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Rubrique Constances

La forêt qui cache le désert Le salon du livre en images

Les Algériens sont inondés d’images et de commentaires venant de la foire du livre depuis son ouverture. Télévisions, journaux et réseaux sociaux ont fait leurs «choux gras» comme on dit dans le jargon, d’un événement, qui en est quand même un, quoi qu’on dise. On peut, bien évidemment, estimer que dans une certaine mesure, il est toujours rassurant que le livre suscite un tel engouement médiatique dans un pays où on a peut-être trop et trop vite dit qu’il est déserté par les nourritures de l’esprit. Mais on peut tout autant jouer aux rabat-joie sans manquer d’arguments et lancer à la cantonade que la profusion d’images et de paroles sur cette manifestation pourrait être symptomatique d’un pays où il ne se passe pas grand-chose. Parfois, on a même suggéré que les images se passaient de commentaires et on y est allé de bon cœur. A tout seigneur tout honneur, les gros plans sur les longues «chaînes» devant les stands où se tenaient les ventes-dédicaces. Des queues dont les plus drôles, à moins que ce ne soit les plus cyniques, comparent aux bousculades de sinistre mémoire devant les Souk-el-Fellah pour tout ou pour rien. Bien avant qu’elle n’arrive, on aura déjà saisi la conclusion, tellement elle relève de l’évidence : vous pensez que les Algériens ne lisent pas ? Vous avez tout faux et nous vous en administrons la preuve la plus irréfutable. C’est léger mais ça marche souvent. La foule, quelle que soit sa relativité selon l’espace, le temps et les proportions, a toujours le pouvoir de persuasion-fascination intact. Puis viennent les micro-baladeurs où se succèdent les «visiteurs». Aux anges d’être dans le champ d’une caméra avec un micro devant la bouche, ils diront leur bonheur d’être là, d’avoir mis la main sur le livre qu’ils attendaient et, suprême extase, d’avoir pris un «selfie» en compagnie de leur idole d’auteur. S’ensuivront des écrivains forcément «heureux d’avoir rencontré leurs lecteurs», surpris par autant de succès et bien évidemment reconnaissants pour tout. Arrivent les éditeurs qui commenceront par énumérer leurs «états de services» depuis la première édition du salon, leurs nouveautés et l’affluence vers leurs stands qui sont autant de signes de réussite de leur entreprise. Arrivent enfin les organisateurs dont on devine déjà le propos, parce que personne n’attend d’eux qu’ils se tirent une balle dans la patte : la manifestation est un exemple de réussite, on l’aura compris. Est-ce que  les images disent pour autant ce qu’on veut bien leur faire dire, est-ce que les commentaires ne sont pas trop faciles ? Les réponses ne viendront pas du salon, ne s’y rendent que les Algériens qui lisent. Enfin, dans le meilleur des cas.
S. L.

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