abord retenu ceci : la clarté dans le propos, la fermeté dans le ton
et la promesse dans la perspective. Sur la question précise comme sur
d’autres, les Algériens ont rarement entendu une autorité à ce niveau de
responsabilité s’exprimer en ces termes. Dans sa bouche, il n’y avait ni
langue de bois, ni contournement ni demi-mesure ni même ce besoin
suspect de convoquer le récurrent argumentaire «technique» pour
expliquer des situations autrement plus profondes. Mais c’est sur la
question précise que grandit et se clarifie son mérite. Dans un pays où
on a fini par avoir peur de l’intégrisme de société plus que de ses
manifestations politiques, où l’espace public est entièrement livré à de
ténébreux désiratas, où l’imam a remplacé le juge comme le policier, où
le fait accompli religieux se substitue à la loi, où le barbu inculte
officie comme autorité morale et où l’instit est imam plus qu’instit,
entendre une ministre dire que «la prière, c’est à la maison, l’école,
c’est pour dispenser le savoir», n’est pas rien. C’est même beaucoup de
choses. Bien évidemment, on peut rester sceptique sur la portée de cette
déclaration et ses réelles chances de prolongements dans la vraie vie.
Les hirondelles qui n’ont pas fait le printemps, ce n’est pas ce qui a
manqué dans l’histoire des institutions du pays et ceux qui vont
répliquer par le fait que Madame Benghabrit est ministre d’un
gouvernement qui ne va pas dans le sens de ses projections pour l’école
algérienne, ne manqueront pas d’arguments. Il leur suffirait peut-être
de rappeler sa terrible solitude dans l’affrontement de ses féroces
adversaires qui, eux, savent se mettre ensemble pour défendre
l’essentiel de ce qu’ils partagent. Quand elle a eu à défendre certaines
de ses mesures, elle n’a même pas eu droit au minimum formel de ce
qu’elle pouvait attendre comme solidarité gouvernementale. Les réactions
à la téméraire entreprise de Madame Benghabrit ont déjà commencé et on
n’a pas besoin de se poser la question pour savoir leur nature, ni
d’identifier leurs auteurs. Y a-t-il une vie en dehors des élections ?
La sortie de Madame Benghabrit aurait pu, aurait dû ne pas être en…
dehors.
S. L.
S. L.