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Rubrique Contribution

Le wali, ce géant aux pieds d’argile

Par Zineddine Sekfali
Dans un communiqué publié le 27 septembre dernier, la Présidence de la République a annoncé «un mouvement partiel» de walis, qui concernait tout de même pas moins de 18 walis et 7 walis délégués. Ce communiqué, très court et d’une aridité surprenante, ne mentionnait en effet ni les âges des personnes dont les noms et prénoms étaient cités sur la liste accompagnant le communiqué, ni leurs cursus universitaires, ni leurs cursus professionnels. Rien dans le texte de ce document officiel ne renseignait les citoyens sur ceux qui, dans ce mouvement, certes, partiel, mais néanmoins assez large, étaient nommés walis pour la première fois par promotion, ni sur ceux qui, étant déjà walis, ne faisaient que changer de wilaya, par mutation ou permutation. On notait, en outre, qu’aucune indication n’était fournie sur les walis qui ont été purement et simplement démis de leurs fonctions. Par contre, on a appris trois jours après l’annonce faite par la Présidence, et grâce à certains médias curieux et attentifs à tout ce qui a trait au fonctionnement des institutions, que sur la liste publiée figuraient deux walis congédiés il y a peu de temps. Ces deux walis étaient donc appelés à reprendre du service, en la même qualité. Ceci n’est tout de même pas quelque chose d’anodin. Ces deux retours en grâce mériteraient, selon les réactions recueillies chez les gens, des explications. Car un mouvement de walis n’est pas qu’une formalité administrative, ni un rite annuel qu’on accomplit mécaniquement, mais un évènement important et qui a du sens. Le wali est une pièce centrale de notre système administratif. Il joue un rôle pivot dans l’organisation et le fonctionnement de l’Etat. Au niveau local, le wali est le garant de la stabilité institutionnelle et administrative. Il doit veiller au maintien de l’ordre et de la tranquillité publique, assurer de la continuité de l’Etat et préserver le fonctionnement régulier des services publics. De surcroît, tous les walis sont invités derechef, avec insistance, par le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales en personne à récupérer leur rôle d’animateurs de la vie économique. Ils sont vivement incités à tout mettre en œuvre pour promouvoir l’investissement public ou privé, productif et créatif d’emplois, dans leurs wilayas respectives. A l’évidence, le wali n’est pas un fonctionnaire comme les autres. Il a du pain sur la planche, selon une expression populaire connue et tout le monde attend beaucoup de lui. Aussi, ai-je pris sur moi de rappeler à grands traits ici à l’intention de ceux qui s’intéressent au fonctionnement de nos institutions l’importance institutionnelle et fonctionnelle du wali, en faisant ressortir par la même occasion les obstacles qui se dressent devant lui, les dangers qui l’assaillent de toutes parts, ses lourdes sujétions statutaires et sa dramatique précarité.
Le wali : le plus puissant des hauts fonctionnaires

Dans le système administratif algérien, le wali est, comparativement à tous les autres hauts cadres de l’Etat, celui dont les pouvoirs sont les plus larges et celui dont les attributions sont les plus nombreuses et les plus variées. Aucun haut magistrat, fut-il au sommet de la hiérarchie judiciaire, aucun diplomate, quel que soit son rang, aucun ambassadeur, fut-il qualifié de «plénipotentiaire », et nul «hiérarque ou dignitaire couvert d’honneurs et de distinction» des administrations dites régaliennes, ne l’égale de ce point vue. Ses attributions sont telles, la multiplicité des textes — lois, décrets, arrêtés et circulaires —, qui les fixent est si grande et les modifications qui y sont apportées si fréquentes, qu’il est impossible d’en dresser un inventaire exhaustif. Elles n’ont jamais été en effet recensées exactement. Il n’existe du reste aucun ouvrage doctrinal spécialement dédié aux attributions du wali, qui pourrait servir de viatique fiable, pour tout chercheur en droit administratif algérien. Dans son traité intitulé «Cours d’institutions administratives», OPU 1981, le professeur A. Mahiou observait déjà que «la formule très générale de l’article 150 du code de la wilaya implique des pouvoirs importants quantitativement et qualitativement. Il serait donc vain de tenter d’en faire une énumération et il nous suffit de signaler les principales fonctions». C’est de cette façon que l’on procédera ci-après, en précisant, en cas de besoin, certains concepts et notions.
Le wali a la tutelle sur la wilaya et les communes du ressort

