«On mange tout ce qui a quatre pattes sauf les tables, tout ce qui vole sauf les avions et tout ce qui nage sauf les bateaux.»
(Proverbe chinois de Canton)
L’étrange marché aux poissons de Wuhan
La découverte des premiers cas de maladie a été faite chez des
commerçants du marché aux poissons Huanan, dans la localité de Wuhan, au
centre de la Chine. En effet cet étrange marché constitue une ménagerie
où sont mêlés aux poissons et fruits de mer toutes sortes d’animaux
abattus puis séchés ou congelés et soumis à la vente illégale. On y
trouve pêle-mêle des animaux tels que renards, rats, crocodiles,
serpents, porcs-épics, chauves-souris… et même de la viande de chameau.
Ce marché a été fermé en décembre dernier, après la découverte des
premiers cas. La ville de Wuhan, métropole de plus de 10 millions
d’habitants, d’où est partie l’épidémie, est actuellement mise en
quarantaine. Ainsi, les autoroutes d’accès à cette métropole sont
coupées, les bus, les métros, les trains et les avions ont été
suspendus. Une ville «pestiférée», à cause d’un nouvel arrivant ou
plutôt intrus. Le nouvel arrivant s'appelle «2019-nCoV». Au jour
d’aujourd’hui, 6 000 personnes ont été infectées à travers le monde
(dont 5 974 en Chine) et 132 autres sont mortes. Cette nouvelle maladie
qui frappe la Chine se présente sous la forme d'un coronavirus jamais
identifié auparavant. A défaut d'en savoir plus sur les caractéristiques
exactes de «2019-nCoV», que sait-on de cette catégorie de maladies ?
Plusieurs pays, parmi lesquels les Etats-Unis, le Japon, la France et
également l’Algérie, ont engagé des opérations de rapatriement de leurs
ressortissants présents en Chine, en particulier dans les zones
endémiques.
Les scientifiques chinois auraient séquencé (décrypté) le génome du
virus «2019-nCoV». Pékin et Moscou collaborent activement dans le
développement de tests express pour détecter dans l’organisme, en deux
heures de temps, la présence du nouveau coronavirus ainsi que le
développement d’un vaccin. Les autorités chinoises se sont donné 10
jours pour construire un hôpital et son inauguration est prévue pour
aujourd’hui. Un incroyable défi chinois face au nouveau coronavirus.
Un septième virus s’ajoute à la famille des coronavirus. Lesquels se
transmettent à l'humain ?
Observée avec un microscope électronique, la famille des coronavirus
a l’apparence d’une couronne solaire. Cet agent infectieux présente de
petites protubérances en forme de massue et qui se situent sur son
enveloppe. Sur le plan génétique, le coronavirus a la particularité
d'être un virus de très grande taille, si bien qu'il s'agit du plus long
génome ARN (acide ribonucléique) viral jamais découvert.
Avec le nouveau coronavirus, le «2019-nCoV», ce sont maintenant 7
coronavirus qui se transmettent à l'être humain : «HCoV-229E» et «HCoV-0C43»,
tous deux découverts dans les années 1960 ; le «Sars-CoV» ; le «HCoV-NL63»
découvert en 2004, aux Pays-Bas ; le «HCoV-HKU1», découvert en 2005 à
Hong-Kong et enfin le «MERS-CoV» découvert en 2012, au Moyen-Orient. Le
coronavirus a la particularité de pouvoir muter (se modifier pour
s’adapter) très facilement, ce qui inquiète les autorités au sujet du
«2019-nCoV». En effet, les coronavirus ne possèdent pas de système de
correction d'erreur au moment de la réplication (reproduction) de leur
ARN pouvant ainsi engendrer, de façon aléatoire, des mutants plus ou
moins virulents.
Chez l'Homme, les coronavirus sont à l'origine de pathologies
pulmonaires, plus précisément d'une infection respiratoire plus ou moins
grave, qui s'accompagne parfois de gastroentérite. D’autres signes tels
qu’un écoulement nasal, des maux de crâne, de la toux, sont rencontrés
dans la plupart des infections à coronavirus courants, comme les «229E»,
«NL63», «OC43» et «HKU1», et n'entraînent que des symptômes bénins selon
le Centre de contrôle des maladies et de prévention aux Etats-Unis.
Caractéristiques des coronavirus les plus virulents
En attendant des données plus poussées concernant le nouveau
coronavirus, le «2019-nCoV», identifié en décembre 2019, nous évoquerons
les deux coronavirus les plus connus pour leur agressivité chez l’Homme.
Il s’agit du nouveau coronavirus causant le syndrome respiratoire aigu
sévère («SRAS-CoV»), découvert en 2004, et le nouveau coronavirus
causant le syndrome respiratoire au Moyen-Orient («MERS-CoV»), découvert
en 2012. Ensuite est venu récemment le nouveau coronavirus, en décembre
2019, en Chine, le «2019-nCoV». L’importance d’un rappel historique, à
ne pas perdre de vue, est lié au fait que les deux virus «2019-nCoV» et
«MERS-CoV» sont «cousins» (80% de similitude génétique).
Des animaux sauvages et domestiques semblent constituer des réservoirs
et des vecteurs de ces virus. La chauve-souris et le chameau seraient
respectivement un «réservoir» et «transmetteur» du coronavirus associé
au syndrome respiratoire au Moyen-Orient («MERS-CoV»). Quant au nouveau
coronavirus «2019-nCoV», responsable de l’épidémie ayant éclaté au
marché aux poissons de Wuhan, en Chine, il semblerait que le
transmetteur soit le serpent. Ce dernier est un des principaux
prédateurs de la chauve-souris. En effet, l’analyse génétique des
souches de coronavirus isolées à partir de certains serpents montrent un
nouveau variant ayant de grandes similitudes avec le coronavirus isolé
de la chauve-souris.
Le nouveau mutant coronavirus «2019-nCoV» serait la combinaison virale
«chauve-souris-serpent»). Des serpents vendus, bien sûr, sur le marché
aux poissons de Wuhan. A noter que l’analyse des poissons de ce marché
n’ont montré aucune infection par le coronavirus.
Le syndrome respiratoire aigu sévère lié au coronavirus (SRAS-nCoV)
En ce qui concerne cette pathologie, le nouveau coronavirus (nCoV)
est un cousin du virus causant le Syndrome respiratoire aigu sévère
(SRAS) dont l'épidémie de 2002-2003 avait tué plus de 800 personnes dans
une douzaine de pays. Le nCoV appartient à la même famille, mais est
relativement différent sur le plan génétique.
La grande famille des coronavirus est reconnaissable grâce à la couronne
que portent ses virions. Les membres de cette famille de virus peuvent
provoquer aussi bien des maladies bénignes (rhumes, gastro-entérites)
que de graves syndromes respiratoires, comme le SRAS. Ils peuvent
toucher aussi bien les humains que les animaux.
Le nCoV et le SRAS ont un point commun : ils peuvent provoquer de graves
infections des voies respiratoires basses (les poumons) et de la fièvre.
Le CoV déclenche, en plus, une insuffisance rénale d’évolution rapide.
Le nombre relativement faible de cas confirmés des infections à CoV
démontre que sa transmission est lente.
Le syndrome respiratoire du moyen-orient lié au coronavirus (MERS-CoV)
Le syndrome respiratoire du moyen-orient (Middle East Respiratory
Syndrome, ou MERS), causé par le coronavirus (CoV), avait fait, en 2012,
de nombreux morts dans la péninsule Arabique et la région du
Moyen-Orient. Des recherches nous ont orientés vers un animal domestique
et compagnon des hommes qu’est le chameau. Certains de ces animaux sont
porteurs du coronavirus et semblent constituer le réservoir du virus qui
est transmis à l’homme. Aussi notre vaste désert algérien où le chameau
constitue un élément important de la vie bédouine doit nous inciter à
explorer, sur le plan scientifique, l’état sanitaire de ce cheptel.
Les origines ou réservoirs des coronavirus
La chauve-souris semble être l'animal «réservoir» du virus car le
CoV présente de grandes ressemblances avec un virus de ce petit rongeur.
Cependant, il est peu probable que le CoV soit passé directement de la
chauve-souris à l'homme, car les cas de morsure sont rares. Les
scientifiques cherchent un autre transmetteur et n'écartent pas la piste
animale.
De fortes suspicions concernent le chameau qui serait impliqué dans la
transmission de la maladie. En effet en août 2013, des chercheurs
avaient désigné des chameaux saoudiens comme de possibles porteurs de ce
virus, qui avait déjà fait à cette époque 53 morts dans le royaume, deux
au Qatar et une à Oman. En novembre 2013, le ministère saoudien de la
santé annonce qu'un chameau (dromadaire), dans la province de Djeddah, a
été testé positif au coronavirus et serait ainsi le premier cas d'animal
infecté par ce virus. Il avait été précisé que le chameau appartenait à
un habitant porteur du syndrome respiratoire MERS.
Les laboratoires saoudiens tentent d’isoler le virus pour comparer sa
structure génétique à celle du patient.
Depuis, 3 dromadaires sur un troupeau d’une grange de 14 camélidés se
sont révélés positifs au coronavirus MERS. Les animaux atteints étaient
asymptomatiques ou présentaient des symptômes bénins. Ces résultats
démontrent bien que le dromadaire peut être infecté par CoV, responsable
du MERS, et peut jouer un rôle dans la transmission du virus à l’homme.
