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Rubrique Contribution

Le défi du renouveau agricole et l’enjeu de la gouvernance de l’eau

Le défi du renouveau agricole et l’enjeu de la gouvernance de l’eau (*)

Par Amine Kherbi(**)

La dimension économique de la question agraire est devenue un axe déterminant de la stratégie de développement de l’Algérie. Actuellement, personne ne doute de la place de l’agriculture dans la croissance économique. La nécessité de comprendre ses enjeux dans leur complexité conduit à nous interroger sur l’importance du rôle des pouvoirs publics dans la revitalisation des espaces ruraux par le développement d’une agriculture moderne et diversifiée  répondant aux besoins de la population et aux préoccupations environnementales de la société.
Aussi, à un moment où les phénomènes conjoncturels ont des effets plus directs et plus forts sur les politiques publiques et dans un contexte où la démographie, le climat et les épizooties influent  puissamment sur l’environnement de l’économie agricole, le rôle accru de l’État dans ce domaine est-il aujourd’hui une exigence admise. Pour l’Algérie, l’État, comme acteur et comme régulateur, doit être le garant de l’essor et des réalisations dans ce secteur vital pour le développement économique et social du pays. 

C’est à l’État qu’il revient de protéger la propriété foncière, de favoriser les investissements, de développer les infrastructures agricoles ou d’intérêt général, d’encourager la recherche, d’assurer la formation, de définir les règles du jeu en matière de formation des prix et des revenus, de codifier la loyauté et la qualité sanitaire des produits. On comprend ainsi pourquoi ces interventions multiformes, et dont toutes ne sont pas spécifiques à l’agriculture, ont des effets bénéfiques sur l’évolution de notre agriculture. Ce qui laisse augurer de bonnes perspectives d’amélioration. En effet, le potentiel agricole en termes physiques qui existe est en train d’être transformé en résultats grâce aux efforts considérables qui ont été consentis dans le cadre de la politique du renouveau agricole et rural. Avec les mutations structurelles en cours et les changements profonds dans la conception et la gestion des questions socioéconomiques de base dans le monde rural, les perspectives du développement agricole et la consolidation de la sécurité alimentaire apparaissent bien plus clairement aujourd’hui. L’utilisation de techniques agricoles modernes, avec l’extension des surfaces irriguées et une meilleure organisation, a permis un accroissement considérable des rendements prouvant ainsi que ce secteur offre d’excellentes possibilités d’investissement. Mais tant que les changements technologiques radicaux ne se produiront pas, la production d’aliments continuera à dépendre principalement de la terre cultivable, de l’élevage et, dans une moindre mesure, des ressources halieutiques. Il devient clair dès lors qu’au-delà des limites physiques, les véritables causes qui affectent la production et la distribution des aliments sont à rechercher dans les facteurs socioéconomiques. 
A cela s’ajoutent les déficiences de l’infrastructure générale : transport, stockage, distribution, qui sont également à l’origine des pénuries et des gaspillages dus à de multiples dysfonctionnements. Ce contexte problématique pour la question agraire s’est posé dès les premières années de l’indépendance du pays. 
L’Algérie venait de lancer alors les premiers grands projets du redressement de son agriculture à travers, notamment, le développement des cultures fourragères et de l’aménagement pastoral, de l’agriculture de montagne et du petit élevage, l’extension des chantiers populaires de reboisement, la mise en valeur des ressources naturelles, l’amélioration des conditions de la recherche agronomique, l’aménagement des techniques de production et d’investissement  afin de tirer parti de tout son potentiel agricole dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de développement élaborée en 1966.
A cette époque, malgré l’incertitude relative aux moyens d’action, la question du chômage était au cœur de l’orientation des activités économiques et sociales à court et moyen termes. D’où l’importance de la mise en œuvre d’une politique de l’emploi axée sur l’organisation des processus de production. Cette politique l’est d’autant plus aujourd’hui que nous devons répondre à de nombreux besoins non encore satisfaits et qui correspondent à la transformation des structures de la société, du mode de vie qui en résulte et des aspirations nouvelles d’une population très jeune. Aussi, les problèmes de l’avenir doivent-ils être abordés avec des idées et des instruments nouveaux. 
Cela appelle des solutions originales favorisant un mouvement de bascule qui s’accompagne de la priorité accordée à la production agricole et au rôle important de l’État dans la conduite des stratégies à long terme.
Cet article s’inspire, en grande partie, de mon expérience de coordonnateur des programmes de développement agricole du pays, à la fin des années soixante, dans le cadre du partenariat Algérie/institutions spécialisées des Nations unies. 
Il se nourrit aussi de l’enseignement de terrain, des débats et des échanges avec des agroéconomistes, des ingénieurs agronomes, des techniciens et des praticiens agricoles en ma qualité de secrétaire permanent de la commission de liaison et de coordination du ministère de l’Agriculture et de conseiller spécial du wali d’Alger, chargé des programmes de développement local et de la préparation de la phase a priori de la Révolution agraire.(1)
Les analyses qui suivent et les pistes de solution ouvertes devraient nous orienter vers le développement d’une agriculture durable, soucieuse de l’environnement et de la qualité de la vie.