A ceux que cela choquerait, disons d’emblée que la tutelle administrative n’a rien à voir avec la tutelle des mineurs et des incapables du droit civil. La tutelle administrative trouve son origine et sa fin dans la décentralisation. Dans un Etat unitaire, la décentralisation ne va pas sans tutelle et la tutelle ne va pas sans décentralisation. Les deux notions sont consubstantielles, si je puis dire. La tutelle permet de maintenir le lien entre l’Etat central et ses démembrements que sont les collectivités locales. Elle permet d’assurer l’unité de direction et d’action entre tous les organes de l’Etat et des collectivités locales, en tant qu’ils agissent et activent tous dans l’intérêt général.
Cela explique par ailleurs que le wali :
• Participe aux travaux et réunions de l’APW, y présente ses rapports, observations et bilans d’activité ; ...
• a un droit de regard sur les délibérations de cette assemblée et sur le budget qu’elle vote ;
• peut rejeter des délibérations et demander le réexamen du budget présenté ;
• met en œuvre les délibérations approuvées et veille à leur exécution ;
• puisse prendre des arrêtés à caractère général (un règlement de police de la circulation dans le ressort de sa wilaya, par exemple), des arrêtés annulant ceux pris par les présidents d’APC (par exemple un arrêté d’un président d’APC qui outrepasse ses pouvoirs ou viole une des libertés essentielles de l’individu...).
Le wali dispose de larges pouvoirs de police

Au titre de représentant de l’Etat, le wali exerce la police administrative et veille au maintien de l’ordre public. A cette fin, il a sous son autorité directe tous les services de police, y compris ceux de la police des renseignements généraux ainsi que toutes les unités de gendarmerie opérant sur le territoire de la wilaya. Tous doivent le tenir informé de toute affaire touchant à la sûreté générale et à l’ordre public. Il a le droit de les requérir pour procéder à des enquêtes. Il peut leur enjoindre d’utiliser la force, en cas de besoin. Tous doivent lui rendre compte de leurs activités liées à la prévention et à la répression de la délinquance. S’agissant des infractions contre la sûreté de l’Etat, le wali est habilité, en vertu de sa qualité d’officier de police judiciaire, que lui confère le Code de procédure pénale, à accomplir les actes d’enquête nécessaires pour la constatation de ces infractions, à requérir les agents et fonctionnaires de police judiciaire pour investiguer dans ces affaires. Il doit sans délai en aviser le procureur de la République territorialement compétent et se dessaisir du dossier de l’affaire au profit des autorités judiciaires, dans les 48 heures au plus tard. La Protection civile et les services de l’organisation des secours suite à des accidents, des sinistres, des calamités naturelles, sont placés sous son autorité. Il est normalement habilité à demander des rapports et comptes rendus aux services de l’inscription maritime (qui n’existent que dans les wilayas côtières), des douanes, du contrôle des prix...
Le wali : c’est plus qu’un préfet

