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Rubrique Contribution

Pourquoi l’anglais, où en sommes-nous et pour aller où, ensuite ?

Par le Pr Baddari Kamel(*)
La diversité culturelle et linguistique remonte à plusieurs millénaires et donne naissance à des langues de communication interethniques variées. Pour la communication de nombreux peuples d'Extrême-Orient, l’akkadien a été pratiqué au IIe millénaire avant J.-C., ensuite la langue de communication mondiale est devenue le grec ancien (à l'époque romaine), puis le latin (au Moyen- Âge). Ce dernier a été étudié comme langue étrangère pendant près de 15 siècles. La méthode d'enseignement du latin a eu un impact significatif sur l'enseignement des langues vivantes d'Europe occidentale. Du XVIIe au milieu du XXe siècle, le français est devenu la langue universelle en Europe, une langue qui servira en particulier à répandre les idées philosophiques, sociales et le rayonnement littéraire de la France. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’anglais a conquis une place déterminante dans la communication internationale et interculturelle, dont l'influence est désormais mondiale. Chaque nation apporte ses propres modifications à l’anglais traditionnel, y compris la prononciation, la formation des mots, la signification et l'utilisation du vocabulaire, ainsi que les caractéristiques culturelles du mode de vie. Dans différentes régions, l’anglais est représenté par des variantes et des dialectes dans lesquels il existe à la fois des américanismes et des briticismes, ainsi que des unités lexicales caractéristiques d'autres variantes et dialectes de la langue. L'anglais américain prétend être la langue de communication mondiale.

Pourquoi la langue anglaise est-elle devenue mondiale ?
Actuellement, dans le contexte de la mondialisation, nous assistons à une augmentation rapide du nombre d'anglophones pour qui l’anglais n'est pas natif. La réponse à la question de savoir pourquoi l'anglais est devenu dominant doit être recherchée dans les événements historiques des trois ou quatre derniers siècles. La première raison de son omniprésence est liée à la politique coloniale de la couronne britannique qui a commencé au XVIIe siècle, et conduit à la capture par l'État insulaire de la majeure partie des terres de notre planète. Après avoir soumis la Nouvelle-Zélande (1769) et l'Australie (1788), ainsi que de nombreux territoires d'outre-mer dans l'Atlantique, dans l'océan Indien et dans le Pacifique, de nombreux pays d'Asie et d'Afrique, de l'Inde ancienne et une bonne moitié du territoire du continent relativement nouveau — l'Amérique du Nord —, les Britanniques ont organisé un commerce à grande échelle des ressources des pays colonisés. Pour établir des relations commerciales, ils ont naturellement utilisé leur propre langue, reléguant les locaux au second plan.
En plus du commerce, des succès notables sont apparus dans d'autres domaines, tels que la littérature, la recherche scientifique et l’industrie. Beaucoup de gens apprenaient l'anglais uniquement pour lire Shakespeare dans la version d’origine ; et la révolution industrielle du XVIIIe siècle de 1760 à 1850 environ marqua un tournant dans l’histoire du monde, car elle inaugura une période de croissances industrielle et économique soutenues par l’anglais. Il eut enfin beaucoup d’inventions britanniques célèbres et de produits anglais nouveaux, ce qui a permis à la Grande-Bretagne de repousser, dans cette période, ses frontières technologiques et anglophones. En plus de l'anglais qui a été utilisé comme l'un des instruments de l'unité nationale des citoyens des États-Unis, ces derniers, à un moment donné, se sont libérés avec succès de la dépendance coloniale britannique, et sont devenus l'hégémon mondial. Il faut ajouter que la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) n'a pas été dévastatrice pour tout le monde : alors que les pays du continent européen, l’Union soviétique et le Japon étaient économiquement gravement touchés, les USA non pas subi autant de pertes, au contraire, ils ont continué à se développer dans les domaines économique, diplomatique, scientifique, militaire ; mieux encore, leurs réserves en or ont augmenté, et le dollar a été imposé dans le monde entier. Naturellement, l’anglais comme lingua franca était l’outil adopté pour les transactions économiques. Pourquoi ? La réponse est simple, certainement pour les mêmes raisons du XVIIe siècle, qui est celle qui se résume dans l’idée suivante : celui qui est le plus fort a toujours raison. Dans les conditions actuelles, c'est dans ce pays que se développaient rapidement les sciences et les technologies, y compris les technologies informatiques, qui sont devenues le moteur du développement de la société humaine moderne. L’ordinateur et l’internet, ces deux inventions de diffusion de l’information, mis au point aux USA, ont contribué grandement à l’internationalisation de l’anglais. La plupart des plates-formes logicielles ont été créées par des spécialistes anglophones. Les utilisateurs qui ont besoin d'utiliser ces technologies doivent s'adapter. Qu'il suffise de dire que l'anglais est la base de tous les langages de programmation (tous les termes et abréviations viennent de l’anglais), et les scientifiques de différents pays du monde se réunissent dans la Silicon Valley, et communiquent en anglais. Toutes les publications scientifiques de renommée sont en anglais, et jusqu'à 90% des ressources internet le sont également. Les universités les plus prestigieuses du monde sont anglophones. De plus, les États-Unis fournissent généreusement au monde les produits de leur industrie du divertissement (films, musique pop, spectacles divers, mouvements de jeunesse). D’Amérique sont venus le blues, le jazz, le rock and roll, le hip-hop. Hollywood est devenu dans les années 1920 le foyer du cinéma, avec tous les privilèges d’une industrie de divertissement, des centaines de films y étaient produits chaque année et de nouveaux talents d’acteurs et de réalisateurs sont nés. Ainsi, aujourd'hui, l'anglais est la langue du commerce et des affaires, de la science et de la technologie, des industries de l'information et du divertissement, du voyage et du tourisme, de la culture des jeunes... L'anglais est actuellement parlé par 1,2 milliard de personnes. Dans 90 pays, la langue anglaise est soit une deuxième langue, soit largement étudiée.
«L'une des principales raisons pour lesquelles une langue acquiert un statut international est le pouvoir politique de ses locuteurs», explique David Crystal dans son livre English as a global language, Cambridge University Press, 2003. Enfin, selon lui, ce qui rend une langue mondiale n'est pas le critère de : combien de personnes la parlent, mais plutôt qui sont ces personnes et quel est leur pouvoir ? Les jeunes d’aujourd’hui s'intéressent à l'anglais du fait qu'il ouvre de grandes opportunités tant en termes de communication, y compris via internet, que d'évolution de carrière. En même temps, il a une grammaire simple et un apprentissage facile par une certaine schématisation dans sa construction, une absence de déclinaisons et de conjugaisons, il n'y a que deux cas, des mécanismes élémentaires d'emploi des articles et des adjectifs, un vocabulaire très riche, par les noms qui n'ont même pas de division en masculin et féminin, et, par conséquent, sans terminaisons de genre pour les verbes, etc. À cet égard, chaque personne peut apprendre l'anglais sans trop de difficulté. Le rêve américain semble être un idéal !

