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Le féminisme identitaire, du déjà-vu dans le monde dit «arabo-musulman» ?

Par Myassa Messaoudi 
Le confinement dû à la pandémie de Covid-19 a exacerbé, au lieu de la mettre entre parenthèses, la question des droits des femmes. Le nombre de violences contre les femmes s’est accru. Le débat sur les différentes formes de féminisme se poursuit, en dépit de l’arrêt de toute activité. Le féminisme identitaire qui fleurit dans les sociétés occidentales a un air de déjà-vu dans le monde dominé par l’islam.
Se réclamer de ses origines qu’elles soient blanches, noires ou métissées, les mettre en avant ou face aux nouveaux défis de classe est le dernier postulat idéologique en forte expansion.
 En Europe, les identitaires parlent de plus en plus fort. Ils prétendent, chacun à sa façon, faire parler la mélanine ou la croyance au nom des groupes auxquels ils appartiennent. Les identitaires pratiquent une sorte de prévalence autoritaire sur leurs communautés. Ils incriminent tout avis contraire. L’argutie est construite  sur la base des souffrances subies à travers l’Histoire,  de menaces «d’extinction» ou «de grand remplacement» par de vilains envahisseurs étrangers.
Quel rapport avec les luttes  pour les droits des femmes ?
Il existe entre l’Europe et les pays du Sud une passerelle humaine que se disputent différentes mouvances et chapelles idéologiques. Dans le cas qui nous intéresse, c'est-à-dire la question des droits des femmes, les efforts n’en sont que plus éloquents. L’islam politique s’aligne parfaitement sur l’extrême droite européenne pour en faire un thème d’obsession. La visibilité des femmes voilées est devenue un enjeu stratégique dans l’affrontement de ces deux extrêmes idéologiques.  
En effet, les luttes féministes universelles, qui, jusque-là, avaient profité à toutes les femmes du globe, soit comme base de revendications communes, soit en alignement sur des acquis obtenus dans d’autres pays, se voient discréditées pour cause de couleur de peau et d’appartenance ethnique et confessionnelle. 
Le comble de la contradiction pour des groupes se plaignant constamment d’être victimes de racisme et de rejet. 
Réclamer des droits particuliers aux femmes musulmanes sur la base d’une orthopraxie religieuse inspirée des temps anciens et du salafisme vise à soustraire ces dernières du bénéfice des droits obtenus sur les terres d’accueil ou leurs pays d’adoption. Perpétuer des zones de privilèges misogynes est la contrepartie facile que les identitaires religieux offrent en guise de combat politique. 
D’une part, pour assurer la continuité des flots financiers qu’ils reçoivent pour leur prosélytisme d’obédience wahhabite, et d’autre part, pour affaiblir l’implication de la diaspora dans la lutte pour la démocratie dans les pays d’origine. 
En Europe, le féminisme identitaire se réfère davantage aux luttes contre la ségrégation raciale américaine qu’aux  ravages de la condition des femmes en terres dites «arabo-musulmanes». 
Il induit une confusion, sinon une hiérarchisation des racismes liée à la couleur de la peau et de l’origine, et la condition propre des femmes issues de la communauté musulmane qui, elle, relève du pur sexisme. Placer la lutte féministe au carrefour des combats d’égalité de toutes sortes vide les revendications féministes de leur sens premier. Il la leste de préoccupations menées par d’autres activistes. Je rappelle que seule la lutte pour les droits des femmes souffre ce type de cumuls. En d’autres termes, l’allégeance confessionnelle ou communautaire l’emporte sur le droit universel et les revendications d’égalité femmes-hommes. 
En Algérie, et dans d’autres pays de la sphère islamique, les féministes peinent encore à obtenir l’égalité femmes-hommes devant la loi. La présence des femmes dans les luttes pour les libertés de toutes sortes n’est plus à démontrer, néanmoins les bénéfices de ses implications valeureuses restent insignifiants pour elles-mêmes. 
Il n’est donc pas inenvisageable de parler d’un féminisme identitaire ayant constamment privilégié l’origine et la confession ait déjà été expérimenté en terres dites «arabes». Il a lamentablement échoué. Les féministes identitaires en Europe devraient en prendre de la graine, et celles du Maghreb les distances nécessaires avec cette fausse évolution. 
M. M.

 

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