L’importance de la modernisation agricole 
Les responsables de l’agriculture insistent, à juste titre, sur l’importance de la modernisation de l’agriculture, l’extension de la surface agricole utile et la levée de la contrainte structurelle de l’eau pour renforcer le potentiel agricole. Il s’agit d’inclure l’évolution de l’agriculture dans l’équilibre dynamique de l’ensemble de l’économie en harmonisant la croissance économique et le rythme d’amélioration de la productivité dans l’agriculture. On aperçoit ainsi toute la dimension de la politique agricole pour le développement économique. Cependant, il convient de relever que nous sommes aussi confrontés au problème de la capacité matérielle de produire des aliments de manière appropriée. 
La production alimentaire dépend non seulement des facteurs naturels mais aussi des facteurs industriels, engrais, pesticides et machines agricoles notamment. Il faudra aussi aller vers une gestion intégrée de la ressource hydrique favorisant la promotion d’une véritable «économie de l’eau» en tant qu’élément important du développement de l’économie nationale tout comme la politique du renouveau agricole et rural, la relance de la croissance industrielle ou l’allégement des contraintes dans le champ de l’efficacité productive et commerciale. 
Dans le domaine de l’eau, enjeu majeur du développement économique et social du pays, le rôle de l’État doit être davantage affirmé afin d’apporter des réponses structurées et viables facilitant les synergies utiles et les coopérations pratiques entre les secteurs de l’agriculture et de l’environnement, de l’industrie et de l’énergie, de l’aménagement du territoire et du tourisme. 
L’objectif est de parvenir, dans les années à venir, à une transformation plus grande des structures managériales pour dépasser les cloisonnements sectoriels et faire de l’eau un levier économique décisif et un facteur-clé de la concrétisation de nos options stratégiques en matière d’occupation, de stabilisation et d’équilibre des territoires. 
Par-delà la cohérence globale qui doit présider à sa prise en charge, le problème de l’eau est avant tout un problème de sécurité nationale qui doit être traité comme tel. 
Le défi à relever est de rechercher les solutions possibles à moyen terme en engageant dès maintenant les réformes nécessaires pour consolider, à tous égards, les acquis dans ce domaine. Tout en agissant de façon progressive et continue pour pallier les insuffisances, résoudre les problèmes imprévus et renforcer l’action sur tel ou tel point, il faut veiller à l’exécution des engagements et à la concrétisation des dispositions adoptées dans les programmes d’action suivant les étapes définies.

