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Rubrique Contribution

ÉCOLE : Arrêtons les massacres Normes piétinées (2e partie et fin)

«Arrêtons les massacres» 
Le titre est au pluriel tant pour le sujet que pour le complément. C’est que plusieurs segments de notre politique éducative sont gangrenés. D’où le complément au pluriel. Dans cette modeste contribution, on se contentera d’en citer quelques-uns seulement – tant la liste est longue et ne cesse de s’allonger depuis quatre décennies environ.
Concernant le sujet de la phrase, la première personne du pluriel s’impose. En effet, si une grande partie de la responsabilité incombe au pouvoir politique en place depuis l’indépendance — davantage depuis la fin des années 1980 —, il n’en demeure pas moins que d’autres acteurs participent, peu ou prou, à ces massacres. Activement ou passivement. 
Partis politiques, syndicats d’enseignants, parents — parmi eux les mieux informés —, universitaires, intellectuels: tous doivent interpeller leur conscience quant à leur silence face à ce mépris des normes internationales (scientifiques et/ou pédagogiques). Il est vrai que parmi ces organisations et ces universitaires se trouvent des partisans du statu quo. 
Pire, pour des calculs politiques/idéologiques, ces derniers applaudissent devant le refus du MEN (acté depuis des décennies) d’appliquer ces normes scientifiques et pédagogiques. C’est de bonne guerre ! Ces normes étant un fort antidote à leur poison idéologique, leur fonds de commerce. Ils sont allergiques à une école moderne, ancrée dans son humus identitaire, l’algérianité, et ouverte sur l’humanisme universel. Pour eux, l’école ne doit être qu’une fabrique de futurs militants acquis à leur idéologie laquelle s’oppose à la culture et à l’histoire de notre pays. Une idéologie basée sur le baâthisme de bas étage, couplé au wahhabisme le plus rétrograde. D’ailleurs, ils ont, en partie, réussi, à voir les comportements et les codes vestimentaires et les rituels religieux en vogue dans notre société, depuis un quart de siècle. 
Certains médias lourds publics et surtout privés sont la traduction fidèle de cette idéologie qu’ils propagent au quotidien. Des TV qui importent jusqu’à des prédicateurs enturbannés pour nous wahhabiser davantage. D’où ces patrons de presse et ces journalistes tirent-ils cette culture de la haine de soi que leur procure le wahhabo-baâthisme si ce n’est dans une scolarité reçue et gérée dans le déni des normes internationales ? 

