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Rubrique Constances

Les amis de l’Algérie

Avec quelques jours d’intervalle, deux illustres personnalités du monde médiatique et intellectuel français ont tiré leur révérence : Jean Daniel et Hervé Bourge. Entre Alger et Paris, le regard peut différer sur les deux hommes. Mais qu’on soit dans la posture de celui qui les voit d’ici ou de là-bas, il sera difficile, voire aventureux d’évacuer une part de parcours de l’un et de l’autre sans se faire rappeler à l’ordre, sinon se faire à juste titre taper sur les doigts. Y compris quand cela procède de la bonne intention, de l’accaparement vertueux, personne ne pourra parler de Jean Daniel et Hervé Bourge en ignorant l’une ou l’autre de leurs «deux vies» qui ont chevauché la France et l’Algérie avec un égal bonheur. Les deux hommes ont, en effet, accompli tellement de belles choses des deux côtés que pour faire l’impasse sur l’un ou l’autre de « leurs deux pays  qu’il faudra être prêt à… assumer la toujours embarrassante partialité. Ou pire : l’infâme et infamante malhonnêteté intellectuelle. Mais que ce soit du point de l’aventure humaine, de l’accomplissement professionnel ou de l’engagement politique, ils sont systématiquement, spontanément… naturellement identifiés comme des hommes des deux rives. Ce parcours et cette « identité en partage» ne font pourtant pas disparaître leurs différences. Pour autant, le liant qui les rassemble est tellement puissant et profond qu’il n’y a pas grand monde à les voir autrement.  Ils ont eu les engagements que pouvait attendre d’eux leur pays d’origine à des moments vitaux de son Histoire. Et ils ont appris à aimer et défendre l’Algérie en prenant les risques que cela impliquait. Hervé Bourge n’avait rien à gagner en prenant ce risque, Jean Daniel n’avait pas grand-chose à perdre. Le premier a découvert ce pays comme journaliste puis comme appelé. Paradoxalement, c’est le deuxième qui aurait pu «basculer» d’un côté comme de l’autre. Né à Blida il y a juste un siècle, Jean Daniel n’a pas cédé  aux tentations qui pouvaient changer sa condition d’enfant d’ouvrier. Mais il ne s’est pas non plus résigné à subir le sort de ceux des autochtones dont il a pratiquement tout partagé pourtant, depuis sa tendre enfance. Jean Daniel a fait le choix du cœur ou de la raison ? Les deux, certainement, c’est le privilège des braves quand ils finissent par avoir raison. Et les braves ont toujours raison, y compris contre… Camus que tout prédestinait au «partage de la raison», l’amitié et la complicité intellectuelle avec Jean Daniel aidant. Au lieu de ça, il en est résulté une brouille historique qui a grandi l’enfant de Blida autant qu’elle a grossi la déjà intense polémique autour de Camus. Hervé Bourge, lui, a eu ses «moments «forts» comme quand il avait accepté d’être le conseiller de Ben Bella. L’un et l’autre, peut-être bien différemment, avaient… quelque chose de l’Algérie. Un quelque chose qui ne doit pas être loin de… l’essentiel, que le pays ne leur rend pas toujours, à eux, comme à d’autres.
S. L.

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