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Rubrique Contribution

Djabelkhir, l’article 144 bis2 et la réforme de l’islam

Par Nacer Djidjeli 
J’ai suivi avec une attention mêlée de tristesse les joutes qui ont opposé l’universitaire Djabelkhir à une meute de vigiles gardiens de la bien-pensance religieuse et qui viennent de se conclure par la condamnation de ce premier à trois années de prison. L’objet du délit qu’a commis M. Djabelkhir ? Je vous rassure très vite, ce désaccord profond, impardonnable et qui ne pouvait se régler que devant les tribunaux, n’a porté ni sur comment sortir l’Algérie de la crise, ou comment adapter notre religion à son siècle, ou comment faire pour préserver la religion pour qu’elle ne soit utilisée ni par les uns ni par les autres à des fins politiques ou politiciennes, etc. Non, cet affront était beaucoup plus grave !!! 
En effet, il s’agissait, entre autres, de savoir si oui ou non fêter Yennayer était haram ou hallal et si les processions autour de la Kaâba et certains rites existaient avant l’islam ou non !!! Et ce qui aurait pu faire l’objet d’un simple débat académique (pourquoi pas ?) entre universitaires s’est terminé devant les tribunaux avec cette incroyable sentence de trois ans de prison contre Monsieur Djabelkhir. Oui, nous disons haut et fort qu’une société qui criminalise le débat intellectuel, qui n’accepte qu’une seule vérité, la sienne, est une société, morte, stérile et condamnée à la régression. Oui, les processions autour de la Kaâba et certains rites actuels en islam existaient déjà dans l’Arabie anté-islamique, tous les historiens dignes de ce nom le savent. Oui, c’est complètement surréaliste de discuter encore au XXIe siècle si fêter Yennayer est haram ou non quand des pays, y compris musulmans, se préparent à envoyer des hommes sur la planète Mars. Ceci étant dit, nous préciserons d’emblée que le but de cette contribution n’est pas de revenir sur les propos de M. Djabelkhir ou d’ouvrir un débat qui lui a été refusé, nous n’en avons ni la  compétence ni l’envie aussi. 
À la limite, qu’il y ait des hurluberlus qui pensent qu’il n’y a qu’une seule vérité, qu’ils la détiennent et qu’ils doivent l’imposer, cela s’est vu et se voit encore  dans  nombre de pays peu respectueux des droits de l’Homme, peu soucieux de la liberté de pensée et de conscience. Je vous rassure là aussi, notre pays ne détient pas l’exclusivité dans ce domaine et comme d’habitude nous ne faisons que copier nos grands frères arabes, notamment égyptiens et leur vénérable institution d’Al Azhar passée maître dans l’art de l’inquisition et de la chasse aux intellectuels libres. 
Des cohortes d’avocats aux aguets n’hésitent pas à traîner devant les tribunaux tout intellectuel qui essaierait d’amener un vent de fraîcheur et de modernisme à une religion qui, reconnaissons-le, en a grandement besoin. Ce qui m’intéresse le plus, c’est le pourquoi de cette ineptie qui n’augure rien de bon pour l’avenir de mon pays. Et à mon sens, l’explication se situe dans les textes eux-mêmes, à savoir le code pénal avec son article 144 bis 2, la Constitution de 2020, et, au risque de fortement déplaire…, le texte sacré lui-même, à savoir le Coran.
De l’article 144 bis 2 : Commençons par le code pénal avec son fameux article144 bis 2 qui dispose que : «Est puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 50 000 DA  à 100 000 DA, ou de l’une de ces deux peines seulement quiconque offense le Prophète (Paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen.» Évidemment, et ceci n’est pas fortuit, cet article, nous le voyons, est tellement vague et peu précis dans sa définition de l’atteinte à la religion et au Prophète qu’il ouvre la porte à toutes les interprétations et donne une arme imparable à un appareil judiciaire peu enclin à la tolérance et à l’indépendance pour étouffer toute velléité de débat ou d’opinion différente qui puisse faire progresser notre société et l’amarrer au vingt-et-unième siècle. Cette interdiction à peine déguisée de tout débat universitaire est une concession faite, comme d’habitude, par le pouvoir aux courants islamistes. 
