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Rubrique Constances

Les bergers

Pour le salut de nos âmes, il reste encore dans le pays profond quelques survivances qui nous maintiennent dans la proximité de la belle humanité. Ce qui ne gâte rien, elles doivent être plus nombreuses que ce que veulent bien nous dicter nos sclérosantes certitudes. Il se peut même qu’elles le soient du fait de nos maladifs scepticismes. L’équation est entendue : il suffit que la faune désintégrée que nous sommes devenus soit convaincue de quelque chose pour que l’évidence s’en éloigne à grandes enjambées. Dans cette humanité résiduelle que nous recevons souvent comme des gifles claquantes, il y a les bergers. Un métier ancestral d’hommes braves, libres et utiles qui a traversé l’histoire et habité les histoires sans jamais prendre la moindre salissure. Nous devons être les seuls au monde à oser ce scandaleux dérapage sémantique qui associe le berger à l’ignorance, prise dans son sens le plus dégradant. Sinon, de loin nous développons envers lui les rapports de nos propres turpitudes qui, dans la vraie vie qu’il mène au quotidien, lui sont à l’évidence étrangères. On pense qu’il manque de finesse alors qu’il évolue dans l’esthétique de la nature, on moque ses tenues alors qu’il est tout le temps dans l’élégance des humbles, on prétend que son métier est celui des sots alors qu’on retrouve son savoir-faire parfois son génie dans chaque troupeau, sur tous les pâturages. Dans les sorties aux aurores, dans les retours sous les étoiles, dans le petit geste nonchalant comme dans les longues et magiques transhumances, il célèbre la vie dans l’effort généreux des gens utiles. Pendant ce temps, nous nous empiffrons comme des carnivores qui ne savent pas d’où vient la chair. Nous aimons la viande mais pas les bêtes. Nous squattons les étals mais ne savons pas à quoi ressemble une clairière. Nous avons la schizophrénie du lait sans avoir jamais caressé une vache, nous étalons nos éruditions fromagères sans faire la différence physique entre une chèvre et une brebis. Sinon, les bergers travaillent. Il est encore heureux qu’ils sauvent le pays et une partie du monde de sa population de zombies désarticulés. Ils sont même heureux parfois. Eh oui, pas toujours, autrement, ils seraient aussi prétentieux que les autres. Ça ferait un peu moche et un berger n’a pas incarné ça. Qu’il soit dans les hauteurs des montagnes, dans le creux des discrets reliefs ou dans l’infinie perspective des plaines, il se donne à ses bêtes comme on s’offre au sacerdoce, sait lancer le chien quand le loup guette la bergerie et au final, il triomphe même sans trophée et sans tonitruance mais toujours avec dignité. Un pays qui ne montre pas ses bergers est toujours préoccupant. Des hommes qui s’en moquent est inquiétant, surtout quand ils ne les voient pas.
S. L.

 

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