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Rubrique Constances

Piquer une tête à Club-des-Pins

Puisque tout le monde vous dira que la Révolution réinstalle chaque jour un peu plus les Algériens dans la joie de vivre, est-ce qu'ils pensent déjà aux vacances ? Bien sûr, c'est difficile à imaginer, si on prend le temps de repos et de détente dans le sens du détachement de la grande entreprise de l'heure. C'est qu'il reste beaucoup de choses à faire avant l'aboutissement des revendications qui ont été à l'origine de la mobilisation historique. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'ils sont appelés à faire une pause dans la... vie. On ne fait pas la révolution en renonçant aux plaisirs terriens sans lesquels toute entreprise vitale et tout rêve d'émancipation perdaient tout leur sens. Et si le génie populaire a adopté le nom de « révolution du sourire » à son sursaut de dignité, c'est que tous ceux qui y sont engagés sont conscients qu' "il ne faut rien lâcher"pour donner toutes les chances au combat d'aboutir et aux rêves qui l'ont motivé de se concrétiser dans la... vraie vie. Justement, la vraie vie, ceux qui battent le pavé chaque semaine et ceux qui leur emboîtent le pas entre deux vendredis ne l'ont à aucun moment oubliée. D'emblée, ils ont sonné la mesure de l'idée qu'ils se font de leur projet. Pour ne pas perdre le fil, ils en ont  déjà conçu les premières esquisses dans le feu de l'action. Naturellement, spontanément, comme pour dire qu'il ne saurait en être autrement. Il fallait juste voir que sur le bitume, l'inquiétude a fait place nette à la jovialité, les ados dont on a trop vite dit qu'ils étaient définitivement paumés ont démontré qu'ils pouvaient être rayonnants d'espoir, les femmes ont retrouvé toute leur splendeur dans la détermination et les séniors ont renoué avec le bonheur apaisé de ceux qui ont l'avenir derrière eux. Et il n'y a pas que ce qui a été vécu dans la rue dans un autre état d'esprit, un nouveau mental et des comportements en mutation. Tout cela a eu à se prolonger au-delà des rencontres fortuites sur un carré de marche ou au détour d'un selfie. Des cercles de vraies vies se sont créés, de vraies amitiés se sont nouées et des espaces d'échange ont été ouverts et des élans de générosité ont été vécus. Ça ne se voit peut-être pas trop mais il y a une vie de marcheurs après les marches. Il y en a même avant, puisqu'il y en a qui partagent le couscous, le thé ou l'apéro ailleurs la veille des rendez-vous révolutionnaires ou dans leur prolongement. Et les vacances alors ? Maintenant qu'on connaît le bide du pouvoir qui voulait faire des vacances forcées des étudiants, puis du Ramadhan, puis de l'Aïd, le « début de la fin », on doit aussi savoir avec quelle réponse lui donner, si jamais il a pensé aux vacances et à la... canicule pour renouveler sa batterie de faux espoirs. La rue, ayant donné la preuve que son ventre créatif est toujours fécond, il faudra s'attendre à de belles trouvailles. Comme celle qui circule déjà avec insistance: aller piquer une tête à Club-des-Pins.
S. L.

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