D’ailleurs, si on doutait un peu des arrière-pensées du pouvoir, l’un de ses plus fervents serviteurs, à savoir M. Ghoulamallah, président du Haut-Conseil islamique, vient de déclarer, je le cite : «Tout Algérien se doit d’être musulman.»  Rien que ça !!! Ne reste que la sentence, pour savoir ce qu’on doit faire des Algériens qui ne le sont pas puisqu’on se doit tous d’être musulmans. Non, ce n’est pas Daech qui parle mais un homme deux fois ministre sous le règne corrompu du Président Bouteflika. Cet homme, actuel président du Haut-Conseil islamique, grassement payé avec l’argent du contribuable, n’a jamais, faut-il le rappeler, lui le  bon musulman, dénoncé ou dit un mot sur la corruption qui gangrénait le pays du temps où il était aux affaires, se contentant de profiter pleinement des largesses et des privilèges que lui octroyait la îssaba.
De la Constitution : Cet article 144 bis 2 est d’autant plus dangereux que la Constitution de 2020 a vu un net recul en ce qui concerne les droits de l’Homme. En effet, ceux-ci ne sont plus appelés droits de l’Homme mais droits fondamentaux, ce qui n’est  pas du tout la même chose (articles 34 et 35 de la Constitution). Autre élément d’inquiétude : la liberté de conscience inscrite dans toutes les Constitutions depuis 1976 n’y figure plus !!!  Ceci fait que l’application de ce fameux article 144 bis 2, ne trouvant aucun frein à son exécution, devient une arme redoutable aux mains des zélotes de tout bord pour museler toute velléité d’expression d’une opinion non labellisée par les tenants du dogme (lire à cet effet l’excellente analyse de Razika Adnani LSA du 25-2-21 ).
La réforme de l’islam : Si les deux premiers textes sont écrits par l’homme, donc censés être perfectibles ou abrogeables, la discussion concernant le texte sacré risque d’être beaucoup plus difficile. Et là, mon désaccord avec M. Djabelkhir est très profond. En effet, penser que pour sortir de «l’auberge», comme il le dit, il suffit, je le cite, «d’aller vers une réforme claire et assumée du discours religieux», est bien mais très peu réaliste à mon sens. Et là, l’Histoire nous apprend que réformer l’islam est, certes, un souhait très ancien, mais qui est resté au stade de vœu pieux, si je peux m’exprimer ainsi, et cela depuis des siècles. Beaucoup de mouvements réformateurs guidés par des érudits célèbres se sont évertués à atteindre cet objectif, sans résultat. Répondre au pourquoi de ces échecs successifs me semble absolument vital pour ne pas continuer dans une voie que j’estime sans issue qui est celle de vouloir réformer l’islam de l’intérieur. En effet,  peut-on réformer l’islam ? Que veut dire réformer l’islam ? Sachant qu’en islam, les  sources d’inspiration du dogme sont le Coran, les hadiths et ce qui se voudrait être leur corollaire, la charia, leur relecture contextualisée est-elle possible ? Peut-on se poser ces questions sans être taxé de mécréant ou d’hérétique ? 