La gestion stratégique de l’eau
La gestion stratégique de l’eau, pour tous les usages, doit bénéficier d’un environnement plus favorable à l’émergence et au renforcement d’activités qui ont souffert de contraintes au niveau de tous les facteurs et services dont elles ont besoin. 
Malgré les investissements publics considérables effectués au cours des trois dernières décennies dans la construction de barrages, dans les usines de dessalement et de traitement de l’eau, dans les réseaux d’approvisionnement en eau potable et l’extension des superficies agricoles irriguées, la dégradation de l’environnement, aggravée par une croissance démographique soutenue, risque d’entraîner de graves pénuries d’eau. Même si les programmes en cours offrent une bonne base pour surmonter de nombreuses difficultés, il est clair que les réformes structurelles dans d’autres secteurs sont nécessaires pour donner sens à l’économie de l’eau.
Celle-ci devrait jouer un rôle moteur dans le processus de développement du pays en ayant en vue l’importance que pourrait représenter l’environnement dans le destin de l’Algérie. Menacé par le changement climatique, notre pays devra faire face, dans les deux prochaines décennies, à de vives difficultés liées à des pénuries de ressources. Les risques climatiques pour les cultures, l’élevage et la pêche  prendront de l’ampleur et s’accentueront au cours des prochaines décennies. 
Cette évolution posera des problèmes aigus qui commandent une approche nouvelle et une plus grande maîtrise des aspects politique, technique et d’investissement en vue du développement durable de l’agriculture. 
Des avancées technologiques sont indispensables et une sensibilisation de la population à leurs effets potentiels sur l’environnement est nécessaire pour inverser cette tendance. 
Le monde avance. L’Algérie doit accompagner ce changement pour progresser et croître grâce à l’engagement de tous les Algériens.
Nous devons donc nous placer dans une perspective dynamique d’accumulation technologique pour maximiser la productivité agricole, améliorer la qualité de vie des citoyens et assurer une protection efficace de l’environnement. Le développement des autres secteurs de l’économie en dépend d’autant que l’environnement économique et commercial s’est transformé, entraînant des changements structurels et leur impact sur la croissance. 

L’enjeu est de réussir notre intégration à l’économie mondiale et de tirer parti des coopérations diverses à promouvoir dans le cadre du partenariat afin de renforcer nos programmes de formation et de créer les conditions optimales d’efficacité technique en l’adaptant à la mutation technologique en cours.
De nouvelles technologies, un nouvel environnement juridique et des mesures d’incitation à l’investissement et au commerce pourront favoriser des gains d’efficacité en matière de production alimentaire et de gestion des ressources en eau.

