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Rubrique Contribution

De la sagesse dans les moments difficiles

Par Razika Adnani
Depuis quelques jours, l’Algérie endure des situations très difficiles : la Covid-19 qui fait de nombreuses victimes, les incendies qui ravagent des villages entiers tuant des hommes, des femmes et des animaux et le lynchage barbare et inhumain d’un homme, Djamel Bensmaïl, par une foule déchaînée au centre-ville de Larbaâ-Nath-Irathen. La scène du crime est insoutenable,  la peine des Algériens également. Beaucoup de tristesse, de douleur et de peur ont été exprimées.

Ces situations difficiles exigent de les affronter avec sagesse et la première des sagesses est de se mobiliser pour aider les victimes, ce que beaucoup d’Algériens font avec une grande générosité et un dévouement exemplaire. Il est cependant important de rappeler que les actions bénévoles ne doivent jamais avoir comme objectif de remplacer le rôle de l’État. Le peuple ne remplace jamais l’État. La deuxième est de s’éloigner de l’esprit complotiste. Il est destructeur sur tous les plans. La troisième est de réfléchir objectivement et d’analyser sérieusement les problèmes que traverse le pays pour en connaître les causes afin d’y remédier. Les causes qui ont fait que l’Algérie n’a pas assez de moyens pour se protéger contre les incendies. Celles qui ont fait que les Algériens n’expliquent plus les phénomènes naturels par des causes naturelles mais par des colères divines et des complots, avant toute enquête. Il faut que l’État veille au développement de l’esprit scientifique dans les écoles et au sein de la société. 

La foi dans le travail 
Ces épreuves que traverse le pays doivent être une occasion pour réaliser que seul le travail permettra aux Algériens de changer leur réalité et d’être maîtres de leur destin. Les pays qui sont plus développés nous devancent avec la foi qu’ils ont dans le travail. Les Algériens doivent savoir, même s’ils croient en Dieu, que c’est uniquement par le travail que leurs enfants auront de quoi manger et que leurs maisons seront belles. C’est uniquement par le travail qu’ils auront des routes propres, une industrie et une agriculture développées et des universités performantes. C’est uniquement par le travail que leur pays garantira son avenir parmi les nations et sera à l’abri d’une domination étrangère. Aucun pays n’a osé coloniser un autre pays qui est fort et développé ou n’osera le faire. Il faut en finir avec l’esprit victimaire. Un pays n’est pas colonisé parce qu’on le déteste mais parce qu’il est faible. 

Souveraineté de la loi 
Les pays développés que les Algériens admirent tant nous dépassent également par le respect qu’ils manifestent pour la loi. Sans la loi aucune société ne peut se construire et aucune sécurité n’est possible. L’horrible lynchage à mort de Djamel Bensmaïl est la conséquence de la perte de valeur de la loi qui fait que des individus veulent se faire justice eux-mêmes. 
Sur les réseaux sociaux, une terminologie tribale, comme la dya (le prix du sang) et le qisâs (loi du talion), remontant au VIIe siècle, a refait surface. Elle révèle l’ampleur des dégâts causés par le discours religieux qui a mis la main sur l’école et les médias oubliant que l’Algérie est un État et non un ensemble de tribus, qu’elle appartient au XXIe siècle et non au VIIe siècle et qu’elle est administrée par le droit, le même partout sur le territoire algérien. Un droit auquel personne ne doit se substituer.

L’humanisme comme valeur suprême 
Le degré de la civilisation d’une société se mesure par sa culture humaniste. L’humanisme qui fait que les individus s’interdisent de violenter l’autre, de lui mentir, de lui faire du mal ou de lui dérober ses biens, non pas parce qu’il est riche ou fort mais pour la simple raison qu’il est un être humain. 
L’humanisme qui fait que les individus ressentent de la répugnance à faire du mal à un animal ou à participer à la destruction de la nature. Croire en Dieu, c’est personnel. Aimer l’humain, c’est nécessaire pour soi et pour les autres. Les Algériens n’ont pas le choix.  S’ils veulent vivre bien dans une société où règne la sécurité comme ils le souhaitent, ils doivent faire de l’humanisme une valeur suprême.  

