Placeholder

Rubrique Contribution

Portrait critique… d’un critique

Par Boualem Aïssaoui
La nouvelle grille des programmes de cette grande télévision publique, qui réussit l’exploit de diffuser en plusieurs langues  sur cinq canaux à la fois  avec un seul budget, à peine dévoilée en conférence de presse, que notre journaliste-critique, qui n’est pourtant qu’à ses débuts, a déjà le        doigt levé pour poser la première question.

Ecoutant à peine la réponse du directeur général de l’entreprise, toujours qualifiée d’«orpheline» dans le paysage audiovisuel national, alors qu’elle est entourée d’une trentaine de télévisions privées dont on ne sait toujours pas si elles sont conformes à la loi mais qui mordent à pleines dents dans le marché publicitaire qui assurait naguère son train de vie festif, il va enchaîner jusqu’à huit questions, monopolisant la parole, s’asseyant et se relevant bruyamment pour mieux braquer sans doute dans sa direction les caméras qui filment la cérémonie, et  bien sûr les yeux de l’assistance qui commence à montrer des signes d’agacement devant un comportement qui donne une bien mauvaise image des écoles de journalisme et des instituts de communication, dans le cas bien sûr où le «héros» de cette chronique serait sorti de leurs rangs. 
Dans cette salle archicomble, alors que ses confrères peinent à  placer une seule question  et à se faire entendre par le maître des lieux, un homme à la courtoisie et à l’élégance connues de tous, qui se retrouve pratiquement enfermé dans un tête-à-tête sans fin avec un critique décidément adepte du monopole de la parole, plus enclin à étaler ses fraîches connaissances, à plaire, qu’à poser de vraies questions, il n’hésite pas entre deux à trois mouvements  à lancer  un regard furtif autour de lui, comme pour s’assurer qu’aucune personne n’est en mesure  de lui ravir le premier rôle dans ce traditionnel rendez-vous de presse.
Au détour d’une énième intervention, il ne craint pas, c’est  sans doute dans sa nature, de distiller des insinuations assassines sur les capacités des producteurs et réalisateurs indépendants devenus au fil des ans des partenaires de la télévision publique et bien souvent la «cible» privilégiée de ses  tribunes, et  d’enfiler  séance tenante le costume d’un juge d’exception,  délivrant ici et là, des sentences sans appel  sur les productions passées et même  sur  celles à venir, aux lieu et place de questions  et de commentaires apaisés. A moins qu’il ne cherchait déjà à l’époque à faire «une offre de service» au premier responsable de la télévision publique, lequel, sans rien demander, verra les jours suivants notre critique s’étaler «en confidences» dans des articles qui relèvent souvent de la manipulation de l’opinion publique et de la diffamation, sur les budgets faramineux qu’auraient «empoché»  des producteurs privés, communauté professionnelle à l’égard de laquelle il a nourri très tôt avant de la rejoindre une hostilité maladive qu’il aurait  pourtant gagné à soigner sur un divan pour éviter qu’elle ne lui explose un jour en plein visage, lorsque l’évocation de son seul nom associé à une fonction ou à une promotion ne vienne soulever une bruyante réprobation sur les pavés de la ville et sur la Toile,  au moment  même où «la bonne nouvelle» lui parvient.  Une promotion que nombre d’observateurs et d’acteurs de la scène audiovisuelle et cinématographique se seraient précipités à saluer au lieu d’en éprouver un rejet immédiat, s’il n’avait pas accumulé de son côté, d’une tribune à une autre et des années durant, des rapports inutilement conflictuels avec la profession, que ses  «cibles» comptent des milliers de mètres de pellicules à leurs compteurs, ou qu’elles se recrutent dans la nouvelle vague combien prometteuse du cinéma algérien.
Ce jour-là, il a pu mesurer sans doute  l’indice de son impopularité sur l’échelle des écarts et des excès  dont il s’est rendu coupable aux yeux de nombreux acteurs de l’activité audiovisuelle et cinématographique qui lui permettent pourtant de gagner son pain quotidien même lorsqu’il les poursuit inlassablement armé d’une faux à la lame tranchante à la place de la plume, transformant la tribune qu’il «anime» dans un respectable quotidien national en «échafaud» sur les marches duquel il éprouve apparemment un infini plaisir à voir rouler les têtes de ses «victimes». 
