Placeholder

Rubrique Constances

Des mots justes, au service de l’injustice

L’Histoire retiendra certainement beaucoup de formules « assassines », de mots d’ordre inspirés et de phrases pertinentes que le pays et le monde entier doivent au génie populaire algérien qui les a créés dans le feu de l’action depuis le soulèvement du 22 février. On ne sait pas si l’Histoire aura le même intérêt pour les répliques censées les contrer mais on sait déjà qu’elles sont loin de la profondeur des premières et de leur qualité esthétique. En passant en revue quelques-unes de ces « répliques » les plus entendues, il nous vient à l’esprit cette expression arabe difficilement traduisible mais que nous pouvons formuler ainsi : des mots justes au service de l’injustice. Voyons, pour l’exemple.
« Seules les élections peuvent permettre au peuple de choisir le Président qu’il veut pour réaliser ses revendications dans la légalité et la légitimité… » C’est juste, sauf qu’en l’occurrence, il y a toujours des phrases ou des paragraphes inachevés. Ce sont les conditions dans lesquelles on compte les tenir, la crédibilité de ceux à qui on en a confié la préparation et l’organisation et le rejet de toute autre solution en attendant que les choses s’améliorent, que rejettent les Algériens, pas les élections dans l’absolu.
« L’Algérie ne peut pas fonctionner sans Président, tous les pays du monde en ont un .» C’est aussi juste, c’est pour ça que les Algériens veulent un chef d’Etat vraiment élu, dans des conditions de sérénité, de démocratie et de transparence. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a aucun Algérien qui a dit qu’un Président, on peut… s’en passer !
« Je suis patriote, donc je vote pour mon pays .» On vote pour un candidat, pas pour le pays, qui appartient à tout le monde. Personne ne peut faire la leçon de patriotisme à l’autre et si c’est vraiment nécessaire, ce n’est pas sûr que le doute sur l’amour de la patrie soit du côté qu’on veut bien désigner.
« Voter est un devoir citoyen .» Non, le vote est un droit, qu’on peut choisir ou non d’exercer. Surtout quand une élection n’est pas un exemple de transparence.
« Il faut en finir avec la crise .» Le pays ne traverse pas une crise sociale ou institutionnelle, il est dans une phase révolutionnaire où le peuple veut… en finir avec le système et tout ce qui en a été l’incarnation comme mode de gouvernance, déficit démocratique, corruption et impasse économique. La révolution n’est pas un… problème conjoncturel qu’il suffit de dépasser, pour que le pays retrouve toute sa superbe. Sinon, ça se saurait et personne ne serait peut-être descendu dans la rue. Pour dire les choses plus simplement, le soulèvement populaire n’est pas un problème mais au moins une partie de la solution. Ce n’est pas difficile de deviner où est l’autre partie.
S. L.

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder