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Rubrique Contribution

La bataille d’Iamorène

De gauche à droite : Idir Balit, vice-président de l’APC d’Ighram, Arab Agsous, Moussa Ibaliden, président de l’APC, Djoudi Atoumi, Abderrahmane Harkouk, Madjid Khatri, Abdelmadjid Azzi, Mohand Larbi Mezouari et Mohand Idir Issekonen, vice-président de l’APC.

Un nom évocateur qui symbolise l’une des batailles les plus importantes, engagées par l’ALN, au douar Ighram lequel est situé à peine à une dizaine de kilomètres d’Akbou, une ville de garnison. Elle a impliqué plusieurs villages, en particulier Iamorène, Ighil-Nacer et Iguervane. Cette bataille mémorable a débuté le vendredi 27 juin 1958, en fin de journée, par un bref accrochage près du village d’Ighil-Nacer, entre un détachement ennemi et les éléments de la première compagnie du bataillon de choc de la Wilaya III. Or, après cette escarmouche, intervenue par hasard, et au lieu de quitter le secteur à la faveur de la nuit pour éviter l’affrontement, envisagé sans nul doute pour le lendemain par un adversaire qui aura eu ainsi le temps de mobiliser des moyens autrement plus importants, la compagnie, commandée par l’adjudant Arrouche, dit « Ali Baba », a pris le risque d’affronter les forces ennemies en occupant la crète au-dessus du village d’Iamorène, situé sur les hauteurs du douar Ighram, où elle est accueillie par une population toujours disponible et totalement acquise.
D’ailleurs, en prévision d’un lendemain qui s’annonce très chaud, et faisant preuve d’un courage exceptionnel, les habitants de ce village, déjà éprouvés par les nombreux ratissages visant régulièrement le douar Ighram, se sont mobilisés durant une grande partie de la nuit, pour préparer le repas des djounoud. En effet, le lendemain, dès l’aube, après avoir reçu des renforts durant toute la nuit, l’ennemi a bouclé le douar, en déployant plusieurs bataillons, dans le but d’éliminer tous les combattants qui s’y trouvent, notamment ceux accrochés la veille à Ighil-Nacer. C’est ainsi que seront alignées : une compagnie de 120 hommes et la section du secteur composée de 35 hommes, face à une armada constituée de plusieurs bataillons soutenus par l’aviation et l’artillerie. Un rapport de force largement en faveur de l’adversaire, qui ne fera qu’une bouchée de nos combattants. Une fatalité qui, cependant, ignore la foi inébranlable, le courage et l’abnégation qui animent nos combattants engagés pour une noble cause et à laquelle ils sont prêts à sacrifier leur vie. 
En attendant le début des combats, la compagnie occupe la crête au-dessus d’Iamorène, tandis qu’en contrebas, la section du secteur, ayant déjà pris position à l’abri de l’oliveraie d’Iguervane, attend de pied ferme l’arrivée des premiers assaillants. Avant d’ouvrir le feu, nos djounoud, bien abrités derrière des casemates de fortune, les laissent s’approcher le plus possible, pour un affrontement presque corps à corps, empêchant ainsi l’aviation d’intervenir. Le choc est brutal. Le combat d’une violence extrême est alors engagé et où chaque combattant s’acharne à défendre fermement sa position. La première compagnie du bataillon, une unité d’élite aguerrie, fortement armée, oppose une forte résistance en repoussant les vagues successives d’assaillants dopés par de la gniole, un stimulant à base d’alcool et d’anabolisants.
Vers onze heures, le colonel commandant les unités en opération, usant d’un porte-voix et après avoir rendu hommage à nos combattants et flatté leur bravoure, lance un ultimatum leur demandant de déposer les armes et les invitant à se rendre avant midi, faute de quoi des moyens autrement plus persuasifs seront alors mis en œuvre. Or, à l’heure prévue, constatant que l’ultimatum n’a eu aucun effet sur leur détermination à poursuivre le combat, un déluge de feu et de fer s’est alors abattu sur le vaste champ de bataille, englobant Iamorène et Iguervane, subitement transformés en fournaise par l’usage intensif du napalm. Cette arme dévastatrice, non conventionnelle, utilisée pour la première fois dans le secteur, a embrasé les oliviers centenaires et transformé en torche humaine beaucoup de nos vaillants combattants. L’arrivée en force des avions T6, des bombardiers B 29, des chasseurs anglais et des hélicoptères ont, par leur nombre, occupé le ciel au point de l’assombrir en plein jour. 
Les vagues successives de bombardiers larguent leurs bombes et mitraillent en même temps les positions occupées par nos djounoud avec une telle intensité qu’il est vain d’espérer retrouver des survivants. Dès lors, et fort de cette conviction, l’ennemi, déployé en tirailleurs, avance sur un terrain entièrement dévasté avec des arbres calcinés et des trous d’obus béants, persuadé d’être seul sur le terrain. Mais, au moment où il s’y attend le moins, il est alors accueilli par un feu nourri suivi d’un corps à corps qui ne lui laisse aucune chance de repli. Des dizaines de soldats jonchent alors le sol, offrant ainsi l’occasion à nos djounoud de s’emparer de leurs armes et des munitions. Le combat reprend alors de plus belle, alterné par les bombardements, jusqu’au moment où survient une scène ahurissante montrant des soldats ennemis, à court de munitions, courir éperdument se retrancher à l’intérieur des maisons avoisinantes, vidées de leurs occupants, en attendant d’être approvisionnés par les hélicoptères. Une trêve providentielle que les djounoud mettent à profit pour se réorganiser et se mettre à l’abri des assauts de l’aviation en attendant la nuit. 
Les combats n’ont cessé qu’après la tombée de la nuit. Les habitants du village d’Iamorène et d’Iguervane ayant vécu, eux aussi, le déluge de fer et de feu, en même temps que les djounoud, ont fait preuve d’un courage admirable et d’un dévouement exemplaire en dépit des nombreuses pertes et destructions subies. Le responsable du service de santé du secteur, Mohand Larbi Mezouari, présent durant ces combats, s’est vaillamment employé à sauver des vies humaines en prodiguant des soins d’urgence aux nombreux blessés et brûlés, avant de faire acheminer les plus graves vers l’hôpital de l’Akfadou où nous les avions accueillis et soignés. 
Le bilan est très lourd. Trente djoundis ont perdu la vie, parmi eux le chef de compagnie, l’adjudant Arrouche. Puis, après avoir rassemblé les blessés, notamment ceux pouvant se déplacer, les djounoud de la compagnie et ceux de la section se réorganisent pour rompre l’encerclement avant de quitter le secteur à la faveur de la nuit, suivis par les fusées éclairantes, lancées par l’ennemi. Quant aux soldats français, n’ayant plus la couverture aérienne pour assurer leur protection, ils sont dès lors contraints de garder leur position en installant un bivouac pour la nuit. 
Dans cette bataille mémorable, l’ennemi a manifestement perdu beaucoup d’hommes. Selon des témoignages dignes de foi, recueillis auprès de la population, plus d’une centaine de soldats auraient péri. Et pour preuve, celle-ci a observé, durant toute la journée du lendemain, la noria d’hélicoptères qui n’a cessé d’évacuer les morts et les blessés vers les hôpitaux d’Akbou, Béjaïa et Sétif.
Ce jour-là, nos combattants ont remporté une victoire retentissante. Ils ont réussi l’incroyable gageure de mettre en échec le plan d’anéantissement des djounoud présents sur les lieux, mis en œuvre par des forces supérieures en nombre et en moyens d’intervention, et de leur infliger des pertes sévères. Ce grand moment de gloire témoigne, à l’évidence, du lourd sacrifice consenti par nos combattants et par les hommes et les femmes du douar Ighram, pour arracher l’indépendance de notre pays. Il constitue pour eux, comme pour toute la population de la région, un motif de fierté, rappelant, pour mémoire, les nombreux affrontements dont furent le théâtre ce douar et ses dix-sept villages, et où la première grande bataille avait déjà eu lieu, le 21 janvier 1956, au village martyr d’Ath-Amar-Ouzegane. Gloire éternelle à nos chouhada.
Abdelmadjid Azzi

 

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