Massacres et normes
Ce mépris des normes internationales et l’aveuglement idéologique se retrouvent dans le «massacre» que subissent les langues (et pas seulement). Listing macabre pour vous servir.
• La langue maternelle. Toutes les sciences du langage, ainsi que la psychologie rejoignent le bon sens et la logique pour recommander le contact de l’enfant avec sa langue maternelle (arabe algérien, tamazight pour le cas de l’Algérie) dans les premières années du primaire. La raison évoquée est d’ordre psychologique (ressorts affectifs de la motivation) ; la langue maternelle devenant, ainsi, un puissant facilitateur des apprentissages de base que sont le calcul et l’écriture/lecture. L’idéal est que la langue maternelle (au sens scientifique du terme) soit langue d’enseignement, y compris à l’université. Un luxe impossible pour le moment chez nous. Autre argument qui exige le respect de cette norme établie (la langue maternelle) : l’enfant positivera l’image de soi en entrant à l’école à 6 ans.
Il est établi que pour les enfants du monde entier, l’entrée en première année d’école constitue un choc. Choc affectif : il quitte son cocon familial et découvre un milieu étranger. Choc intellectuel aussi : il rencontre une langue «étrange» et très difficile d’accès et de compréhension. Dans beaucoup de pays, cette langue «étrange» n’est autre que sa langue maternelle qu’il parle bien pourtant. Mais là elle devient étrange parce qu’écrite. Mais le choc est moindre chez eux, comparé à l’enfant algérien. Celui-ci va rencontrer l’arabe classique (nullement parlé dans aucun pays du monde arabe), soit une langue écrite «étrange» et… étrangère (au sens que lui donnent les linguistes). Il aura un choc supplémentaire par rapport à ses pairs d’autres pays qui ont la chance de rencontrer leur langue maternelle… même écrite. Quand on sait que les apprentissages de base des trois premières années du primaire (écrire, lire et calculer) conditionnent toute la scolarité, il est facile de comprendre les taux effarants de redoublement  et le faible niveau de l’enseignement en général. Un autre indice parlant : qu’on aille se renseigner sur le nombre de lecteurs (pas de journaux mais de romans) chez les libraires, éditeurs et auteurs algériens (toutes langues confondues). Un nombre infime comparé à la population «instruite». Ce déni de la norme (langue maternelle) dure des décennies dans un silence complice des adultes «éclairés» et dans la souffrance impuissante de nos enfants. Bien au contraire, il a fallu d’une recommandation en phase avec cette norme pédagogique et qui a été proposée lors de la conférence nationale d’évaluation de la réforme (juillet 2015) pour que les tambours de la guerre linguistique résonnent dans certains journaux et plateaux de TV privées. Pourtant, il n’était question uniquement que de faciliter à l’enfant de 5/7 ans la compréhension de l’arabe classique. Rien ! Les gardiens du temple veillent au verrouillage de la porte qui donne sur les lumières. Leurs enfants sont biberonnés dans les écoles privées. Autre massacre : l’apartheid linguistique. Avec d’autres pays arabes, nous sommes le seul pays au monde où il y a coupure entre la langue d’enseignement du système scolaire et celle de l’université. Une hérésie concoctée dans les officines obscures de l’ex-parti unique par des gens aveuglés par un esprit revanchard de mauvais aloi ! Les dommages sont énormes. On aura l’occasion de les énumérer lors d’une prochaine livraison. Les perdants ? Une société culturellement et linguistiquement coupée en deux et nos enfants, parqués selon la langue : ceux nés avec «une cuillère d’or» issus de familles aisées, et ceux «mal nés».
Quant aux normes élémentaires portant horaires des langues, elles sont magistralement foulées aux pieds. La norme exige que le volume horaire hebdomadaire de la langue d’enseignement ne saurait excéder 20% du volume global (y compris les autres disciplines). 
En Algérie, ce taux a frisé les 70% pour redescendre à 60% aux premières années de la réforme (début 2000). Cette hypertrophie de l’horaire de l’arabe se fait au détriment de l’horaire des autres matières. Et aussi, au détriment de la langue arabe, elle-même. Ainsi, quand la norme exige une séance par jour pour que la langue étrangère soit bien enseignée (sans oublier la méthode et le profil de l’enseignant), en Algérie ces langues étrangères ne jouiront pas de cette séance quotidienne. Motif invoqué ? Pas touche à l’arabe, constante nationale. Ignorance crasse et aveuglement idéologique dont la langue arabe sera victime tout autant que ces langues étrangères. Jamais les fans de «l’ingliz rahmat Rabi» (les partisans de l’anglais à la place du français) ne se sont préoccupés de ces normes élémentaires dictées par la pédagogie des langues. Pour que leur langue étrangère «adulée» soit bien enseignée et… bien apprise. Un mot sur le massacre des méthodes d’enseignement/apprentissage. Les enfants algériens s’échinent à ingurgiter des kilomètres de lignes à «parcœuriser». A se croiser les bras et écouter passivement le maître ou la maîtresse,  de longues heures, collés à leurs   chaises. 
A croire que les concepteurs de ces méthodes considèrent leur cerveau comme un entonnoir dans lequel déverser des «connaissances». Il s’agit là d’une pratique pédagogique dangereuse. Elle était en vogue en Europe dans les écoles catholiques du XIXe/début du XXe siècle et elle est toujours vivace dans nos zaouïas et nos écoles dites religieuses. 
C’est ce qu’on appelle la pédagogie noire, bonne et efficace pour endoctriner, embrigader en anesthésiant les fonctions intellectuelles supérieures de l’enfant (analyse, synthèse, esprit critique, jugement, esprit créatif).  Pour mettre en place une méthode (des méthodes d’enseignement) et élaborer un programme d’enseignement, la pédagogie moderne exige de tenir compte des centres d’intérêt et des besoins intellectuels (et psychoaffectifs) des élèves ciblés. Et dans la pratique du maître, de se hisser au niveau du rythme d’acquisition de chaque élève. Malheureusement, nous en sommes au temps de l’archaïsme moyen-âgeux : seuls comptent le parcoeurisme et la restitution fidèle des leçons lors des épreuves d’évaluation/sanction. Pour cela l’enseignant algérien a été formé pour faire du bachotage : une pratique confortable qui lui permettra de reprendre le même cours pendant des années. 
Une question taboue pour conclure. Celle que refusent de poser ces antilangue française — encore moins d’y répondre : comment se fait-il qu’après un cursus scolaire de 13 ans d’arabe, 9 ans de français et 7 ans d’anglais, le bachelier algérien n’arrive pas à maîtriser une de ces langues ? Certes, il y a des exceptions parmi ces bacheliers. Et la responsabilité ne leur incombe pas.
A. T.

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