Les conséquences de la dépendance alimentaire
A l’évidence, la dépendance alimentaire du pays, aggravée par le déclin de la production industrielle, l’urbanisation accélérée et l’étiolement du tissu social, a compliqué les réponses à apporter aux défis agricoles et alimentaires auxquels nous sommes confrontés. Dans les prochaines années, la productivité agricole nécessitera un changement radical pour éviter les pénuries alimentaires.
Aujourd’hui, la facture alimentaire est constituée à 80% par les dépenses liées à quatre produits : céréales, produits laitiers, huiles et sucre. L’utilisation globale des céréales s’accroît en raison des besoins de l’élevage. Quant à l’augmentation de la consommation de sucre et produits sucriers, des huiles et graisses ainsi que les produits laitiers et alimentaires transformés, elle est due à l’extraversion de notre modèle de consommation, s’intensifiant surtout dans les grands centres urbains qui concentrent la grande majorité des produits  alimentaires importés.
Au facteur démographique vient s’ajouter la modification rapide des habitudes de consommation sous l’effet conjugué de l’urbanisation, de l’augmentation des revenus et de la politique alimentaire, notamment en matière de prix et de subvention. Ce modèle de consommation favorise une nouvelle hiérarchisation entre groupes sociaux et ses effets déstructurants entraînent diverses formes d’altération sur la vie des personnes au quotidien, notamment l’aggravation des inégalités, la multiplication des maladies et l’accroissement des troubles sociaux. Pour rompre avec cette situation, la sécurité alimentaire et le développement social doivent primer sur les prophéties auto-réalisatrices du jugement économique. De quelque côté que l’on se tourne, le constat est le même. La richesse d’un pays se mesure aussi à sa capacité de prévention et de création, à sa volonté de redonner la priorité au travail, à la qualité de sa santé et de son éducation. L’objectif doit être pratique, consistant à rattacher, chaque fois que cela est possible, les opérations économiques et sociales à un certain nombre de déterminants politiques de base pour raisonner en termes stratégiques sur les problèmes agricoles.
Cependant, il n’y a pas de solution miracle pour assurer la sécurité alimentaire. Sans doute, l’alternative pourrait-elle consister en la constitution de zones de croissance en implantant des complexes agro-industriels à proximité des pôles de compétitivité pour donner la priorité à telle production stratégique et à telle région. Une politique de développement agricole durable ne peut se limiter à une approche agronomique. 
Elle nécessite avant tout un volet financier important et des infrastructures de qualité afin de parvenir à des exploitations agricoles compétitives. Dès lors, seule une vision à long terme des ressources et des usages permettra d’intégrer les facteurs économiques et sociaux afin de valoriser le potentiel agricole et hydrique existant et d’accélérer le processus d’innovation pour accroître les capacités des producteurs de ces secteurs vitaux et les performances de leur service final.
De ce point de vue, les différents objectifs à atteindre requièrent une utilisation maximum des ressources à l’échelle de la région qui demeure la base du renouveau agricole, le noyau de nouvelles formes de solidarité territoriales autour de l’environnement et la base du développement touristique. La région doit comprendre quelques zones homogènes et complémentaires afin d’éviter les cassures et les phénomènes de déconnexion dans le tissu économique et transformer les savoirs locaux en ressources productives par la mise en place de règles et d’organisation entre les entreprises locales. 
Il revient à la région de créer les synergies entre les acteurs au niveau local et favoriser la mobilisation des gens de la terre en les orientant vers le progrès grâce à un encadrement compétent et adapté aux perspectives d’évolution. 

Promouvoir une agriculture intelligente
C’est une «agriculture intelligente» qu’il faudra promouvoir pour relever le défi du renouveau agricole. La gestion des ressources en eau constitue dans cette optique un objectif hautement prioritaire. Il s’agit de privilégier des activités spécifiques afin d’instituer des pratiques compatibles avec le développement durable dans des environnements comme les zones arides et semi-arides ainsi que les concentrations urbaines. 
L’intérêt de ces pratiques, qui font appel à la complémentarité des éléments de production combinant, par exemple, pisciculture-élevage, agroforesterie, associations cultures-bétail ou les systèmes alimentation-énergie, est de fournir un cadre opérationnel afin de prendre en considération les causes socioéconomiques de la dégradation de l’environnement. Ces pratiques devraient être intégrées dans les programmes d’éducation et de formation et servir de référentiels pour l’amélioration de la recherche sur la qualité et l’utilisation des eaux souterraines. La réussite de l’intégration  dépendra des objectifs qui seront fixés pour optimiser les avantages de ces programmes d’action afin d’éclairer les voies vers lesquelles pourrait se diriger, à moyen terme, l’agriculture algérienne.
Dans ce cadre, les services locaux et régionaux devraient bénéficier d’une autonomie fonctionnelle adaptée à l’ampleur de leur rôle et de l’importance des nouvelles activités à promouvoir pour favoriser la diffusion des effets d’entraînement localisés et les dynamiques locales d’intégration économique. Il est nécessaire donc de concevoir et de construire une nouvelle identité économique régionale fondée sur  des pratiques et des techniques ancrées dans le terroir répondant aux exigences sociales.  Les aménagements régionaux peuvent contribuer à l’amélioration de la structure agraire dans la mesure où ils s’accompagnent d’une modification de l’implantation des unités agricoles sur le sol et le regroupement des terres. 
L’opportunité de regrouper les exploitations ou des parcelles pour créer des unités agricoles viables est cruciale pour affermir le pouvoir de transaction des agriculteurs et donner sens à une politique tendant à agir sur les conditions mêmes de la production agricole pour en faire une activité rentable.
Etant donné les défis redoutables que l’Algérie devra relever au cours des vingt prochaines années pour consolider sa stabilité politique, favoriser sa croissance économique et préserver l’équilibre écologique du territoire, l’efficacité globale du modèle à appliquer dépendra du rythme de l’industrialisation et du développement des services liés à l’industrie. L’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication et la maîtrise des processus d’urbanisation et de protection de l’environnement sont, de ce point de vue, cruciales pour arrêter, à terme, la perte de biodiversité. Cela appelle des actions urgentes et articulées.
La gestion durable des sols et des terres  dépend de la préservation de  la biodiversité d’autant que les systèmes culturaux, pastoraux et forestiers et la variabilité du climat devraient avoir, à maints égards, des effets néfastes sur la santé des sols et la croissance des végétaux. Cela entraînera inévitablement des conséquences graves avec la baisse des précipitations dans les deux prochaines décennies. Cette perspective paraît inéluctable. Voilà pourquoi nous devons recourir systématiquement aux technologies agricoles de pointe pour nourrir durablement une population qui ne cesse de croître. 
En matière de développement durable, nous nous trouvons à un tournant de notre histoire économique et sociale qui pourrait nous conduire vers des avenirs contrastés parce que notre pays souffre d’une mauvaise image de marque écologique. Cependant, un sentiment s’est développé ces derniers temps au sein de la société concernant la nécessité d’accroître les mesures visant à protéger efficacement l’environnement en intégrant les problèmes techniques dans une approche politique.
Compte tenu des retards accumulés et la montée des périls, nous devons prendre à bras-le-corps ces problèmes en leur réservant un traitement non seulement technique mais aussi en affirmant clairement une volonté politique. Nous avons la capacité d’y faire face et d’agir afin d’instaurer avec ce nouvel environnement émergent une relation fondée sur la responsabilité et la solidarité.

