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Rubrique Contribution

La bataille d’Iamorène, il y a 61 ans

Abdelmadjid Azzi
Un nom évocateur qui symbolise l’une des plus importantes batailles engagées par l’ALN, au douar Ighram (près d’Akbou). En réalité, elle a impliqué plusieurs villages, particulièrement Iamorène, Ighil Nacer et Iguervane. Cette bataille mémorable a débuté près du village d’Ighil Nacer, le soir du vendredi 27 juin 1958, par un bref accrochage entre un détachement ennemi et la première compagnie du bataillon de choc de la Wilaya III.  Cependant, après cette escarmouche, au lieu de quitter le secteur, à la faveur de la nuit,  afin d’éviter l’affrontement, sûrement programmé pour le lendemain, par l’adversaire qui aura eu ainsi le temps de  mobiliser des moyens autrement plus importants, la compagnie a donc fait le choix d’affronter les forces ennemies en se postant au-dessus du village d’Iamorène, situé sur les hauteurs du douar Ighram, où elle est accueillie par une population totalement acquise. 
En prévision d’un lendemain qui s’annonçait très chaud, et faisant preuve d’un courage exceptionnel, les habitants de ce village, déjà éprouvés, se sont mobilisés  durant une grande partie de la nuit, pour préparer la nourriture des djounoud. En effet, le lendemain à l’aube, après avoir reçu toute la nuit des renforts, l’ennemi a déployé plusieurs bataillons en vue de  boucler le douar en l’encerclant de toutes parts. Son but est clair. Il vise l’élimination totale de tous les combattants qui s’y trouvent, notamment ceux accrochés la veille à Ighil Nacer. A cet égard, est-il possible, au demeurant,  qu’une compagnie de 120 hommes et une section de 35 hommes puissent, sans crainte, faire face à une armada, estimée à 5000 soldats, soutenue par l’aviation et l’artillerie ? 
Logiquement,  le rapport de forces étant largement avantageux pour l’adversaire, celui-ci ne fera qu’une bouchée de nos combattants. 
Une fatalité qui, cependant, ignore la foi inébranlable, le courage et l’abnégation qui anime nos combattants engagés pour une  noble cause et à laquelle ils sont prêts à sacrifier leur vie. 
En attendant le début du combat, les djounoud de la compagnie occupent la crête au-dessus d’Iamorène, tandis qu’en contrebas, la section du secteur, ayant déjà pris position à l’abri de l’oliveraie d’Iguervane, attend de pied ferme l’arrivée des premiers assaillants.  Le choc est violent.          Le combat est alors engagé pendant lequel chaque combattant défend sa position avec acharnement. 
La première compagnie du bataillon, une unité d’élite aguerrie, fortement armée, résiste bien et repousse les vagues successives d’assaillants dopés par la gnôle, un stimulant à base d’alcool et d’anabolisants.
Vers onze heures, usant d’un porte-voix, le colonel commandant les unités en opération, après avoir rendu hommage à nos combattants et flatté leur bravoure,  lance un ultimatum en les invitant à se rendre avant midi, faute de quoi des moyens plus persuasifs seront alors mis en œuvre. Or,  à  l’heure prévue, constatant que l’ultimatum n’a eu aucun effet sur leur détermination à poursuivre le combat, un déluge de feu et de fer s’est alors abattu sur le vaste champ de bataille, englobant Iamorène et Iguervane, subitement transformés en fournaise par l’usage intensif du napalm. 
Cette arme dévastatrice, non conventionnelle, utilisée pour la première fois, a embrasé des oliviers centenaires et transformé en torches humaines beaucoup de nos vaillants combattants. Les avions T6, les  bombardiers B29, les chasseurs anglais et les hélicoptères, arrivés en force, ont occupé le ciel. Ils sont tellement nombreux qu’ils ont, selon des témoins oculaires «assombri le ciel».