En s’affranchissant ainsi sous la poussée incontrôlée de ce sentiment confus qui aveugle les êtres à l’ambition dévorante des règles de l’éthique et de la déontologie communément admises, et  dans lesquelles se ressource le regard des grands critiques qu’on aurait aimé voir inspirer son parcours en toutes circonstances, il va  concourir, en définitive, à nourrir le  rejet que l’évocation de son seul nom va susciter un moment sur la place publique professionnelle et sur les réseaux sociaux, y compris parmi ceux qu’il croyait être de fidèles amis pour le meilleur et pour le pire.
Dans cette chronique quotidienne, sous un pseudonyme sorti tout droit d’un conte des Mille et Une Nuits mais dont le secret est vite tombé dans le domaine public, dévoilant ainsi l’identité réelle de celui qui pensait pouvoir s’y cacher indéfiniment pour vaquer, sans crainte d’être démasqué, à son «jeu de poursuite» favori, entre deux à trois  comptes rendus de sondages bien documentés, mais dont le choix n’est pas toujours innocent, de commentaires souvent élogieux sur des programmes audiovisuels et cinématographiques venus d’ailleurs, il croquera à pleines dents d’une édition à une autre, dans des termes qui trahissent souvent une tendance facile à la nuisance qui lui collera  d’ailleurs à la peau comme une marque de fabrique, toute œuvre  audiovisuelle ou cinématographique «bien de chez nous» qui a le malheur de ne pas répondre  pas à ses critères personnels.  
Dans ce qui s’apparente à un «jeu de massacres», il prendra en premier lieu pour cibles  les créations dont la valeur intrinsèque et la notoriété du porteur peuvent ajouter  du crédit à son tableau de chasse et à son statut de critique «sans peurs et sans reproches» dans un milieu professionnel sans organisation propre et sans défense, comme il peut tout simplement  «s’intéresser», on saura rapidement de quelle façon, aux œuvres qui présentent selon la pensée secrète  que lui prêtent ceux qui savent décrypter ses codes, le risque de desservir son ascension solitaire, sans concurrent ni rival, s’il venait dans ses écrits   à en reconnaître  les qualités  et le talent. En somme, l’homme  fonctionne à bien des égards comme un parti unique  qui veille  en permanence à écarter de son chemin tout  obstacle réel ou virtuel, pour s’assurer une prééminence durable et rentable face à des rivaux déclarés ou en devenir. Il est vrai aussi que dans un pays qui a grand besoin de célébrer ses réussites, notamment dans le domaine des arts, le dénigrement de tout ce qui pousse et avance reste malheureusement, à bien des égards, une «culture» très partagée. 
Comme pour ne laisser ni champ ni écran libre à d’éventuels concurrents, notre journaliste-critique à la plume décidément vagabonde et bien souvent insolente, occupera plusieurs espaces, sous diverses  casquettes. 
 A côté de sa tribune quotidienne dans laquelle il délivre le plus souvent des réquisitoires sans appel sur ce qui fait l’activité audiovisuelle et cinématographique nationale à l’exception de certains symboles qu’il juge «rentable» de ne pas y toucher, notre critique signera  des articles  sous des appellations empruntées à l’état civil ottoman sans se soucier d’apparaître  dans l’imaginaire d’un grand nombre de ses lecteurs sous les traits d’un gouverneur à la main lourde  qui excelle dans les travaux de démolition. Il exercera  également un temps, sans état d’âme, certainement confiant dans ses convictions patriotiques, des fonctions de chargé de la communication  dans une ambassade d’un pays du Grand Nord, présidera, après l’avoir fondée dans la discrétion, une association qui se revendiquera ni plus ni moins des «deux écrans», cinéma et télévision, pour ne rien laisser à l’époque aux autres associations du secteur dont il n’a eu de cesse de diminuer de l’action sinon de la pourfendre comme s’il était en «service commandé», avant de créer dans la foulée un festival international de films dont il sera à la fois l’organisateur, le sélectionneur, le commentateur et presque le jury, disent, à tort ou à raison, ceux qui, à leur tour, en font la critique.  