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Rubrique Constances

La terre et ses proprios

Le long de la côte-ouest d’Alger et sur quelques pans en retrait de la mer, ont proliféré depuis quelques années une succession de «pépinières». La «tendance» a dû se propager dans d’autres terres du pays profond, à moins qu’elle n’ait commencé justement dans ces régions, là où elle est moins visible, avant de s’étendre à cette contrée qui commence à la périphérie de la capitale, là où il est plus difficile de cacher des choses. Précisément là où l’«entreprise» est plus rentable, là où la terre est moins accessible parce que réservée à un cercle de privilégiés au-delà duquel elle devient une chimère, y compris pour les ambitions entrepreneuriales les plus sérieuses. On devine donc que le «phénomène» est d’une plus grande ampleur, surtout parce que d’une manière générale, les «astuces» formelles de la rapine font rapidement le tour du pays, de façon à ce que toute la clientèle, chacun selon son niveau d’intégration, ses capacités de corruption ou de nuisance, puisse en bénéficier. Parce que, finalement, cet essaimage de pépinières ne serait qu’une astuce parmi d’autres, l’imagination en la matière étant d’une légendaire fécondité. Les pépinières seraient donc ce que les «proprios», puisqu’il faut bien les appeler ainsi ne serait-ce que par commodité de langage, ont trouvé comme subterfuge pour s’emparer des terres agricoles sans avoir à faire de… l’agriculture. Une pépinière, du moins telle qu’elle est conçue dans le cas précis, c’est un investissement dérisoire et la complaisance étant au niveau où elle est, ça n’a même pas besoin de faire pousser des arbrisseaux. Il suffit d’y placer quelques pots achetés ailleurs et de payer au Smig un gardien-vendeur pour entretenir le leurre. Et d’attendre tranquillement le jour où on pourra y ériger une promotion immobilière, des commerces ou, carrément revendre, pour les plus… entreprenants. Faire pousser du béton là où on devait faire pousser des vergers ou des potagers ou encore mieux : vendre au prix de l’or ce qu’on a eu pour un plat de lentilles quand ce n’est pas pour rien ! Il n’y a pas que les terres agricoles qui sont l’objet de détournement à une échelle industrielle. Il y a également le foncier… industriel. Il n’y a pas un pan d’Algérie où des centaines, voire des milliers d’hectares attendent que leurs «proprios» puissent en disposer à leur guise, quand ce n’est pas déjà fait. Lorsque M. Yousfi, le ministre de l’Industrie et des Mines, annonce à partir de Bouira, où il était récemment en visite, une nouvelle loi sur la «protection du foncier industriel», on a envie de lui demander si c’est vraiment l’ancien dispositif légal qui a permis son accaparation et surtout si c’est vraiment d’une loi que le gouvernement a le plus besoin pour le récupérer et protéger le reste. Et quand un autre responsable faisait état, quelques jours auparavant, de quelque 200 hectares destinés à l’investissement touristique sur la côte jijelienne qui ont été détournés de leur vocation, on a envie de lui demander s’ils n’ont pas été… détournés tout court. Pas seulement 200 hectares et pas seulement à Jijel.
S. L.

 

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