Les vagues successives de bombardiers larguant des bombes et mitraillant les positions occupées par nos djounoud avec une telle férocité, qu’il est vain d’espérer  trouver encore des survivants. C’est ainsi que, fort de cette conviction, l’ennemi, déployé en tirailleurs, avance de nouveau au milieu des arbres calcinés et des trous d’obus béants, persuadé d’être seul sur le terrain. Puis, au moment où il s’y attendait le moins, il est accueilli par un feu nourri, faisant des ravages dans ses rangs, dans un corps-à-corps qui ne lui  laisse aucune chance de repli. Des dizaines de soldats jonchent le sol offrant ainsi l’occasion à nos djounoud de s’emparer de leurs armes et même de leurs vêtements. Le combat reprend alors de plus belle, alterné par les bombardements visant les foyers de résistance, jusqu’au moment où survient une scène ahurissante montrant des soldats ennemis, à court de munitions, courir éperdument se retrancher à l’intérieur des maisons avoisinantes, désertées par leurs habitants, en attendant d’être approvisionnés par les hélicoptères. Une trêve providentielle dont les djounoud profitent pour se réorganiser et changer de position pour mieux résister aux assauts de l’aviation, en attendant la nuit. 
Les combats se sont poursuivis avec la même violence et n’ont cessé qu’après la tombée de la nuit. Les habitants du village d’Iamorène et d’Iguervane, voués au déluge de fer et de feu, en même temps que les djounoud, ont fait preuve d’un admirable courage et d’un dévouement exemplaire en dépit des nombreuses pertes et destructions subies. Le courageux responsable du service de santé du secteur, Mohand Larbi Mezouari, présent durant ces combats, s’est employé à sauver des vies humaines en prodiguant des soins d’urgence aux nombreux blessés et brulés, avant de faire acheminer les plus atteints vers l’hôpital de l’Akfadou où nous les avions accueillis et soignés. 
Après une longue journée d’un combat féroce, le bilan est très lourd. Trente djounoud ont perdu la vie, parmi eux l’adjudant Arrouche dit «Ali Baba», chef de la première compagnie du bataillon de la Wilaya. Puis, après avoir rassemblé les blessés, notamment ceux pouvant se déplacer, les djounoud de la compagnie et ceux de la section se réorganisent et rompent l’encerclement en quittant le secteur à la faveur de la nuit, suivis par les fusées éclairantes à parachute, lancées par l’ennemi. 
Quant aux soldats français, n’ayant plus la couverture aérienne pour assurer leur protection, ils sont dès lors contraints de garder leurs positions en installant un bivouac pour la nuit. Ils ont, de toute évidence, perdu beaucoup d’hommes. Car, selon des témoignages dignes de foi, recueillis auprès de la population, au moins une centaine de soldats français aurait péri. Et pour preuve, celle-ci a observé, durant toute la journée du lendemain, la noria d’hélicoptères qui n’a cessé d’évacuer les morts et les blessés vers les hôpitaux d’Akbou, Béjaïa et Sétif. Ce jour-là, nos combattants ont remporté une victoire retentissante. En ayant d’abord réussi à résister héroïquement contre une force bien supérieure, tant en nombre qu’en moyens d’intervention, et en lui infligeant des pertes considérables, mettant ainsi en échec son objectif majeur : celui d’anéantir  tous nos combattants pour ne laisser aucun survivant.
Ce grand moment de gloire témoigne, à l’évidence, du lourd sacrifice consenti par les hommes et les femmes du douar Ighram, pour arracher l’indépendance de notre pays. 
Il constitue pour eux, comme pour toute la population de la région, un motif de fierté, rappelant, pour mémoire, les nombreux affrontements dont  fut le théâtre ce douar et ses dix-sept villages, et où la première grande bataille avait déjà eu lieu, le 21 janvier 1956, au village d’Ath Amar Ouzegane. Gloire éternelle à nos chouhada.
A. A.

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