Ce qu’il faut dire, c’est que les textes fondateurs de l’islam, le Coran et les hadiths, contiennent des dispositions et des injonctions où les salafistes djihadistes violents, prônant le djihad contre le reste du monde qui ne pense pas  comme eux, ou le salafiste quiétiste et le soufi pacifiste peuvent chacun trouver chaussure à leur pied, si je peux m’exprimer ainsi, pour justifier leur vision opposée de la religion et du monde. Certes, il y a des sourates, des versets et des hadiths  qui incitent à la tolérance, l’acceptation de l’autre, à l’égalité entre les hommes, mais il y en a autant, sinon plus, qui incitent à la violence, à l’intolérance et à la prééminence de l’homme sur la femme. Et cette ambiguïté, cette dualité est, je pense, la source de tout le mal qui ronge notre rapport à la modernité et au progrès dans un siècle où il n’est plus possible de continuer à considérer la moitié de l’humanité comme mineure à vie ou qu’il n’y a qu’une vérité et que nous la possédons. En effet, si on prend les salafistes djihadistes tekferistes, partisans d’un islam comme vérité unique ultime et qui doit s’imposer, y compris par la force, au monde entier, ils n’inventent rien, ils ne font que justifier leurs actes et leurs convictions en puisant dans un certain nombre de versets du Coran ou de hadiths violents, agressifs, misogynes et discriminatoires. Leur attitude et leur vision de la religion et du monde n’est pas inventée, elle s’inspire directement d’une lecture, certes littérale, mais de textes qui existent bien et ne sont nullement inventés. Alors que les salafistes quiétistes pacifistes et les musulmans soufis par exemple s’inspirent eux aussi de versets et de hadiths qui existent bien dans le Coran et qui prônent, quant à eux, tolérance, liberté de conscience, égalité entre les hommes, etc. Tout le problème à mon sens est là. Et c’est cette ambiguïté des textes, Coran ou hadiths, où on peut trouver une chose et son contraire, qui pose problème. Prenons quelques exemples en ce qui concerne la tolérance ou la violence et l’égalité homme-femme. Pour ce qui est de la tolérance et de la liberté de conscience, certaines sourates prônent effectivement ces deux qualités, comme la sourate II- verset 256 qui stipule : «Nulle contrainte dans la religion», ou la sourate XVIII- verset 29 qui dit : «La vérité émane de votre Seigneur, que celui qui le veut croie et que celui qui le veut soit incrédule.» Mais d’autres sourates en contradiction totale avec celles qu’on vient de citer existent et viennent contredire celles-ci. 
En effet, il est dit, par exemple, dans la sourate III- verset 19, «La religion auprès de Dieu est l’islam», ou «Ce jour, j’ai complété pour vous votre religion, et j’ai accompli ma grâce envers vous. J’agrée l’islam comme religion pour vous» sourate V- verset 3, ou encore «Quiconque recherche une religion autre que l’Islam, elle ne sera pas acceptée de lui, cet homme sera, dans la vie future, au nombre des incrédules » sourate III- verset 85. La sourate IX- verset 73  dit : «Ô Prophète, combats les incrédules et les hypocrites, sois dur envers eux » ou encore la sourate dite du Sabre sourate IX- verset 5 qui dit : «Après que les mois sacrés expirent, tuez les polythéistes où que vous les trouverez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la salat et acquittent la zakat, alors laissez-leur la voie libre, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux», ou enfin la sourate XLVII- verset 4 : «Lorsque vous rencontrez les incrédules, frappez-les à la nuque jusqu’à ce que vous les ayez abattus : liez-les fortement puis vous choisirez entre leur libération et leur rançon afin que cesse la guerre.»  
La sourate XXXXVII- verset 35 dit : «Ne faiblissez donc pas et n’appelez pas à la paix alors que vous êtes les plus élevés.»  Quant aux sourates 71- verset 26 et III- verset 85, elles disent respectivement : «Ne laisse sur la terre aucun habitant qui soit au nombre des incrédules» et «Le culte de celui qui cherche une autre religion n’est pas accepté».
Autre exemple, celui de l’égalité homme- femme de manière générale et plus particulièrement en ce qui concerne les règles de succession et d'héritage.
 Il est dit dans la sourate IV- verset 34 que «les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles» ou encore «Les hommes ont cependant prééminence sur elles, Dieu est puissant et juste» sourate II- verset 228 et «Si elles montrent une indocilité reléguez-les dans leur chambre à part et battez-les» dans la sourate IV- sourate 34.
