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Rubrique Constances

La Foire du livre, la révolution et le désert culturel

Il y a quelques jours, un ami nous racontait son embarras : aller à la Foire du livre  ou la bouder ? C’est qu’à l’origine, le bonhomme n’est ni un contestataire invétéré ni un soumis résigné. Il a ses colères contenues ou exprimées dans la limite de ses espaces de liberté, il a quelques raisons d’être satisfait de sa situation et parfois il affronte ses doutes dans la sérénité de son tempérament naturellement apaisé. Notre ami n’est pas militant mais depuis le début du soulèvement populaire, il a pris conscience qu’il avait peut-être un retard à combler en matière d’indignation et pour y parvenir, il s’est engagé corps et âme dans les manifestations, avec une infaillible régularité et une détermination qui forcent l’admiration. Dans la foulée de ses nombreuses et farouches implications, il s’est même débarrassé des quelques certitudes qui l’ont toujours habité. Pour l’exemple, il est convaincu que le changement ne viendra pas des politiques mais de l’intelligentsia, que le pays souffre de son école mais pas de son économie, que le « tous pourris » au sommet de l’Etat est au mieux une exagération et au pire une vue de l’esprit et qu’il y a peut-être un homme providentiel susceptible de remettre le pays sur la bonne voie. L’un dans l’autre, il est aussi convaincu qu’une élection démocratique et transparente est un saut dans l’inconnu qui a plus de chance de mener vers le pire que vers le salut. Depuis le 22 février, il a découvert que la politique se fait avec les… politiques et l’intelligentsia ne peut être que dans son propre rôle. Que le pays n’a ni un problème d’école ni un problème économique mais un problème de système. Que l’homme providentiel est un mythe ou un fantasme qu’on n’adore que parce qu’il n’existe pas. Que très peu de choses indiquent que le tous pourris au sommet est loin de la réalité. Enfin, qu’il ne faut jamais avoir peur de la démocratie et des élections régulières et transparentes parce que jusqu’à ce qu’un autre système soit inventé, c’est le meilleur ou le moins mauvais. Quand la Foire du livre est arrivée, il ne sait plus quoi faire. Il a entendu des gens intelligents dire qu’un pouvoir qui a organisé le désert culturel du pays ne peut pas organiser une manifestation qui promeuve le bouquin. Il a entendu qu’il y a d’illustres écrivains qui y sont interdits de séjour. Il a ouï dire que les livres religieux et de cuisine s’y paient la part du lion. On lui a enfin susurré que la Foire du livre est l’arbre qui cache la forêt des librairies qui disparaissent une par une pour faire place nette aux usines à chawarma. Notre ami est maintenant un activiste enthousiaste mais la contestation n’a enlevé à personne sa lucidité, surtout pas à lui. En réfléchissant un peu, il est arrivé à la conclusion que comme la démocratie est le moins mauvais des systèmes politiques, la Foire du livre est la meilleure manifestation culturelle organisée dans son pays.
S. L.

 

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