Le processus réforme des collectivités locales, engagé il y a une cinquantaine d’années, suite à la promulgation par le président du Conseil de la Révolution de deux ordonnances, l’une portant code communal, en date du 18 janvier 1967, l’autre portant code de la wilaya en date du 23 mai 1969, ont totalement bouleversé le paysage administratif algérien et introduit des innovations non négligeables dans l’organisation territoriale de notre pays. Selon l’ordonnance de mai 1969, amendée et complétée par une multitude de lois, le wali est le chef de la collectivité territoriale décentralisée qu’est la wilaya, et dans le même temps «le dépositaire de l’autorité de l’Etat, le délégué du gouvernement et le représentant direct et unique de chacun des ministres» au niveau de la wilaya, pour reprendre les termes du professeur Mahiou ci-dessus cité. Il a actuellement plus de pouvoirs que le préfet des années 1962 à 1969 et il en a davantage encore par rapport au préfet français actuel, qu’une réforme intervenue en 1982 a quasiment dépouillé de l’essentiel de ses prérogatives au profit d’un élu, le président du conseil général ou départemental, assemblée délibérante élue au suffrage direct. Le dédoublement fonctionnel, expression savante et quelque peu obscure, est le nom que les juristes et les spécialistes du droit administratif donnent au cumul de fonctions qui continue à faire, je le crois, la grande originalité du wali algérien. Dans le langage courant, on dit, pour expliquer cette notion confuse de dédoublement fonctionnel, que le wali porte deux casquettes : celle de chef de wilaya en tant que collectivité locale décentralisée et celle de haut représentant de l’Etat, dans la wilaya. Il porte même un uniforme de belle coupe, rehaussé de parements aux manches et d’épaulettes, décorés de branches et de feuilles d’olivier faites de fils d’argent ! Cette image d’une tête à deux casquettes qu’on devine chamarrées comme le costume d’apparat est certes simpliste, elle est néanmoins significative de l’importance tant institutionnelle que fonctionnelle du wali, ainsi que du nombre et de l’étendue de l’aire de ses compétences, de son pouvoir et de ses attributions. Le wali actuel est plus fort, si j’ose dire, que le préfet des années 1962 à 1968. Il l’est encore davantage par rapport au préfet français d’aujourd’hui, auquel le président du conseil général a ravi, en 1982, une partie non négligeable de ses attributions en tant que chef du département, collectivité territoriale décentralisée.
Le wali : administrateur de droit commun

Dans chaque wilaya, le wali, même s’il n’est pas le seul administrateur à y exercer des fonctions, reste l’administrateur de droit commun. Cela signifie qu’il est compétent en toutes matières, sauf dans celles dont l’exercice est expressément confié par un texte législatif ou réglementaire à un autre fonctionnaire ou toute autre institution. C’est un fait vérifiable chaque jour que pour tout ce qui a trait à l’administration, à l’urbanisation, au logement, au développement économique et social, à l’éducation, à l’emploi, à l’animation culturelle, etc., c’est vers le wali, en priorité, que tous les regards se tournent : ceux du gouvernement, des ministres ceux des administrations centrales et locales, ceux des élus du peuple et ceux des citoyens. Il est sur place la plus haute autorité de l’Etat. Il a le pouvoir de décider. Il a réponse à toutes les questions que les gens se posent. C’est lui qui, sur place, a la solution aux problèmes administratifs et autres qui surgissent. C’est lui qui détient les clefs qui ouvrent les portes susceptibles de mener vers le règlement des problèmes et des difficultés des citoyens.
C’est probablement pour ces raisons que l’on dit que le wali est plus puissant qu’un ministre. Mais gardons-nous des affirmations hâtives, car si le wali est responsable de plusieurs secteurs d’activité, dans les limites territoriales de sa wilaya, le ministre est pleinement responsable de son secteur, sur tout le territoire national. J’ajouterais que le wali agit par délégation du gouvernement et de chacun des ministres. Autrement dit, le wali doit obéir aux directives du ministre et lui rendre compte de leur exécution. Le contraire est impossible à concevoir.
Le wali : est-il un politique ?

