Ils sont de la maison, ils ont l’expérience de l’échec !

Les formules sont d’une récurrence tenace et l’imposture qu’elles suggèrent est tellement évidente qu’elle peut être saisie par le dernier des tarés. Mais ça fait des décennies maintenant qu’on les entend dans tous les espaces de l’activité nationale à chaque fois que quelqu’un «revient» dans une structure ou plus largement un secteur de l’activité nationale pour de hautes responsabilités politiques ou managériales. «Il connaît bien la maison.» Les mots sont galvaudés, le sens des mots entendu, le ton monocorde et la conclusion péremptoire. Pour dire les choses simplement, «il connaît la maison» est l’affirmation d’une compétence reconnue et le gage d’une réussite que les Algériens sont sommés d’accueillir comme une promesse de bonheur. Dans la vraie vie pourtant, les choses ne sont pas aussi évidentes. Elles ne sont même pas plus compliquées puisqu’elles sont justes l’inverse, en dehors des exceptions qui confirment la règle. Ils ont été à l’origine de spectaculaires… banqueroutes, traîné de retentissantes casseroles et brillé par leur incurie, d’expérience ils n’ont que celles de l’échec mais ils… connaissent la maison, sont les enfants du secteur. Et s’ils reviennent, c’est forcément parce qu’on les regrette (déjà), avec cette arrière-pensée insupportable qu’il y a des postes taillés sur mesure pour certains et qu’en dehors d’eux, c’est le désert en matière de profils et de qualifications. Plus grave — ou pire — il arrive même qu’on suggère de les laver de leur passé moralement peu glorieux sous prétexte qu’ils sont… irremplaçables et leur «retour» une entreprise d’utilité publique ! L’actualité est au foot et ce qui ne gâte rien, c’est un secteur où la formule fait toujours florès. Pour justifier le recrutement de sélectionneurs et d’entraîneurs étrangers de dernière zone, on dit qu’ils «connaissent le football africain». À défaut de faire venir des compétences avérées du foot moderne qui puissent faire franchir un palier à nos équipes, on veut nous convaincre qu’un technicien qui a traîné dans plusieurs pays africains a souvent été viré pour mauvais résultats… si vous voyez ce que je veux dire, est forcément une brillante option pour nos clubs et nos sélections. Il n’y a pas longtemps, j’écrivais ceci : «Il y en a qui pensent que l’expérience sert à mieux… échouer.» Ce n’est pas très humble de se citer mais quand c’est fait sans prétention…
S. L.