Ce soir est un grand… jour. Le pays rentrera très tôt à la maison. Pas de panique, l’Algérie est loin d’être une habituée des folles soirées d’hiver. Elle n’a pas non plus été élevée dans la tradition des ivresses printanières ni dans les douces mélancolies automnales à l’heure où s’installent les étoiles. Le pays rentrera très tôt à la maison ou, si vous préférez une expression du terroir, il va «dormir en même temps que les poules». Au fait pourquoi les poules se couchent si tôt ? C’est une question comme une autre mais on n’est pas obligé d’y répondre ici et maintenant. Pas aujourd’hui, non. Ce soir, «l’Algérie a rendez-vous avec l’Histoire». Po, po, po ! Vous avez remarqué comme on sort tout de suite les grands mots ? Ce n’est pas grave, cette réputation-là, nous l’avons dans le sang et chevillée au corps. Il suffit juste d’éviter les confusions dangereuses et scandaleuses : confondre les grands mots et les gros mots. Sinon, vous pouvez sortir l’artillerie lourde. Après le rendez-vous avec l’Histoire, ou avant, il n’y a ni hiérarchie ni chronologie dans l’affaire, vous avez «à la guerre, comme à la guerre». Si vous êtes de tempérament doux, vous pouvez essayer «le jour le plus long», on vous rira au nez, on vous prendra pour ce que vous êtes, c’est-à-dire un froussard clinique mais ce n’est pas grave, l’essentiel est que le soir arrive. Parce que venir à la bout de la journée, voyez-vous, c’est le premier objectif. Il est long, dur, usant mais réalisable pour tout le monde. Quelqu’un a déjà vu un jour qui se fige, cesse d’avancer et refuse d’arriver ? On peut avoir cette impression tellement on souffre mais ça finit toujours par… finir, une journée. Dans quelques heures, tout le monde et toute l’Afrique d’Algérie vont rentrer à la maison. Ceux qui n’ont pas de… maison compris ! Pas de panique, c’est juste une façon de parler. Parce qu’il y a les cafés, les bars, les restaurants et les grands «chez-soi dehors» où poussent les écrans géants plus vite et plus haut que les champignons. Tout à l’heure, à l’heure du coucher de soleil, de la rentrée des poules et de l’arrivée des étoiles, le pays va délirer. Gros mensonge, le pays a commencé avant. Il va cesser, alors ? Non, surtout pas ça. On nous a ensorcelés, nous sommes en Afrique, mon frère. Mais ce soir, tous les magiciens du monde réunis n’y pourront rien. Que peuvent les gris-gris contre le délire ? Allons, ce n’est que du foot. Que le meilleur — c’est-à-dire nous — gagne !
S. L.
