Placeholder

Rubrique Constances

Délire au passé simple

Quand il a entendu Ould-Abbès raconter comment «ils» ont explosé 4 bombes en une journée, puis en une… minute, Adel a couru vers son père qu’il a invité avec insistance à venir devant la télé comme si c’était une question de vie ou de mort : «Papa, papa, c’est lui Djamila Bouhired ?» ! C’est que Adel, qui vient de passer et de rater son bac avec un… échec mitigé n’est pas vraiment un passionné d’histoire. Mais sur la question de la guerre de Libération nationale, il a quelques notions basiques. Non, il ne les a pas apprises parce qu’on lui a enseigné ça à l’école mais plutôt parce qu’on ne le lui a pas enseigné, justement. C’est un peu difficile à comprendre mais les délires, même quand ils sont simples sont faits aussi pour cela. Adel est un enfant qui a l’esprit de la contradiction pour ainsi dire. Encore tout petit, il prenait en cachette du café noir parce qu’on n’arrêtait pas de lui dire que c’était mauvais pour les petits. Et quand il est arrivé au collège, il a consacré ses rares efforts à ce qu’on lui a décrit comme accessoire, «histoire-géo en premier, et délaissait royalement ce qu’on lui présentait comme le secret de la réussite, les maths, la physique ou les sciences naturelles, bien évidemment. Mais de l’histoire de la guerre de Libération, il aime plutôt le côté «spectaculaire» et c’est pour cela qu’il a lu toutes les publications d’Yves Courrière parce que c’est romancé. Bien sûr, il n’a pas tout compris en raison de son niveau de français dérisoire. Il voulait savoir à un moment si Les fils de la Toussaint, Le Temps des léopards, L’heure des colonels et Le Temps du désespoir étaient traduits en arabe mais il s’est rappelé qu’il n’était pas brillant en arabe non plus. Quand il a vu La Bataille d’Alger, quarante ans après sa sortie, il a voulu faire connaissance avec Petit Omar. Il ne faisait pas la différence entre le héros de la vraie guerre et celui qui l’a incarné à l’écran mais on lui avait dit que ce n’était pas important, puisqu’ils étaient morts tous les deux, l’un avec les balles coloniales, l’autre de la misère nationale. Adel est particulièrement fasciné par les histoires de bombes, allez savoir pourquoi. Sans doute parce que les femmes du Coq Hardi, du Milk Bar et de la Cafétéria étaient belles au moment d’aller accomplir leur destin d’héroïnes éternelles dans leurs jupes courtes. Alors quand Nabil a entendu Ould-Abbès dire qu’il avait explosé des bombes, il a donc appelé son père pour lui poser la question. S’il n’est pas Djamila Bouhired, il doit être Jacqueline Guerroudj alors ? Nabil allait continuer mais il a vu la tête de son paternel et il s’est éclipsé. Un jour, il lui demandera si c’était les questions qui l’avaient irrité où la tête d’Ould-Abbès en délirium tremens.
S. L.

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder