Un ami que j'aime bien mais à qui je ne peux pas fabriquer un parcours : tu te rappelles, quand on militait ensemble ? Non, je ne me rappelle pas du tout et ma mémoire est infaillible.
Le wali d’Oran s’en est pris à un vendeur d’œufs à la sauvette en le sommant de prendre ses «fringues» et de quitter les lieux, en l’occurrence l’endroit où le bonhomme s’est installé pour vendre sa marchandise aux passants. L’endroit en question serait exposé à des émanations dangereuses et, de toute façon, l’activité du vendeur d’œufs est illicite. Voilà l’essentiel de ce qu’on pouvait avoir comme information sur ce qui a fait «l’événement» ou le «buzz», pour ceux qui préfèrent le langage branché. Dans cette histoire, on notera d’abord ceci : l’attitude et le langage de Monsieur le Wali participent d’une conception de l’État et de l’autorité d’un autre siècle. Les Algériens sont en droit d’espérer que les pratiques qui les prolongent sur le terrain de la vie ordinaire sont derrière eux ? Il y aura toujours «un wali d’Oran» en tous lieux et à tous les niveaux de responsabilité pour les désillusionner. Puis cela : l’un dans l’autre, c’est la certitude que cette idée de la gouvernance est la meilleure qui pousse certains responsables à ce genre d’esclandres, convaincus que ça peut «renforcer» leur… popularité et qui sait, booster leurs carrières auprès de leur hiérarchie directe ou plus haut. Soit dit en passant, comme dirait mon amie Malika Boussouf, quand on est convaincu qu’on est dans le juste, on l’est jusqu’au bout. Y compris dans la façon de promouvoir — ou de briser — des carrières, si vous voyez ce que je veux dire. Parce que les scènes du genre, ce ne sont pas les walis qui les ont inventées. Longtemps avant Monsieur Sayoud, c’est… Bouteflika qui a inauguré ça. Lui, il avait la conviction qu’il faisait le bonheur des Algériens dans tout ce qu’il entreprenait, alors il y allait franchement, y compris en rabrouant une vieille femme du pays profond. N’est-ce pas que cela lui avait valu des applaudissements nourris ? Du coup, il allait… susciter des vocations et ça n’a pas l’air de vouloir s’arrêter. Qu’on ne s’y trompe pas pour autant. C’est le même système qui humilie et en croyant bien faire qui a fabriqué des… vendeurs à la sauvette et «autres», sûrs de leur bon droit de vendre ce qu’ils veulent, où ils veulent, comme ils veulent et quand ils veulent. La force publique légale et régulière ne fait rien pour les en empêcher parce que… c’est leur travail ? Il y aura toujours un… wali qui, une fois par saison sèche, viendra leur passer un savon face aux caméras. Lui, il fait ça parce que… ce n’est pas son travail. Un autre vendeur d’œufs ou de pain viendra s’installer demain au même endroit. Le wali n’est pas toujours en sortie !
S. L.
