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Rubrique Constances

Le gradin et le tripot

Un imam dont on connaît et le projet et les états de service vient de lancer un appel à ses «collègues», on allait dire ses… ouailles, pour s’investir dans les bistrots et les stades. Le but proclamé est de prêcher la bonne parole à des égarés qui consomment du vin et s’adonnent à des actes de violence. Du coup, on ne sait plus quel sujet introduit sa sortie : faut-il, dans la foulée, aborder la violence dans les stades et les mauvaises thérapies qui se confirment - encore une fois - dans la panacée de l’imam intégriste ? Ou alors s’inquiéter de la mainmise islamiste sur la société, qui vient de franchir un autre seuil, à l’occasion ? D’abord les mauvaises thérapies. A l’évidence, elles sont toujours dans la réaction plutôt que dans l’action. Même les répliques, épisodiques, sont laborieuses, tellement elles manquent de détermination et d’équité. Y compris quand il s’agit de «calmer les esprits» dans la foulée des drames qui se répètent, on a rarement vu des mesures qui puissent un tant soit peu être dissuasives ou réparatrices, quand il y a encore des choses qui peuvent être réparées. Pour l’action volontariste, ça fait déjà trop longtemps qu’on en désespère. Sinon, on aurait commencé par essayer ce qui s’est fait de plus efficace ailleurs. Faire mal à ceux qui font mal. Dispositif technologique de surveillance, fichages systématiques, interdiction de stade, interdiction de déplacement pour certaines galeries, prison ferme ; bref, la répression prise dans le sens de sanction du délit et parfois, il faut le dire, du crime. Mais pour cela, il faudra d’abord repenser le foot et plus important, des institutions justes et crédibles qui puissent faire respecter l’autorité de l’Etat.
Nous sommes déjà dans une autre histoire, n’est-ce pas ? S’agissant d’investir les bars pour la leçon de morale et de piété, on se surprend à se demander s’il n’y a pas en l’occurrence un certain adoucissement du mode opératoire chez nos rédempteurs-inquisiteurs. Parce que jusque-là, ils s’y sont pris avec des arguments beaucoup moins «civilisés» : descentes punitives dans les débits de boissons alcoolisées, fermetures par la menace physique, lynchage de consommateurs… la «batterie de mesures» est encore longue. Et exécutée au nez et à la barbe de l’autorité, quand ce n’est pas avec sa complicité. Ils faisaient régner la terreur sur l’espace public qui leur est livré en usufruitier, ils passent maintenant à un autre palier : faire carrément office d’autorité morale incontournable. Manifestement, il n’y aura pas grand-monde pour leur contester cela. Il y a une certaine «logique», voire de bon sens, dans l’affaire : on ne s’est pas indigné outre-mesure quand ils jouaient du bâton et du sabre, on ne va pas s’y mettre maintenant qu’ils veulent prêcher la bonne parole ! Eux, ils veulent la totale et ils ne s’encombrent pas d’états d’âme : pour la bonne cause, ils peuvent débarquer dans les tripots ou les gradins. Avec, en prime, le risque zéro. Les deux sujets introduits par l’imam intégriste n’en font qu’un, finalement.
S. L.

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