Évaluer l’impact des enjeux globaux
Au début de cette décennie, nous sommes confrontés à des difficultés qui ne sont pas seulement économiques ou sociales, financières ou budgétaires. Nous faisons en effet face à l’impératif d’apprendre, de communiquer et de faire l’évaluation de notre propre situation afin de nous projeter dans l’avenir dans les meilleures conditions possibles. Il s’agit de maîtriser les nouveaux savoirs et les pratiques modernes afin de mieux évaluer l’impact des enjeux globaux et des métiers de demain sur les façonnages des profils de notre croissance future. 
Dans un contexte de plus grande créativité, de flexibilité, d’ouverture et de déconcentration, c’est la confluence des technologies classiques et modernes qui permet de créer de nouveaux produits et de mettre au point des procédés compétitifs dans de nombreux secteurs industriels et agricoles ainsi que dans celui de la santé. Cette modernisation requiert un accompagnement à travers un renforcement des capacités de l’État en matière d’encadrement et d’innovation. Nous touchons là à l’un des problèmes cruciaux de l’économie moderne. D’où l’importance des technologies de pointe et des impératifs de la compétition internationale, qui n’excluent ni la solidarité nationale ni l’abandon par l’État de ses responsabilités, dans les domaines de l’éducation, de la recherche scientifique, de la technologie, du développement des infrastructures, de l’aménagement régional et de l’adaptation des circuits financiers. Il y a aussi le poids des effets externes et des comportements stratégiques dont il faudra tenir compte.
Ces exigences déterminent l’efficacité globale dont dépend la croissance agricole qui peut contribuer  à la création des marchés pour les biens et services non agricoles.
Ce qui diversifie la base économique des zones rurales. A mesure que l’économie croît, l’importance des activités non agricoles augmente dans l’économie rurale. De ce point de vue, le recours à l’approche paysagère est nécessaire pour améliorer les pratiques liées à l’utilisation et à la gestion des terres afin favoriser le développement local. Les avancées technologiques sont également nécessaires pour surmonter les contraintes dues au changement climatique, à la disponibilité d’intrants non agricoles, les connaissances et la recherche. 

