Difficile de revenir sur le drame du stade du 20-Août sans avoir à subir
cette embarrassante, voire culpabilisante impression de remuer le
couteau dans la plaie. Mais la retenue dans ces situations de douleur
extrême n’empêche pas d’en parler. Surtout quand, dans la foulée de la
tragédie, foisonnent des insistances dont il faut distinguer les unes
des autres. Parce que les réactions qui continuent d’alimenter
l’actualité sur la question, si elles se rejoignent dans l’apparence,
n’ont pas toutes les mêmes motivations. A tout seigneur tout honneur, il
y a d’abord l’essentiel des répliques qui ont été naturelles, à la
mesure du drame. Celle des Algériens sincèrement attristés, solidaires
et, bien entendu, indignés que de jeunes Algériens, partis pour une
soirée de joie et de détente, en perdent la vie. Ils ont dénoncé, à ce
titre, les défaillances graves dans l’organisation du spectacle et
demandé légitimement que les responsabilités de la catastrophe soient
établies et les responsables sanctionnés à hauteur de leur négligence
criminelle. Vient, ensuite, celle de l’autorité. Celle-là, on
l’attendait un peu, du fait qu’il n’y ait aucune raison qu’elle déroge à
la tradition. Condescendante dans la forme et plate sur le fond. Bien
sûr, on a viré le directeur de l’Onda. On ne sait pas si c’est le
communiqué qui a été mal rédigé mais tel que lu — ou résumé — à l’ENTV,
c’est la gestion de… l’après-drame qu’on reproche à M. Benchikh, pas
l’avant ! Quoi qu’il en soit, son limogeage était prévisible, il était…
là pour ça. S’il n’est pas le fusible innocent, l’opinion pouvait quand
même attendre une première mesure plus significative, moins… téléphonée.
La ministre de la Culture ? Pas question, manifestement. On ne renvoie
pas une ministre dans le « contexte » actuel. On la contraint à la «
démission », histoire de mettre un peu de vertu dans la grisaille.
Surtout quand sa tête est demandée avant ça ! Il paraît qu’on ne cède
pas à la pression et il y va de la logique des décideurs par rapport au
« gouvernement de compétences nationales » ! Il y a enfin ceux qui ne se
sont pas encombrés de questions. Ils ont été trouver le coupable facile
et surtout idéal, le chanteur en l’occurrence. Ils n’aiment pas sa «
liberté », ils lui reprochent des choses qui n’ont rien à y voir,
l’essentiel étant de dédouaner les organisateurs et la tutelle
politique. De ne pas s’être soucié de la sécurité de ses fans, d’avoir
trop de fans, de n’avoir pas arrêté le spectacle alors qu’il ignorait ce
qui s’était passé, de chanter du rap et, mouche sur la crotte plutôt que
cerise sur le gâteau, d’être un… ancien islamiste. Ils auraient aimé
qu’il le reste au lieu de se mettre au chant et faire des victimes !
Très commode, non ?
S. L.
S. L.