On retrouvera notre «critique-vedette» à la tête d’un site électronique d’information générale dont l’éditorial porte naturellement sa signature surmontée cette fois-ci de sa véritable photo pour en finir sans doute avec la clandestinité qu’il s’était grossièrement imposée, s’initiera à la production audiovisuelle et cinématographique et à la réalisation avec un camescope qui ferait le bonheur des heureux gagnants du célèbre jeu du «Juste prix» dans sa version étrangère ou locale, enchaînant des interviews de vétérans du métier pour soigner sa propre image et gagner vite «par la proximité» une légitimité dans le milieu professionnel.
Se démultipliant comme un animal à plusieurs têtes ou plusieurs pattes, il fera de nombreuses apparitions dans des festivals étrangers, siégera dans des jurys de films où il rencontrera, parfois sans s’y attendre, des aînés qu’il n’a eu de cesse de «critiquer» injustement dans ses écrits et dont il découvre subitement, finit-il par reconnaître, à                  la fois la longue expérience et l’humilité intellectuelle. Dans les commissions de visionnage, il est connu pour trouver d’emblée, à quelques exceptions près, tous les défauts à des films algériens destinés à une avant-première ou à une distribution commerciale, qu’il abat par des formules prêtes à l’emploi où l’hostilité tient lieu  dans de nombreux cas d’argumentaire, et lorsque l’occasion lui sourit de souscrire enfin en qualité de producteur-réalisateur à des appels à projets, de signer des engagements et d’encaisser d’appréciables avances, il peinera, dit-on, à livrer en retour une seule minute de film, allant jusqu’à s’exposer à une légitime mise en demeure, sans que l’information fasse l’objet  de sa part, au moins une fois, d’une autocritique salutaire dans sa chronique favorite à laquelle on aurait, pour une fois, très volontiers applaudi.
Et si  par bonheur il bouclera à un moment de son parcours un documentaire construit toujours à base d’interviews, il n’hésitera  pas « au bon moment», à user de méthodes  pas très confraternelles  et à entrer en bataille, selon des  «gorges profondes», pour tenter de faire de l’ombre à une  œuvre à caractère historique qui a eu «le malheur» d’investir le contexte dans lequel a baigné son  propre sujet.
 Même si à l’évidence, l’œuvre dont il s’agit est conçue et réalisée dans une approche bien différente, sous-tendue par un remarquable travail de recherche dans plusieurs continents, une œuvre portée de surcroît par un documentariste au long cours qui a recueilli quant à lui les suffrages nécessaires pour entrer en compétition dans ce festival international algérien de création récente, qui aurait pu faire l’économie de ce triste épisode, resté heureusement aux portes des coulisses. 
Peut-on dire de cet homme, journaliste politique, critique, attaché de presse, animateur, producteur, réalisateur, président d’association, festivalier, membre de commissions et de jurys, autant de fonctions nobles, qui n’a raté aucune occasion pour se faire «connaître», qu’on aurait aimé entendre cependant sur les traitements  discriminatoires et les injustices qui marquent  un secteur culturel où le parti pris, le discours démagogique, l’arrogance, le fait du prince  et la querelle ont atteint des hauteurs jamais égalées, selon ce que rapportent des observateurs incorruptibles ou tout simplement des victimes, peut-on dire de cet homme qu’il a réellement beaucoup fait pour le «métier», ou qu’il a grandement participé au «rayonnement»  du septième art dans son pays  comme il a été entendu ? Mais peut-on aussi le haïr en se servant des mêmes armes avec lesquelles il n’a pas hésité à «terroriser» des années durant, de façon tantôt sélective tantôt systématique, nombre  de créations audiovisuelles et cinématographiques en élevant bien souvent au rang de lignes éditoriales la critique négative «globalement et dans le détail» pour emprunter au langage diplomatique  et  le dénigrement  jusqu’aux  limites  parfois de la diffamation ? Non, cet homme mérite assurément d’être aidé et accompagné dans une «rééducation» salutaire même si la prononciation de ce seul terme réveille dans l’imaginaire collectif de mauvais souvenirs. Celle-ci passe nécessairement, sans en référer forcément  à un cheikh cathodique, par un repentir individuel auprès de ceux qui considèrent avoir été injustement «attaqués» au fil de ses tribunes, et par le recours à une autocritique publique aux bienfaits réparateurs d’une image que l’exercice  d’une  «critique à tout prix»  a  fini par abîmer.
