Djamel Eddine Oulmane est médecin mais il touche aussi au « crayon » et
vient souvent dans les marches avec une pancarte où il allie le beau
trait, la succulente dérision et, bien sûr, le message du jour. Au fil
des vendredis, il est devenu, certainement sans le chercher, un
«personnage» de la place Audin, suscitant des marques de sympathie, des
demandes de selfies et, parfois, des discussions aussi passionnées que
lucides. Vendredi passé, il a été arrêté par la police, avant d’être
relâché au bout de plus de deux heures d’interrogatoire. Ce ne serait
pas diminuer son niveau d’engagement et sa détermination que de dire que
Djamel, avec sa bouille attachante, son foulard de titi algérois et sa
générosité dans le regard, devrait plutôt rassurer qu’inquiéter. Mais il
n’est pas dit que la police s’en prend aux plus véhéments. Si tel était
le cas, elle n’aurait peut-être pas grand monde à interpeller. Et la
justice n’aurait pas envoyé en prison des jeunes pour avoir brandi un
emblème ou Lakhdar Bouregaâ pour avoir dit ce qu’il pense. Et maintenant
embarqué, le docteur Oulmane pour avoir attiré des manifestants autour
de ses… bulles. Que le pouvoir et ses relais arrêtent donc de
revendiquer la «silmya», ils n’y sont pour rien, dans le meilleur des
cas. Le pire, tout le monde le connaît et le bilan en la matière est
éloquent. Depuis les premières semaines du soulèvement, rien n’a été
épargné aux manifestants. Passé les premières velléités de transformer
la Révolution en kermesse où «tout le monde il est beau, tout le monde
il est gentil», les «choses sérieuses» ont vite fait de commencer et ce
serait enfoncer des portes ouvertes que de dire que le caractère
pacifique des manifestations qui a soulevé l’admiration dans le monde,
on n’a pas vraiment besoin d’en chercher les raisons, tellement elles
sont évidentes. Après les premières fleurs offertes par des femmes
rêveuses et acceptées par des policiers déconcertés, le pouvoir s’est
déployé comme il en avait l’habitude. A moins que les Algériens ne
soient condamnés à rester dans la piètre consolation, en savourant le
fait d’avoir… échappé au pire, rien n’a été «oublié» pour les pousser à
l’affrontement. Les dispositifs policiers, de plus en plus
impressionnants, les fermetures d’accès à la capitale, les camions à
eau, les bombes lacrymogènes, les provocations, les arrestations et les
emprisonnements, ce n’est pas vraiment une logistique d’«accompagnement»
pour prétendre à une volonté partagée de rester dans un soulèvement
paisible. Vendredi passé, la police a donc fait «son travail»… en
procédant à l’arrestation de Djamel Eddine Oulmane et des dizaines
d’autres marcheurs… «potentiels», puisque la manifestation n’avait pas
alors commencé. Il fallait voir avec quelle sérénité, d’autres marcheurs
avaient investi les abords du commissariat pour réclamer leur
libération. Il fallait voir avec quel sens de l’organisation tranquille
et avec quelle efficacité on a fait en sorte que ça ne dérape pas.
La «maison» de la paix est désormais connue. Peut-être bien avant… désormais.
S. L.
La «maison» de la paix est désormais connue. Peut-être bien avant… désormais.
S. L.