On savait peu de choses sur l'origine de ce virus qui provoque
principalement des problèmes respiratoires aigus, avec fièvre, toux,
essoufflement et s'accompagne souvent de pneumonie, de problèmes
gastro-intestinaux, voire d'une insuffisance rénale.
On estime que le virus est extraordinairement commun chez les chameaux
depuis au moins une vingtaine d'années. Dans certaines parties de
l'Arabie Saoudite, les deux tiers de ces dromadaires ont leurs voies
respiratoires touchées par ce virus.
A la fin 2013, les chercheurs ont effectué des prélèvements sanguins au
niveau de l'anus et des naseaux de plus de 200 chameaux en Arabie
Saoudite et montré la présence d’anticorps spécifiques au MERS chez 74%
des animaux ainsi que la présence du virus lui-même, en particulier dans
les sécrétions nasales des animaux. Les chameaux porteurs du virus
paraissaient en parfaite santé.
Néanmoins, des recherches sont en cours sur d’autres espèces animales
pour rechercher d’éventuels autres réservoirs du virus. En ce qui
concerne les patients de cette époque (2012-2013), la plupart des
malades atteints étaient passés par le Proche-Orient dans les semaines
précédant l'infection, ou y vivaient.
Sept d'entre eux sont morts en Arabie Saoudite, sur onze cas détectés
dans le pays. D'autres cas d'infections avaient été observés en Jordanie
d’où l’appellation baptisée «coronavirus MERS» ou (Middle East
Respirtaory Syndrome ou syndrome respiratoire du Moyen-Orient) ou MERS-CoV.
Un patient est mort en Allemagne en mars, un Saoudien, transféré à
Munich pour y être soigné. Au Royaume-Uni, un homme a été infecté après
un passage par l'Arabie Saoudite.
Les symptômes
Moins de vingt-quatre heures après l’infection, les premiers signes
cliniques apparaissent. Ils sont caractérisés par une perte de
l'appétit, une fièvre, une accélération de la respiration, une toux, la
chair de poule et une posture voûtée. Les patients atteints par le
coronavirus MERS souffrent d'une grave infection des voies respiratoires
basses, c'est-à-dire des poumons, qui peut conduire à une pneumonie.
Les malades toussent énormément et présentent de la fièvre. Sur le plan
du mécanisme, le MERS altère les membranes qui tapissent les alvéoles
pulmonaires où s’effectuent les échanges respiratoires entre l'air et le
sang. Cela provoque des essoufflements et des difficultés à respirer qui
conduisent à la pneumonie.
Transmission d’homme à homme
A cette même époque, on ne pouvait pas l’affirmer avec certitude mais
certains épidémiologistes rapportaient la transmission de ce coronavirus
entre les humains. Les chercheurs ont trouvé leur preuve dans un foyer
britannique du virus, où trois membres d'une même famille ont été
atteints.
En effet, le père de cette famille, de passage par l'Arabie Saoudite,
était déjà malade lorsqu'il avait pris l'avion, mais aucun passager du
même avion n’a été atteint. L'homme a été traité en soins intensifs
mais, en revanche, aurait contaminé son fils de 39 ans qui est décédé
mais probablement à cause de son système immunitaire affaibli suite à un
cancer.
Cependant, le risque d’épidémie peut être relativisé car les maladies
peuvent circuler plus facilement dans une même famille à cause de la
promiscuité et du partage, par certains de ses membres, des gestes de la
vie de tous les jours.
Le virus semble, en effet, peu contagieux et non transmissible par
l'air.
Le personnel soignant de l'hôpital où le père de cette famille a été
traité n'a, par exemple, jamais été infecté. À cette époque, on n'avait
constaté aucune transmission interhumaine soutenue.
Diagnostic du laboratoire
Les prélèvements biologiques, au niveau des voies respiratoires
inférieures (lavage broncho-alvéolaire, expectoration ou aspirat
trachéal) apportent la preuve de l’existence de charges virales élevées
en coronavirus et doivent donc être effectués, dans la mesure du
possible. Il en est de même concernant des échantillons des voies
respiratoires supérieures (écouvillonnage du nasopharynx ou de
l'oropharynx). Aux fins d’augmenter la probabilité de détection du
virus, il est recommandé de recueillir à la fois des échantillons des
voies respiratoires supérieures et inférieures en particulier pour les
échantillons multiples provenant de sites divers, ceci tout au long de
la maladie.
Même après la détection initiale du virus, un échantillonnage et des
tests répétés sont fortement recommandés et permettront d'améliorer les
connaissances actuelles quant à la durée de l'élimination du virus. Le
virus a été détecté dans l'urine et les matières fécales, mais à des
niveaux inférieurs à ceux relevés dans les voies respiratoires
inférieures.