La prise en compte des dimensions économique, sociale et environnementale permettra de donner de nouvelles perspectives d’avenir en favorisant l’augmentation du revenu national, grâce à l’essor des activités industrielles modernes. C’est une des conditions de la transition agricole et la meilleure manière d’éviter que le surplus de main-d’œuvre agricole vienne nourrir la croissance du secteur informel urbain spéculatif. 
Le plus urgent est de faire sortir les petits agriculteurs de la précarité et de la pauvreté dans laquelle ils se trouvent en mettant en place des mécanismes de soutien et d’accompagnement dans le cadre de programmes visant une amélioration des infrastructures et des équipements sociaux ainsi que le développement de la petite hydraulique afin de fixer les gens au sol. 
Le développement agricole rural pour la production de biens alimentaires de première nécessité doit aussi contribuer à maintenir la population rurale dans des conditions de vie acceptables et à la réalisation des équilibres territoriaux. Il faut donc  revenir à des objectifs stratégiques adaptés aux règles de la permanence spatio-temporelle et aux conditions climatiques perçues par l’agriculteur sur la longue durée. Le processus de construction temporelle, spatiale et sociale requiert un environnement culturel et socio- institutionnel favorisant le savoir-faire local et la maîtrise technique des pratiques agricoles. C’est le moyen le plus efficace d’empêcher l’exode rural. 

Redonner au territoire toute sa dynamique
Il n’en reste pas moins qu’il faudra à cet égard vaincre les hésitations et faire de l’investissement en capital humain et des politiques agricoles publiques pour le développement économique des priorités dans la mutation du système productif et la préservation de l’équilibre social. C’est donc une organisation institutionnelle de l’aménagement rénovée et adaptée que nous devons concevoir pour redonner au territoire toute sa dynamique dans le cadre de la poursuite de la politique du renouveau agricole et rural. 
Par ailleurs, il convient de prendre l’initiative, s’agissant de la gestion du territoire à travers la préservation de l’équilibre géographique, de la lutte contre le déboisement et la dégradation des terres, de l’entretien des paysages et de la restauration des sols. Cela exige une prise de décisions efficace visant l’atténuation du changement climatique et la mise en œuvre de stratégies d’adaptation et des cadres opérationnels d’une politique de développement durable orientée vers une gestion efficace des crises écologique et sociale compatible avec un projet de croissance accordant une grande priorité à la compétitivité de l’espace régional. Ce processus doit être complété par des mécanismes décentralisés fonctionnant à l’échelle où les gens opèrent. Personne ne doute de la création d’un environnement favorable au secteur agricole grâce à l’effort de décentralisation, accompagné d’une déconcentration des fonctions de gestion, qui a été entrepris au cours des dernières années. Ce sont là des progrès incontestables mais qui restent insuffisants au regard des défis à relever, notamment en matière de commercialisation et de prix où les décisions ne peuvent être prises de façon centralisée. Il y a aussi la politique du commerce extérieur et ses implications pour le secteur agricole qui pose des problèmes de cohérence. Par ailleurs, il convient de traiter en profondeur, autour des priorités majeures du secteur agricole, les questions relatives à la recherche-développement, la vulgarisation, la formation professionnelle, l’ingénierie et le financement. Aujourd’hui, l’Algérie aborde une étape cruciale de son développement économique. Elle est obligée de diversifier son économie et la  structure de son secteur exportateur car elle devra, à terme, exporter une partie de sa production agricole et industrielle. 
Le recours systématique aux technologies de l’information et de la communication est de ce point de vue décisif. Le fonctionnement des entreprises est devenu inconcevable sans les nouvelles technologies. 
Dans le domaine de la gestion des exploitations agricoles, le recours aux normes et aux meilleures pratiques  permettra de développer une nouvelle solution agro-technologique afin de rendre l’agriculture plus productive et rentable. De ce point de vue, il y a lieu de rappeler l’importance du soutien   aux processus collectifs d’innovation    et de recherche en vue de la mise en commun des connaissances et des compétences dans un cadre local. Voilà pourquoi, malgré les effets néfastes des distorsions des marchés internationaux, il est possible, grâce à une politique économique et managériale appropriée, de créer un environnement économique favorable à la croissance agricole et à la réduction des inégalités.
A l’ère de la mondialisation et d’une grande compétitivité internationale, les entreprises, petites et moyennes, doivent en effet repenser leur organisation, favoriser l’innovation, investir dans la recherche-développement et valoriser leurs ressources humaines. L’agriculture au service du reste de l’économie doit laisser place à un développement agricole constituant une source de nouveaux emplois qualifiés techniques et managériaux, à différents niveaux de compétences, moyennant l’utilisation systématique des technologies de l’information et de la communication et le développement des capacités de coordination des institutions et des acteurs chargés de la mise en œuvre de la politique du renouveau agricole.