Pour autant, est-il comme certains l’auraient souhaité qu’il fût, un fonctionnaire politique ? Aristote a dit : «L’homme est par nature un animal politique.» Cette citation célèbre signifie que l’homme vivant en communauté est tout naturellement amené à participer activement à la vie de sa communauté. C’est cela le sens philosophique profond de cet aphorisme. Ceux qui en déduisent que tout responsable d’autorité doit être forcément politique commettent un contre-sens, voire même, à mon avis, un non-sens. Ils sont en effet nombreux ceux qui, chez nous, demeurent absolument indifférents à la politique politicienne et considèrent qu’il est sans intérêt d’adhérer à un parti politique. En Algérie, la règle de la séparation entre l’Etat et le Parti ou plus exactement le postulat de la nécessaire distinction à faire entre ce qui relève de l’Etat et ce qui est du ressort du Parti, a quasiment été élevée au rang d’un dogme intangible, du temps du parti unique ! On a cependant constaté, à certaines périodes, des tentatives de porter atteinte à cette règle, en cherchant à embrigader dans le Parti-FLN les cadres supérieurs de l’Etat. Tout le monde se souvient du fameux article 120 qui exigeait de tout candidat à une fonction supérieure de l’Etat de justifier de son adhésion au Parti-FLN. Il est vite tombé en désuétude. S’agissant des walis, on avait tenté de les approcher si je puis dire, pour les soumettre au Parti, en leur faisant comprendre que s’ils veulent garder leur prééminence sur les autres membres du petit comité de suivi et coordination de wilaya, composé du wali, du mouhafedh, du chef de secteur militaire et du président de l’APW, ils avaient intérêt à aller s’inscrire à la kasma la plus proche. Plus tard, certains ont voulu qu’on ne désignât comme mouhafedhs que des membres du Comité central du FLN. Cette qualité de membre de l’instance supérieure du Parti leur aurait, pensait-on, conféré ipso facto «la prééminence» sur les walis. Au ministère de l’Intérieur, on a bien compris la manœuvre. Elle se solda par un cuisant échec : on ne peut pas prôner la distinction entre l’Etat et le Parti, et dans la pratique faire le contraire en plaçant à la tête d’un organisme administratif, un politique. Seul le président de la République, proclamaient les anciens textes, «incarnait l’unicité du Parti et de l’Etat» ! Les évènements d’octobre 1988, au cours desquels un puissant souffle libertaire et populaire a soufflé sur l’Algérie, ont décrédibilisé et délégitimé le monopartisme. Et peu importe qu’on dise encore aujourd’hui qu’ils n’ont été qu’un chahut de collégiens ou un complot ourdi par un ennemi intérieur jamais identifié. C’est faux et c’est surtout irrévérencieux pour les nombreux morts et blessés causés par la violente répression qui fut déclenchée contre les manifestants. Ces évènements tragiques, chèrement payés par de simples citoyens, ont permis l’instauration du pluralisme et l’avènement du multipartisme. D’un coup, cela a rendu sans objet la problématique créée, de toutes pièces, de savoir si le wali est un politique ou non. Enfin, la Constitution de 1996, qui s’inscrit en droite ligne des évènements d’octobre 1988, a définitivement clos ce mauvais débat «partisan », en stipulant expressément dans son article 23 que «l’impartialité de l’Administration est garantie par la loi». Non, le wali ne peut être un politique, car il serait alors nécessairement partial ! Cet article de la Constitution que les «politiques» évitent de citer malgré son importance ou plus exactement à cause des conséquences qu’il implique est, me semble-t-il, l’un des acquis les plus précieux des «évènements d’octobre 1988». Il devrait être affiché, en grosses lettres, dans tous les bureaux et salles de toutes les administrations et juridictions du pays ! Ceci étant précisé, il est néanmoins vrai que le wali concourt, de par ses attributions relatives à l’organisation des consultations électorales – qu’il s’agisse d’élections générales ou locales et de référendum — à des activités politiques, par définition et par nature. C’est le wali en effet qui lance et s’assure du bon déroulement des opérations de révision des listes électorales, de la distribution des cartes d’électeurs, de la préparation des bureaux de vote, de leur équipement en matériel, isoloirs et urnes. C’est sous sa responsabilité que les bureaux de vote sont fournis en listes d’émargement, bulletins, enveloppes et procès-verbaux. Pendant la campagne électorale, toujours limitée dans le temps, il veille au respect par les partis politiques et les candidats dits indépendants de la réglementation relative à la distribution des professions de foi et des tracts, à l’affichage et à la tenue dans le calme des réunions publiques et des meetings... Il prend toutes les mesures de police administrative pour prévenir tout trouble à l’ordre public. Il assure et assume toutes ces tâches et missions, avec l’assistance de ses subordonnés dont le directeur concerné – le Dagral – membre du conseil exécutif, les chefs de daïra. Il agit en collaboration étroite avec des présidents des APC du même ressort. Ce qui est strictement interdit au wali, c’est de prendre partie pour un candidat, un groupe de candidats, ou pour un parti politique, quel qu’il soit ou de les favoriser de quelque manière que ce soit. En tant qu’administrateur, le wali est tenu au devoir d’impartialité : c’est la Constitution qui le prescrit dans son article 23 cité ci-dessus. En tout état de cause, il serait ridicule de faire porter au wali, durant les périodes électorales, une troisième casquette, celle d’un parti politique ou d’un candidat. Nos walis n’ont aucune raison valable de se comporter comme s’ils étaient, dans leur propre pays, les ultimes résidus du gouverneur général Naegelen.
Le Conseil exécutif de la wilaya

