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Rubrique Contribution

Au sujet du site archéologique romain de Skassik

Par Mourad Betrouni
Je voudrais réagir, dans le registre de la contribution constructive, à un article paru dans les colonnes de votre journal — rubrique «Culture» — le 9 septembre 2018, sous l’intitulé «Le site archéologique romain de Skassik, ‘‘bientôt’’ répertorié sur la liste supplémentaire de la wilaya». Mon intervention ne concerne pas spécifiquement la wilaya de Chlef, mais profite du cas précis du site archéologique de Skassik pour discourir sur une problématique plus générale, celle de la protection des sites archéologiques en Algérie et de la confusion observée dans la lecture et l’interprétation des lois. Nous prenons, ici, comme point de départ le cas du projet «d’inscription du site archéologique romain de Skassik sur la liste supplémentaire de la wilaya, en vue de sa protection et sa valorisation». Nous annonçons, dès à présent, que la procédure d’«inscription sur l’inventaire supplémentaire», appliquée aux sites archéologiques, ne relève pas du niveau de compétence de la wilaya, d’une part, parce que le site archéologique n’a pas une portée locale, et d’autre part, parce qu’il n’a pas de propriétaire connu. C’est l’Etat qui est dépositaire – et non propriétaire – de sa protection et de sa transmission aux générations futures, au titre de la nation. Les difficultés rencontrées résident dans l’insuffisance d’appropriation des échelles de protection convenues lorsqu’il s’agit, surtout, des biens immobiliers archéologiques. C’est le cas surtout de cette mesure que l’on appelle l’inscription sur la liste de l’inventaire supplémentaire. Qu’est-ce que l’inscription sur l’inventaire supplémentaire, en fait, au regard de la loi n°98-04 portant protection du patrimoine culturel ? C’est tout juste «une mesure de protection d’un bien culturel qui, sans avoir le bénéfice du classement, jouit de tous les effets du classement pendant une durée déterminée qui ne dépasse pas dix ans». Si ce bien ne fait pas l’objet de classement définitif dans un délai de dix ans, il est radié de la liste dudit inventaire. Comment inscrire un bien sur l’inventaire supplémentaire ? La loi n°98-04, du 15 juin 1998, organise l’inscription sur l’inventaire supplémentaire sur deux niveaux, un premier niveau ministériel et un second niveau de wilaya. Lorsque le bien culturel renvoie à une valeur de portée nationale, c’est le ministre chargé de la Culture qui prononce, par arrêté, l’inscription sur l’inventaire supplémentaire, après avis de la Commission nationale des biens culturels. Lorsque le bien culturel renvoie à une valeur de portée locale, c’est le wali qui prononce, par arrêté, l’inscription sur l’inventaire supplémentaire, après avis de la Commission des biens culturels de la wilaya concernée. Ces deux mécanismes de l’inscription sur l’inventaire supplémentaire, l’un de portée nationale et l’autre locale, sont mis en œuvre au travers d’un choix et d’une appréciation des commissions habilitées et d’une procédure de notification et de publicité. Ces mécanismes, et c’est là le point essentiel, sont valables pour les autres catégories du patrimoine national, sauf pour la catégorie des sites archéologiques, qui relèvent de la stricte protection régalienne de l’Etat. L’article 16 de la loi domaniale n°90-30 stipule que «les sites archéologiques relèvent du domaine public artificiel». Le site archéologique (exemple site romain de Skassik), par sa nature même, dépasse l’échelle du choix, de l’appréciation et de la délibération nationales. Il est protégé de fait, par sa nature même. Pour s’en convaincre, je vous invite à consulter la loi n°90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale. Dans son article 16, «les sites archéologiques relèvent du domaine public artificiel». Dans la section 4, de la même loi, sur les épaves et trésors, il est stipulé : art. 55 : «Constituent des épaves tous objets ou valeurs mobilières abandonnés par leur propriétaire dans un lieu quelconque ainsi que ceux dont le propriétaire demeure inconnu. » Art. 57 : «Constitue un trésor tout objet ou valeur, caché ou enfoui, sur lequel nul ne peut justifier sa propriété et qui est découvert ou mis au jour par le pur effet du hasard.» Art. 58 : «Le trésor découvert dans une dépendance quelconque du domaine national appartient à l'Etat. La propriété de l'Etat s'étend également à tous les objets mobiliers ou immobiliers par destination, présentant, au titre de la législation en vigueur, un intérêt national du point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie : — découverts au cours de fouilles ou fortuitement, quelle que soit la condition juridique de l'immeuble où cette découverte a été faite ; — provenant de fouilles ou découvertes anciennes, conservés sur le territoire national ; — découverts au cours de fouilles ou fortuitement dans les eaux territoriales nationales. Toutefois les sujétions découlant de la conservation in situ des biens en question sur le propriétaire de l'immeuble, ouvriront droit à une indemnisation dans les conditions et formes prévues par la législation en vigueur.» Mais qu’est-ce que le site archéologique ? C’est la loi n°98-04 portant protection du patrimoine culturel qui en donne la définition légale. L’article 8 stipule que le site archéologique est «un espace bâti ou non bâti qui n’a pas de fonction active et qui témoigne des actions de l’homme ou des actions conjuguées de l’homme et de la nature, y compris les sous-sols y afférents et qui ont une valeur historique, archéologique, religieuse, artistique, scientifique, ethnologique ou anthropologique.» Le site archéologique est protégé de fait, comme nous l’avons déjà souligné, par sa nature même, au regard de la loi domaniale (articles 55, 57, 58). Il peut être également protégé par la loi n°98-04 portant protection du patrimoine culturel, au titre des monuments historiques, à travers la mesure de classement, en deux étapes : l’ouverture d’instance de classement (d’une durée de validité de deux ans, et le classement proprement dit, qui est une mesure de protection définitive. Le classement est un acte par lequel l’Etat impose aux propriétaires détenteurs ou occupants de ce bien culturel des servitudes et des obligations, en grevant l’utilisation ou la disposition. Il est un acte d’appropriation et de reconnaissance de la valeur patrimoniale de ce site, au titre du label «monuments historiques». Aussi, et s’agissant du «site archéologique romain de Skassik» et de tous les autres sites archéologiques réels ou potentiels, les mesures de leur protection et conservation relèvent des attributions régaliennes de l’Etat, au titre de la loi n°90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale et de la loi n°98-04 portant protection du patrimoine culturel. Nous n’avons abordé ici que la question du site archéologique dans sa signification juridique de bien culturel immobilier. Mais qu’en est-il, juridiquement, des biens culturels mobiliers retirés de ce site ? Ceci est une autre grande question.
M. B.

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