Pour peu qu’il veuille s’extraire définitivement du vilain costume qui a fait jusque- là sa «notoriété», il sortira  grandi d’une réconciliation féconde avec les vertus d’une plume dont la liberté de mouvement ne sera plus jamais employée ni à blesser ni à détruire mais bien plus à construire, continuant de relever, cette fois-ci avec le regard d’un homme juste, les insuffisances et les défauts des uns et des autres dans les œuvres artistiques livrées au public et  par conséquent à la critique, ou d’en souligner, lorsqu’il le faut, toutes les qualités, sans que cela diminue en rien de  ses propres aptitudes. 
En lisant ces lignes, s’il ressent au fond de lui-même, dans la solitude du moment, qu’il est enfin devant un miroir qui lui renvoie sa propre image en lui offrant les moyens de la corriger et de la parfaire, il pourra désormais entamer dans des conditions apaisées une nouvelle séquence dans sa vie professionnelle au service de la promotion et du rayonnement de la culture dans son expression audiovisuelle et cinématographique, qui retrouveront,  dès lors, la plénitude de leur sens.
Faut-il attendre  que  «notre critique national» prenne de l’âge pour l’envoyer  dans les murs du musée du cinéma dressé au centre de la capitale, dans une artère qui porte le nom d’un héros de la révolution  qui mérite, comme ses illustres compagnons de lutte, plus d’un film, sans controverses ni interdits ? 
Si la succession à la tête de cette institution publique au passé prestigieux qui a accueilli les grands noms du cinéma mondial est ouverte,  cet homme facilement reconnaissable par les lecteurs qui suivent l’actualité artistique et notamment cinématographique, dont on ne peut nier la curiosité intellectuelle, le rapport passionnel à l’image, l’élégance et la sympathie au premier abord, et dont on ne peut pas dire qu’il n’a fait que du mal malgré la sévérité du regard qu’on peut porter sur son jeune  parcours, gagnera-t-il, une fois son autocritique assumée en toute gravité, son ticket d’entrée pour faire de cette merveilleuse maison du septième art une plate-forme solide pour une véritable relance du cinéma en Algérie, loin des discours démagogiques de ceux qui ont déjà échoué dans cette tâche chaque fois recommencée ?
 Sous d’autres cieux, les maîtres d’établissements similaires sont connus comme des hommes de  grande culture, de sagesse et d’indépendance de l’esprit, capables d’échanger et de commenter en toute sérénité  et  en toute humilité, se consacrant sans cesse, dès l’instant  où ils ne souffrent d’aucune illégitimité, à  promouvoir les œuvres et  à honorer la personnalité des auteurs dont la qualité et le talent se sont imposés à leur programme. Saura-t-il s’en inspirer  dans ses réflexions et ses actes ?
Il en sera grandi pour le reste de sa carrière et tous ceux qui l’ont chahuté un moment en seront finalement  récompensés, car d’une certaine façon c’est bien grâce à leur colère qu’il a pris conscience du bien qu’il pouvait faire en se délestant du mal qu’il leur a consciemment ou inconsciemment fait subir, renouant ainsi avec l’esprit et la lettre de la liberté d’expression          conjuguée aux seules valeurs de l’éthique, du professionnalisme et de la responsabilité assumée en toute conscience, qui protègent de toutes les dérives celui qui s’y conforme avec excellence en toutes circonstances.
B. A.

Placeholder

Multimédia

Plus

Les + populaires de la semaine

(*) Période 7 derniers jours

  1. Intempéries Quatre personnes secourues à Tizi-Ouzou

  2. Air Algérie annonce la suspension de ses vols à destination de la Jordanie et du Liban

  3. Trafic de drogue Un réseau tombe à Oran

  4. Sfisef (Sidi-Bel-Abbès) Lumière sur l’assassinat des 3 taxieurs retrouvés enterrés dans une ferme

  5. CNR Les retraités appelés à utiliser la technique de reconnaissance faciale via "Takaoudi"

  6. KFC Algérie ferme deux jours après son ouverture

Placeholder