C’est un organe collégial que préside et dirige le wali. Il se compose des différents directeurs des services extérieurs des ministères. Ce conseil qui, dans la réalité, est, par sa composante humaine et ses attributions, une commission administrative, placée sous l’autorité du wali, ne comprenait pas plus de huit directeurs les premières années de sa création. Au fil des ans, et suite à l’institution de nouveaux ministères, le nombre des directions, et donc des directeurs, a fortement augmenté. Dans une courte contribution publiée par Le Matin des 4 et 5 février 2001, il y a donc 17 ans, j’observais, «à chaque changement de gouvernement, que des départements ministériels sont regroupés, d’autres sont scindés en deux ou plusieurs entités, certains disparaissent, tandis que d’autres sont créés... Ces modifications se répercutent en général sur les services extérieurs et les directions de wilaya, d’où l’impression d’un éternel recommencement avec refonte des organigrammes et mouvements des personnels». Dans un de ses romans, le célèbre refuznik russe, Alexandre Soljenitsyne, qui a passé la moitié de sa vie dans les goulags à cause de ses réquisitoires acerbes contre le système soviétique, observait que la bureaucratie est comme un cancer car elle ne sait faire que proliférer et s’étendre ! Chez nous, les directions et les bureaux prolifèrent. Il semblerait que dans certaines wilayas, on ait atteint des records : il y aurait jusqu’à trente directions au sein du conseil exécutif. Les ministères refusent que leurs directions respectives soient regroupées dans des directions interministérielles. Tout marquis veut avoir des pages (La Fontaine). Le pire est que certaines directions de wilaya ont été scindées en deux à trois ! Mais la question qui se pose est : comment un wali peut-il animer, coordonner et contrôler tant de collaborateurs à la fois? Dans un ouvrage destiné aux dirigeants d’entreprises économiques, j’ai lu ces deus phrases : «Un chef doit avoir un nombre de subordonnés directs assez limité pour qu’il puisse effectivement les coordonner et les contrôler.... Au niveau des cadres supérieurs, le nombre limite recommandé est entre quatre et huit...» Voir : Directions et tâches de direction générale. Editions Hommes et Techniques 1969. J’entends bien qu’il faut que le conseil exécutif, à l’instar des autres organismes, s’adapte aux évolutions. Mais est-on sûr qu’un conseil exécutif pléthorique peut être dirigé, coordonné, surveillé et impulsé par un seul homme ? Autrement dit, le moment n’est-il pas venu de revoir l’organisation, les attributions et le fonctionnement des conseils exécutifs des wilayas et de changer les conditions de nomination des directeurs, dans le but déclaré et assumé de rendre ces directions et ces directeurs moins bureaucratiques mais au contraire plus performants, plus efficaces et plus efficients ? Pourquoi, par exemple, ne pas encourager les directions de wilaya à se regrouper dans des directions interministérielles ?
Le wali : servitudes et risques du métier