Penser notre avenir avec confiance
Pour s’inscrire dans la croissance mondiale, notre pays doit mettre en place une véritable économie de la connaissance en valorisant le savoir de tous dans tous les domaines indispensables à la création et au développement des entreprises, à l’essor de l’industrie des services liée à l’agriculture et l’environnement ainsi qu’aux nouveaux secteurs-clés du numérique. Nous pouvons y parvenir dans un délai raisonnable en pensant  notre avenir avec confiance. Certes, des contraintes multiples, mais aussi des facilités nouvelles, comme celles qui ont été créées dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de renouveau agricole et rural, incitent à atténuer l’accentuation du dualisme rural et la désagrégation de la société rurale grâce à une refonte des rapports campagne-ville, d’autant que les problèmes pressants de l’alimentation et des échanges extérieurs sont en train de devenir critiques. 
C’est une politique globale d’initiative et d’incitation qu’il faudra promouvoir pour tirer parti du potentiel d’une population jeune et dynamique en recourant aux innovations technologiques, en développant un système financier capable d’attirer le capital dans le cadre d’un environnement économique sain favorisant la justice sociale et la bonne gouvernance. Beaucoup reste à faire, notamment dans l’effort de poursuite de la formation sur le long cours et d’investissement des entreprises dans la formation professionnelle. L’Algérie, qui ne dispose pas d’une main-d’œuvre qualifiée suffisante, doit recourir à l’application des nouvelles technologies dans les systèmes de formation et d’éducation et assurer la formation des techniciens, des ingénieurs et des chercheurs dont l’agriculture a besoin. Voilà pourquoi on ne peut se contenter d’approches partielles. Il faut en effet susciter des changements structurels pour rendre les activités agricoles plus efficaces, repenser l’architecture institutionnelle et promouvoir un cadre organisationnel adéquat pour renforcer les convergences et accroître les synergies entre les secteurs de l’agriculture, des ressources en eau, de l’industrie et du commerce. C’est la meilleure manière de consolider les acquis et de conforter la politique de renouveau agricole et rural en l’inscrivant dans la durée.
A. K.

(1) Voir Amine Kherbi (sous la direction de) : «Examen de la situation des lots communaux de la wilaya d’Alger : étude sur la phase a priori de la révolution agraire», Alger, juillet 1971.

(*) Version remaniée et augmentée de l’extrait du texte de la conférence donnée à l’université de Laghouat le 19 mai 2017.
(**) Socioéconomiste de formation et diplomate de carrière. Amine Kherbi, ancien ministre délégué aux Affaires étrangères, a été ambassadeur dans plusieurs pays. 
Il a aussi été secrétaire permanent de la commission de liaison et de coordination du ministère de l’Agriculture (1968-1970), membre du conseil scientifique du Groupe Algérie 2005 chargé d’élaborer une stratégie de développement pour le pays (1993) et président du groupe d’experts du Comité pour la protection de l’économie nationale (1994). 
Il est l’auteur de L’Algérie dans un monde en mutation : regards sur la politique économique, la sécurité nationale et les relations internationales. Éditions Anep, 2018.

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