En dehors de la recherche des anticorps anti-nCoV (sérologie), on
dispose de peu d'informations quant à la valeur du sang entier en tant
qu'échantillon pour la détection du MERS-CoV.
Précautions et traitement
Il s’agit d’un virus peu résistant car le coronavirus a une durée de
vite très courte en dehors des cellules cibles infectées. Les mains
doivent être régulièrement lavées, comme en période d'épidémie de grippe
ou de gastro-entérite, ce qui permet d’éloigner efficacement les risques
d'infection. Actuellement, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne
conseille pas d'éviter certains déplacements et aucune restriction
d’échanges n'a été recommandée mais encourage les voyageurs à prendre
des précautions de base. Ainsi, le comité d'urgence du règlement
sanitaire international de l'OMS a examiné la situation actuelle et
décidé, à l'unanimité, que les conditions d'une urgence de santé
publique de portée internationale sont réunies. Aussi, on encourage les
professionnels de la santé à maintenir la vigilance à l’égard des cas
d’infection par le MERS-CoV et à aviser le ministère de la Santé
publique lorsqu’une personne fait l’objet d’une enquête diagnostique
Deux importants profils épidémiologiques ont été déterminés dans le
cadre de la mission conjointe de l'Arabie Saoudite et de l'OMS. Il
existe des grappes de cas d'infections se produisant dans les familles
et des grappes d'infections se produisant dans les établissements de
soins de santé et il n'y a eu aucune preuve de transmission interhumaine
répandue.
La grande majorité des cas avec co-morbidité (existence d’un ou
plusieurs troubles associés à une maladie principale) suggèrent qu’une
susceptibilité accrue en raison de troubles médicaux sous-jacents (par
exemple un déficit immunitaire) peut jouer un rôle dans la transmission.
Tous les cas en grappe signalés à ce jour sont survenus par contact
étroit (par exemple famille, travail) ou dans des établissements de
soins de santé. Il existe de fortes preuves que le contact direct et
indirect avec les chameaux est impliqué dans la transmission de la
maladie.
En effet, de récentes études appuient l'idée que les chameaux
représentent une source principale du MERS-CoV chez les humains et
qu'aucun autre animal d'élevage n'y est associé.
L’éventuelle découverte de la voie de transmission entre les chameaux et
les humains demeure essentielle pour arrêter l'introduction initiale
dans les populations humaines. Le peu de données disponibles sur la
transmission interhumaine des cas primaires suggère que la transmission
est souvent indirecte.
Aucun vaccin ni traitement antiviral efficace n’est actuellement offert
pour le MERS-CoV Ainsi, aucun vaccin existant n’est conseillé par manque
d’efficacité. Des chercheurs américains travaillent sur le singe
(macaque rhésus) comme modèle de recherche. Ils ont développé un modèle
de l'infection à coronavirus qui aidera les scientifiques du monde
entier à mieux comprendre comment est apparu ce virus et comment il
affecte les personnes infectées. Des chercheurs de l'Université de
Madrid ont créé une souche mutante du MERS-CoV qui pourrait être
utilisée comme base pour un vaccin protecteur et efficace contre le
MERS-CoV dès que des mesures de protection pourront être conçues. Des
travaux supplémentaires sont nécessaires avant que les essais cliniques
puissent commencer.
En conclusion, en ce qui concerne ce tout dernier nouveau coronavirus
chinois «2019-nCoV», le nombre d’infections a dépassé celui du
coronavirus causant le SRAS en 2003. Le «2019-nCoV» est jugé moins
«puissant» que le SRAS mais plus contagieux. La Chine constitue donc une
«cocotte-minute». En effet, le «2019-nCoV» a une période d’incubation
pouvant aller jusqu’à deux semaines et la contagion est possible durant
cette période d’incubation, ce qui n’est pas le cas de l’infection par
celui du SRAS. Les deux virus «2019-nCov» et SRAS sont «cousins» car ils
appartiennent à la même famille et partagent 80% de similitudes sur le
plan génétique.
Les principales précautions actuellement se résument à éviter les
déplacements dans les régions endémiques, en particulier en Chine. La
visite des Lieux-Saints pour l’accomplissement de la Omra et du Hadj ne
présente pas, actuellement, d’inquiétude particulière mais le suivi de
l’évolution de l’épidémie permettra d’avoir des informations plus
précises.
Il faudrait observer des règles d’hygiène de base telles que se laver
souvent les mains, éternuer ou se moucher en utilisant du papier jeté
dans des poubelles fermées, consulter le médecin en cas de symptômes
inexpliqués, en particulier fièvre, maux de tête, fatigue, frissons,
sueurs, courbatures et gêne respiratoire.
K. S.
(*) Professeur d’universités, directeur de recherche, hôpital E.
Herriot, Lyon, France.