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Rubrique Constances

Hamid Farhi : le sens d’une vie, le message d’un départ

Hamid Farhi s’est éteint sur un lit d’hôpital qu’il a attendu sur une chaise. Dans sa sérénité d’homme à idéal et sa dignité de combattant aimant trop la vie pour perdre son sang-froid face à la mort, il fallait que se déploient des divisions à inventer pour ébranler la trajectoire de son regard inquiet mais apaisé, rêveur mais toujours lucide. Hamid est mort de sa ténacité à vouloir tuer la mort, non pas comme inéluctable fin de cycle biologique mais comme ennemi sordide de la vie. Dans le Staouéli de son ancrage, entre mer et vergers, là où les sens sont en constante balade entre les senteurs de l’oranger fleuri et le bonheur guetté à l’heure du retour des pêcheurs, Hamid est. Il est parce que ça va être très dur de dire qu’il était. Dans ce café sans prétention où il avait créé un pan de ciel aéré et quelques tendres illusions, dans ce coin qu’il voulait arracher à l’ennui et sauver de la cupidité, Hamid invitait au câlin avec sa belle utopie et laissait passer l’orage quand les moments de doute le poussaient au seuil du désespoir. Le doute quand il a vu le monde se dérober sous ses pieds, lui qui voulait le refaire parce que trop injuste. Le seuil du désespoir quand il a vu le pire frapper à la porte. Oui, Hamid a souvent douté et parfois désespéré, mais jamais abdiqué. S’il est resté dans son idéal à hauteur d’homme, il a aussi su, souvent au prix de pénibles efforts et parfois en se faisant violence, se mettre au compromis utile quand l’urgence est à l’essentiel vital. Hamid a su transcender ses douleurs prévisibles de militant et transcender ses déchirures intimes d’homme. Des éclatements mortels de sa famille politique, il a tiré une raison de défricher d’autres champs où la réussite n’était pas toujours au bout. De son parcours personnel, on retient une rare détermination et un touchant désintérêt. Et de son quotidien une agaçante humilité. Au pays de Tliba, de Ghoul et de Benyounès, il est celui qui met la pincée de baume au cœur. Dans sa vie, Hamid Farhi rappelait souvent que le don de soi n’est pas une vue de l’esprit. De son lit de mort qu’il a attendu sur une chaise honteuse, il a livré l’image d’un pays ruiné, à sauver de l’incurie et à remettre aux mains des bâtisseurs. Sur son chemin vers le repos des humbles, il en délivrera certainement d’autres. Vivant, Hamid n’a peut-être pas drainé les foules mais il a tellement charrié de rêves généreux qu’il ne peut pas partir comme ça. Il ne peut pas partir sans que quelque part, ne retentisse la gifle sans le père fouettard, sans qu’il ne bouscule l’ambition au rabais dans laquelle se complaît ce pays qu’il a tant aimé. 
Adieu Hamid, personne ne t’aimait bien, rassure-toi. Il y a ceux qui te haïssaient et ils ont raison, ceux qui t’aimaient tout court parce que tu les aimais aussi et ceux qui te respectaient parce que tu imposais le respect.
S. L.

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