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Rubrique Constances

Les intégristes en pantacourt sont arrivés

Équipés ou plutôt… armés d’une logistique de peintres en bâtiment consciencieux, habillés comme des jeunes de leur temps parfaitement dans le vent, ils sont partis à l’assaut d’un mur qu’ils vivent manifestement comme une verrue honteuse sur le visage naturellement sain et vertueux de «leur» quartier. Avec leurs casquettes retournées, leurs pantacourts et leur barbe qui renvoient à la tendance du moment plutôt qu’à la traditionnelle sunna manifestement dépassée, ils se sont mis en scène, le port altier, le verbe sûr et le ton arrogant ou sarcastique quand ils pensaient en avoir la géniale inspiration. L’opération, conçue comme une… œuvre de salubrité publique, a consisté à couvrir de peinture blanche une fresque murale qui «n’avait rien à voir» dans leur espace vitale qu’ils ne conçoivent que dans la pureté morale et religieuse. Entre deux instructions lancées dans la «bonne humeur» à celui qui tenait le pinceau-balai, le maître d’œuvre plaçait son commentaire, comme pour expliquer, des fois que quelqu’un n’aurait pas compris, les motivations profondes de l’entreprise de rédemption en cours. C’est donc dans le feu de l’action qu’ils nous «apprend», qu’ici, à «La Casbah, à Bab-el-Oued et Soustara », on est tous… musulmans. Que les hérétiques qui veulent tromper le monde en prétendant que ceci (la fresque murale) est de l’art, «ne nous représentent pas». Que ces dessins ne sont qu’une œuvre satanique de la… franche-maçonnerie qui opère sournoisement pour réaliser ses sombres desseins. «Il faut remettre une couche sur les yeux» de ce corps que nos peintres en mission d’épuration n’ont même pas laissé voir. Ils ne vont pas l’effacer en nous laissant une chance d’y jeter un dernier regard dans le travelling de leur caméra. Comme il ne fallait laisser aucun doute sur la nature de l’opération, le «commentateur» est allé au fond de sa pensée : «Nous sommes dans le djihad fi sabil Allah.» Parce qu’il fallait bien qu’on le comprenne, l’apparat de ces jeunes, leur langage et leur nonchalance ne suggérant pas forcément que nous avons affaire aux « classiques » soldats de Dieu en service commandé. Il fallait bien sûr que soient visibles les motivations de l’entreprise. Il fallait ensuite que soit suggéré qu’elle n’est pas l’œuvre de militants structurés dont le projet politique est de notoriété publique. Il fallait  donc qu’elle soit l’émanation d’une initiative populaire et spontanée, venue du cœur de la société. Le commentateur ne s’est-il pas cru obligé de nous dire que son groupe était l’incarnation de «l’Algérie profonde» ?  N’a-t-il pas, histoire de boucler la boucle, emprunté le fameux «yetnahaou gaâ» pour avertir que désormais, il en sera ainsi pour… l’art, les artistes et tous ceux qui conçoivent le pays et la vie en dehors d’une désertification en marche ?

S. L.

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