Le wali, ce cadre de la Nation, puissant et influent, aimé et haï, flagorné et critiqué, a ses faiblesses, ses fragilités et ses failles. Sa nomination est discrétionnaire, et se fait, dit-on, intuitu personæ. Cela ne signifie rien d’autre que l’autorité dotée du pouvoir de nomination peut choisir quelqu’un qui n’a aucun titre ou diplôme d’études supérieures ou qui ne justifie d’aucune ancienneté dans la fonction publique. Le wali est révocable ad nutum. Cela signifie qu’il peut être limogé à tout moment et sans motif déclaré. Ses valises et ses cartons contenant ses effets et objets personnels doivent être toujours prêts afin de lui permettre d’évacuer — ses bureaux et sa résidence — sans délai. Les deux locutions anciennes qu’on vient de citer, en même temps qu’elles nous révèlent l’extrême précarité statutaire du wali, lèvent le voile et nous font découvrir qu’elles couvrent les pratiques inavouables du pouvoir, en matière de nomination aux emplois supérieurs. C’est dans les nominations aux hautes fonctions que sévissent le favoritisme, le népotisme et l’arbitraire. On dit que ceux qui nomment les walis sont en droit d’exiger d’eux le loyalisme et, peut-être, quelque chose de plus, que l’on appelle l’allégeance et le conformisme. Exigera-t-on un jour de prêter serment? Mais quel serment ? Par nature, la carrière de wali est instable, précaire et aléatoire. Ce n’est pas normal. Le temps est probablement venu de doter les walis d’un statut dans lequel les devoirs et sujétions auxquels ils sont soumis seront, d’une certaine façon, en équilibre aves leurs droits.
Le wali : une proie facile

Il faut savoir aussi que, dès son installation, le wali est encerclé par tout ce que la wilaya compte d’affairistes, de mafieux, d’entrepreneurs marrons, et de tous ceux qui sont à la recherche d’avantages, de passe-droits, de contrats de fournitures ou de travaux. Dans les faits, la corruption, la subornation, la prévarication rôdent ensuite autour du wali, chaque jour et 24h/24. S’il mord, ne serait-ce qu’une seule fois, aux hameçons et aux amorces que lui lancent les pêcheurs en eau trouble et les prédateurs qui fourmillent dans notre pays, il est «échec et mat». Dès qu’il se laisse hameçonner, il a déjà perdu sa dignité d’homme et son honneur de serviteur de l’Etat. Il y a de gros risques pour qu’ensuite il perde sa liberté. C’est pourquoi il est temps, je pense, de commencer à réfléchir à la mise en place d’un système de protection particulier pour le wali, afin d’empêcher que la vague de «l’affairisme» débridé et malhonnête, qui est en train de submerger notre pays, ne l’emporte lui aussi. Il convient également de le protéger contre ses propres tentations et ses petites faiblesses. Les avantages et privilèges qui découlent de sa fonction peuvent en effet le conduire sur la pente glissante de l’usage abusif des privilèges, puis des abus systématiques. «Quel est le père du privilège ? Le hasard. Et quel est son fils ? L’abus. Ni le hasard ni l’abus ne sont solides. Ils ont l’un et l’autre un mauvais lendemain. » Citation extraite de L’homme qui rit — Victor Hugo. On devrait tous méditer l’idée que l’abus est le fils du privilège !
Conclusion

Il y a 26 siècles, un prophète des temps bibliques, qui serait du reste cité dans la Tradition islamique, a révélé à Nabuchodonosor, le très puissant roi de Babylone, avoir vu dans un rêve prémonitoire un colosse dont le corps était fait de métaux résistants — or, argent et fer —, alors que ses pieds étaient en argile et en terre friable. Une pierre tomba sur ses pieds pétris dans de l’argile, les brisa et tout le colosse s’effondra. Cette parabole biblique est devenue une métaphore. Elle nous dit qu’une personne, en apparence puissante, peut être en réalité très fragile. D’où le titre de cette contribution.
Z. S.

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