Rien ne justifie la violence 
Rien ne justifie la violence et, devant un acte aussi ignoble que l’assassinat de Djamel Bensmaïl, on ne peut pas dire que « c’est ainsi que cela se passe partout dans le monde ». Le faire, c’est vouloir présenter cet assassinat comme un phénomène normal. Prétendre que cet acte barbare n’est rien d’autre que « la preuve que l’Algérie est une société humaine comme toutes les autres », c’est chercher à justifier la violence, à la normaliser et à la faire accepter à la conscience. Alors que, d’une part, la violence doit être condamnée par principe et, d’autre part, un acte aussi sauvage se passe uniquement là où l’humain n’a pas atteint sa maturité ou là où l’humanité a reculé pour céder la place à la barbarie. Voilà ce qu’il faut rappeler comme l’ont fait beaucoup d’Algériens. 

Pour construire l’Algérie, il faut commencer par l’aimer
Pour construire l’Algérie, il faut commencer par l’aimer. Aimer l’Algérie, c’est aimer les Algériens : les membres de sa famille, ses voisins, les habitants de son quartier et de toute l’Algérie. Aimer l’Algérie, c’est aimer son histoire, celle qui est ancrée dans sa terre et cesser de vouloir emprunter celle des autres. L’histoire de l’Arabie appartient à l’Arabie. Elle n’est pas celle de l’Algérie. Seule l’histoire de l’Algérie rendra aux Algériens leur fierté et ils ont la chance d’en avoir une des plus belles avec ses racines très anciennes. Aimer l’Algérie, c’est aimer être Algérien. Il faut en finir avec le dénigrement de soi, le mal ancestral qui mine les populations du Nord de l’Afrique.   

Critiquer n’est pas dénigrer 
Aimer l’Algérie ne signifie pas prétendre que tout va bien quand les choses vont mal, mais simplement faire la différence entre critiquer et dénigrer. Celui qui critique pour dire que le peuple est débile et nul, qu’il n’y a rien à faire, que tout va mal et que tout est noir n’est pas dans une démarche de critique mais de dénigrement. L’Algérie connaît de grands problèmes mais dire que « ce pays est mort », non seulement n’est pas une façon de l’aider, mais ce n’est pas la vérité. L’Algérie n’est pas un pays mort. C’est un pays vivant avec sa nature splendide et ses hommes et ses femmes extraordinaires par leur générosité et leur intelligence qui ont besoin qu’on les encourage et qu’on reconnaisse leur valeur. 
On ne peut pas aider une personne à se construire en lui répétant constamment qu’elle ne vaut rien, qu’elle est nulle et détestable. Il en est de même pour un peuple. Le discours constamment négatif est néfaste.
R. A.


(*) Razika Adnani est philosophe et spécialiste des questions liées à l’islam. Elle est membre du Conseil d’orientation de la Fondation de l’Islam de France, membre du conseil scientifique du Centre civique d’étude du fait religieux (CCEFR), membre du groupe d’analyse de JFC Conseil et présidente fondatrice des Journées internationales de philosophie d’Alger.
De 2014 à 2016, elle donne des conférences à l’Université populaire de Caen de Michel Onfray sur le thème : «Penser l’islam». 
De 2015 à 2017, elle contribue aux travaux du séminaire «Laïcité et fondamentalismes» organisé par le Collège des Bernardins. De 2017 à 2018, elle rejoint l’Université permanente de Nantes pour donner un ensemble de conférences sur la pensée musulmane. En 2020, elle donne au Centre civique d’étude du fait religieux (CCEFR) un ensemble de conférences sur le thème : «La réforme de l’islam du XIXe siècle à nos jours».  
Pour Razika Adnani, une réforme de l’islam, tournée vers l'avenir, est nécessaire aujourd'hui plus que jamais pour un islam plus compatible avec les valeurs de la modernité et pour une meilleure cohabitation des musulmans avec autrui. 
Razika Adnani est auteure de plusieurs ouvrages dont Le blocage de la raison dans la pensée musulmane, Islam: quel problème ? Les défis de la réforme, La nécessaire réconciliation essai sur la violence et le dernier Pour ne pas céder, textes et pensées, recueil de textes, publié en 2021, ainsi que de plusieurs articles de presse.

 

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