On voit que la lecture du Coran nous confronte très vite à ce problème fréquent des versets contradictoires et ambigus contenus dans le Livre sacré. Nous n’avons pris que deux exemples qui posent problème à nos sociétés contemporaines sur la tolérance, la liberté de conscience et l’égalité homme-femme, mais cette liste est loin d’être exhaustive. 
Oui, le contenu du corpus (Coran, hadith, charia) pose problème. Et essayer de réformer l’islam sans prendre en considération cette dimension serait à mon sens comme si on appliquait un pansement sur une jambe de bois.
Maintenant, que faut-il faire ? Réformer ces textes? En refaire la lecture ? Peut-on «réformer» notre religion et toucher au corpus de celle-ci ? Les hadiths sont «créés» et ont été compulsés par l’homme, donc il ne serait pas à la limite blasphématoire de demander leur  révision. Et même si cela reste une entreprise difficile à faire accepter par les fidèles et les gardiens de l’orthodoxie, n’empêche qu’on a relevé ces derniers temps des tentatives de remise en cause de la véracité de certains hadiths. Mais peut-on toucher au Texte sacré incréé, le Coran, parole de Dieu s’il en est ? Peut-on dire à un musulman qui pense qu’il n’y a qu’une seule vérité, la sienne, de ne suivre que certaines sourates et de délaisser d’autres ? Une adhésion à la carte en quelque sorte ? 
En un mot, peut-on toucher au contenu du Texte sacré ? La majorité des musulmans étant persuadés que le Texte sacré est la parole de Dieu incréé, y toucher ou le rectifier  serait un véritable blasphème et s’apparenterait à une tentative de tahrif inacceptable. Dans ce cas, peut-on faire alors une relecture contextualisante du Texte sacré comme stipulé par bon nombre de réformateurs et certaines militantes du féminisme islamique ? Faire une relecture contextualisante du Coran sous-entend qu’on pourrait dire que telle ou telle sourate  ne serait valable que dans le contexte de sa révélation et si celui-ci a changé elle pourrait devenir obsolète. Là aussi, ceci reste inconcevable, car cela voudrait tout simplement signifier qu’une partie du Coran, étant donné que les temps ont changé, n’est plus valable. Dire que certaines sourates ont été révélées pour une conjoncture spécifique et devaient s’adresser à un clan ou une population particulière à un moment particulier est  contraire à la logique même du Texte sacré qui, pour la quasi-majorité des croyants, est censé être universel et intemporel. Ceci va à l’encontre des deux principes fondamentaux du Texte sacré, à savoir son intemporalité et son universalité qui font de lui et pour les musulmans un livre valable en tout lieu et en tout temps. Autre difficulté, le principe contenu dans le Coran des versets abrogeants (nâsikh) et de versets abrogés (mansûkh). Ce principe stipule que si deux versets se contredisent, c’est celui révélé par ordre chronologique en dernier qui doit être pris en considération. «Quand nous changeons un verset par un autre – et Allah sait mieux ce qu’Il révèle, ils disent : Tu n’es qu’un faussaire. Mais la plupart d’entre eux ne savent pas.» Sourate XVI – verset 101. Ou encore : «Si Nous abrogeons un verset ou si nous le faisons passer à l’oubli, nous le remplaçons par un meilleur ou un semblable. Ne sait-tu pas que Dieu est puissant sur toute autre chose ?» Verset II – sourate 106. Le verset II sourate 256 stipule, quant à lui, «Pas de contrainte en religion», est exemplaire pour la tolérance et le principe de liberté de conscience qu’il véhicule. Il se verrait malheureusement abrogé par d’autres beaucoup plus violents et intolérants mais révélés après lui, donc censés avoir plus de poids.
 Les versets les plus problématiques comme ceux violents ou discriminants vis-à-vis des femmes et l’héritage sont venus tous, malheureusement, en dernier durant la période médinoise. Ils sont donc censés avoir plus de crédibilité et devraient, en cas de litige, être retenus et faire jurisprudence. Faut-il annuler ou abroger ce principe de nasakh et mansoukh ? Certains penseurs musulmans le pensent. Mais le monde musulman est-il prêt à accepter cette démarche ? Apparemment non, là aussi, quand on sait que le Soudanais Mahmoud Muhammad Taha, pour l’avoir proposé, le paya de sa vie. Il fut en effet déclaré coupable d’apostasie et pendu le 20 janvier 1985.
