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Rubrique Contre poings

Farida Aït Ferroukh : le professeur qui vient de loin

Sa petite taille est en concurrence avec son cerveau.
Trop dense…
Quand on naît à l’hôpital Parnet, à Hussein-Dey, et qu’on pousse sur les rives de oued El-Harrach, le plus honteux cloître du monde, cerné par des tapis de verdure incroyable, on dort avec des questions.
On se réveille sans réponse ou rarement.
Née dans une grande famille ayant à sa tête un patriarche syndicaliste et lecteur compulsif, c’est tout naturellement qu’elle en est venue à aimer la littérature et la poésie, matières qu’elle analyse et enseigne aujourd’hui dans les universités parisiennes.
Sa maîtrise du kabyle l’a menée tout droit vers l’anthropologie.
Le kabyle était imposé par les parents à la nombreuse fratrie.
Il va lui falloir, tout de même, un sacré parcours de combattante pour atteindre le statut à la Sorbonne-Paris, cité qu’elle a étreinte il y a quelques années.
Le père, en éducateur interagissant, est-il fier de ce qu’est devenue sa fille ?
« Il ne le dit jamais. Pas directement mais il me le fait savoir », dit-elle.
Par exemple ses multiples interventions sur Berbère TV dérangeaient sa mère. Le père, énervé, recadré, alors la mère : « Elle n’est pas en train de danser ! »
C’est comme ça qu’il exprimait sa fierté.
Farida Aït Ferroukh, c’est l’histoire d’une petite fille d’Alger devenue grande grâce à une inépuisable énergie et de nombreuses et enrichissantes rencontres qui lui ont permis de se forger des convictions d’airain.
Tout a commencé peut-être avec le Printemps berbère 80. Elle était alors lycéenne à El-Harrach mais, libre ou libérée, elle s’est donné les moyens de le vivre de l’intérieur. Le risque en valait la chandelle puisque sa fréquentation assidue des animateurs du mouvement va l’aguerrir très tôt.
Très jeune, elle sait déjà les contours de son destin futur.
Sa rencontre avec Kateb Yacine dont elle a littéralement avalé l’œuvre qu’elle admirait, lui donne une sacré poussée dans le dos. Chercheuse en herbe, elle archive tout ce qui s’écrivait en ce temps.
Ce travail se concrétisera, quelques années plus tard, à la publication d’un recueil co-signé avec Nabil Farès, intitulé Poésie du tiroir qui est une véritable anthologie des textes épars, écrits par les étudiants militants du Printemps berbère.
Le père Aït Ferroukh a toujours fait confiance à sa fille. Quand je suis rentrée à l’école, il m’avait dit : soit ma ligne sinon démerde-toi. Si tu veux travailler tu le feras pour toi. Dans le cas contraire, tu rentres à la maison et tu te tapes le chiffon .»
Plus tard, il grondera ses frères qui n’ont pas apprécié qu’elle rentre en retard à la maison après son premier jour de fac.
L’histoire de Farida, c’est un peu celle de toutes les femmes algériennes qui ont dû fournir le double d’effort que leurs frères pour se bâtir une vie dans une société où les hommes s’octroyaient tous les droits.
Elle a ramé beaucoup, tenté un mariage qui a fini dans la douleur. Divorcée sans avoir de progéniture. Elle opte pour la solitude : « Mes enfants sont, je le sais désormais, mes livres ! », à vous enserrer le cœur…
Elle semble tout de même heureuse en s’accomplissant dans la recherche et l’écriture.
Dernier livre en date, un opus sur le groupe Debza à paraître à la rentrée chez Koukou Éditions.
Le divorce est un phénomène qui a dévasté ce qu’on appelle l’émigration culturelle, c’est-à-dire les dizaines de milliers de familles qui ont fui le terrorisme durant la décennie noire, pour se mettre à l’abri à l’étranger. Plus globalement en France.
Et en Algérie, combien sont-elles nos concitoyennes à subir le diktat des maris ou des pères et des frères ?
Le sort des femmes algériennes a toujours préoccupé Farida Aït Ferroukh qui a souvent recueilli leurs complaintes chantées.
Aujourd’hui elle s’estime libérée et pense définitivement que le mariage est un carcan. «  Les femmes comme moi font très peur, dit-elle. Je suis dans une autre vie... »
Kateb Yacine, auquel elle avait soumis ses premiers poèmes, lui a administré une petite leçon : « N’écoutez pas les gens. Si vous pensez que les hommes peuvent écrire sur vous, vous vous trompez. Il n’y a que les femmes qui peuvent écrire sur les femmes .»
Avec Yacine, Farida a appris la lucidité qui lui fait dire aujourd’hui à propos du Hirak  : «  Il m’a interpellée je ne sais pas où .»
M. O.

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