Il ne faut pas se voiler la face, le Texte sacré contient des sourates où alternent l’explicite et l’ambigu, des versets clairs et d’autres qui le sont beaucoup moins. Le Coran lui-même confirme cela dans la sourate III, verset 7 qui dit : «C’est Lui qui a fait descendre sur toi le livre. On y trouve des versets clairs la mère du livre et d’autres figuratifs.» Nier cette difficulté que le Livre sacré lui-même annonce serait nier la réalité. N’oublions pas que les tentatives de réformer l’islam n’ont pas manqué dans les siècles passés mais force est de constater qu’aucune n’a abouti. Déjà entre le VIIe et le XIIe siècle, soufis, philosophes et théologiens s’interrogeaient librement sur le caractère créé ou incréé du Coran ouvrant la voie à une possible relecture ou même révision des textes sacrés. Que ce soit les mutazilites qui, dès le VIIIe siècle, insistaient sur le sens caché du Texte sacré, le libre arbitre du musulman et la possibilité de relecture du texte ou, plus récemment, des réformateurs comme Djamel Eddine El Afghani (1838-1897) ou Mohamed Abdou (1849-1905) pour ne citer que ceux-là, ils ont tous échoué. 
Les raisons à mon avis de ces échecs successifs  sont multiples : absence de clergé en islam qui pourrait unifier ou mener une réforme consensuelle ; multiplicité des écoles et des courants qui traversent l’islam, sunnites, chiites, musulmans ismaéliens, alaouites, druzes, ibadites pour ne citer que ceux-là. Le sunnisme lui-même est divisé en plusieurs courants souvent opposés. Les musulmans n’ayant pas d’identité homogène, il n’y a pas d’islam unique. Les schismes et les conflits politico-théologiques comme celui chiite et sunnite parfois terribles et sanglants y attenants n’ont pas pu être réglés depuis des siècles et persistent à ce jour. Multiplicité des origines et des langues aussi. Ne pas oublier que l’islam actuel est dominé par celui de l’Asie qui recense les quatre cinquièmes des musulmans du monde. Mais ces échecs sont dus aussi à l’esprit même de ces tentatives de réforme qui, toutes, voulaient se faire mais «à l’intérieur de l’islam», sans oser remettre en cause le contenu du Texte sacré ni les hadiths. D’ailleurs, beaucoup de ces réformateurs pensaient que les malheurs du monde musulman venaient tout de même de l’abandon d’une partie de la loi islamique et que le système démocratique occidental n’était pas transposable en terre d’islam. Des dizaines, pour ne pas dire des centaines de noms illustres ont essayé par le passé de réformer l’islam mais ils ont tous échoué. 
Cet échec est dû essentiellement, nous le pensons, au fait que toutes ces tentatives de réforme étaient faites tout en acceptant l’arrière-pensée que la religion devait régir la société et qu’il suffisait uniquement de faire une relecture du Texte sacré ou de le réagencer pour que cette réforme ait lieu. 
Ces problèmes de violence, d’intolérance et de misogynie ne sont pas spécifiques à l’islam, on les retrouve dans toutes les religions monothéistes et même dans le bouddhisme et l’hindouisme. Et l’exemple de la Birmanie où le massacre des Rohingas parce qu’ils sont musulmans se fait avec l’aval des moines bouddhistes est très édifiant. 
Toutes les religions monothéistes comportent leur part de lumière avec amour du prochain, tolérance, égalité entre les hommes mais aussi leur part de ténèbres et d’obscurité avec incitation à l’intolérance, la violence, la prééminence de l’homme sur la femme, etc.
Pour ne citer que le christianisme, l’histoire de cette religion est parsemée de violence, de guerres, d’intolérance, très bien illustré dans les deux faces de la Bible, le Cantique des Cantiques, véritable ode à l’amour et à la tolérance, et l’Apocalypse de Jean, véritable appel au meurtre de tout ce qui est différent. Mais cette religion a fait son autocritique et depuis est arrivée à admettre qu’elle devait impérativement se poser les vraies questions pour se mettre au diapason des exigences de la société moderne. Difficilement et tardivement certes, mais l’Église catholique, infaillible et intransigeante d’alors, accepte, après le concile Vatican II, de se rallier aux droits de l’Homme et à la démocratie. Mais malgré cela et sur beaucoup de questions d’actualité, l’Église, dont le poids du magistère reste très lourd, continue à adopter des attitudes rétrogrades, en décalage avec la société. Ce qui a permis d’apaiser les sociétés occidentales, c’est la séparation du religieux de la politique. Qu’on l’appelle laïcité ou autre, cela importe peu, l’important, c’est ce qu’elle nous ramène. «Importe peu la couleur du chat pourvu qu’il attrape la souris», disait Mao. Beaucoup de penseurs musulmans ont déjà suggéré que cette séparation du politique et du religieux pouvait être une idée salvatrice. À l’exemple d’Averroès ou d’Ibn Rochd qui a été un précurseur de cette pensée laïque. Né à Cordoue en 1126, il est reconnu comme étant le fondateur de ce principe de séparation entre politique et religion. Grand commentateur de l’œuvre d’Aristote, il cherche à séparer la foi, la science et la politique. Sa pensée inquiète à l’époque ses coreligionnaires, ce qui lui vaut d’être exilé et ses livres brûlés par les autorités musulmanes de l’époque. Sa pensée novatrice lui attira aussi l’ire des Occidentaux, en proie, alors, à de graves conflits de religion, d’inquisition et qui le traiteront d’hérétique, d’athée et de libertin à l’époque. Triste retournement de l’Histoire et preuve de la régression du monde arabo-musulman : l’Occident chrétien a adopté et appliqué par la suite cette pensée qui venait d’un musulman, alors que nous, nous continuons notre déni et notre fuite en avant... Dans un pays comme les États-Unis, la religion est omniprésente dans la société, le président, lors de son investiture, jure même sur la Bible, mais l’État et les institutions sont neutres et les fondamentaux, à savoir droits de l’Homme, liberté de conscience, droit civil, pour ne citer que ceux là,  font consensus et sont respectés par tout le monde.
 C’est vrai que trop souvent encore dans nos sociétés cette séparation du politique et de la religion suscite incompréhension et rejet car assimilée, à tort, à l’athéisme, à un rejet de la religion ou tout simplement parce que ce serait un concept occidental inapplicable chez nous. Et là, notre responsabilité est grande, nous nous devons de faire un véritable travail de pédagogie pour expliquer à nos concitoyens que cette séparation au contraire est à même de préserver leur religion en la mettant à l’abri des manœuvres politiciennes et des violences qu’on commet en son nom. On appelle à l’ijtihad et à la réforme de toutes parts depuis des siècles, sans résultats probants,  il faut le reconnaître. Et je crois que le seul ijtihad intéressant que l’on puisse faire, c’est de réfléchir comment arriver à séparer le citoyen du croyant et le temporel de l’intemporel. Il faut se résoudre à admettre que charia et droit positif ne feront jamais bon ménage car cela reviendrait à essayer de rationaliser la foi qui, par définition, relève de l’irrationnel. 
En conclusion, je dirais que, non, l’islam n’est pas réformable. Cela fait plus de quatorze siècles que nous essayons de réformer l’islam de l’intérieur et que, au grand bonheur de l’Occident, nous accumulons échec sur échec. 
Il faut une nouvelle démarche qui sépare ce qui est politique, culturel, social d’avec la croyance religieuse de tout un chacun. Il est urgent d’agir, car, sans cette lecture nouvelle et salvatrice, l’islam restera prisonnier de la violence et des pouvoirs politiques de tout bord… 
N. D.

 

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