L’anglais en Algérie, la marche vers un positionnement attractif ?
L’anglais sera appris dès le primaire. Jusqu'à cette date, l'étude de cette langue n'était obligatoire qu'à partir de la première année moyenne, suite à la réforme de 2003. Rappelons-nous. En 1992-1993, le projet proposant aux élèves et à leurs parents de choisir entre le français et l'anglais comme langue étrangère obligatoire au primaire n’a pas pu se réaliser. Dans le contexte actuel, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a ordonné, le 19 juin 2022, lors de la réunion du Conseil des ministres qu’il a présidée, d'adopter l’enseignement de la langue anglaise à partir du cycle primaire. Bien évidemment, à l'école primaire d’aujourd’hui, l'apprentissage se fera de manière ludique et visera davantage à intéresser l'enfant à une nouvelle matière et aux opportunités qu'elle offre.
Le concept général devra prévoir un ensemble d’objectifs compréhensibles et échelonnés à atteindre. Dans cette perspective, le CECR (Cadre européen commun de référence pour les langues) peut être proposé pour faire état d’un rôle et d’attentes à l’égard de l’organisation et des contenus langagiers de l’enseignement des langues vivantes. Bien sûr, le contexte étant différent, il faudra probablement adapter certains approches, thèmes, critères et compétences. Ainsi, à la fin du cycle primaire, les écoliers acquerront l'expérience initiale de l'utilisation de l’anglais comme moyen de communication interculturelle, comme un nouvel outil pour comprendre et utiliser des expressions familières et des textes très simples ; s’exprimer oralement en continu sur des sujets simples et écrire des expressions et des phrases simples ; ... Cela peut être organisé pour viser le niveau A1 (niveau introductif et de découverte) du CECR. Pour qu’il soit atteignable, il faudra néanmoins des mesures fortes sur toutes les dimensions qui font système et permettront d’éviter à cocher la case des occasions perdues.
La charge principale devra incomber au CEM. Le niveau d'apprentissage de l’anglais à la fin du cycle moyen devrait offrir à nos élèves la possibilité de communiquer avec leurs pairs anglophones ; de comprendre à l'oreille des textes familiers ; écrire une lettre ; remplir un questionnaire ; maîtriser des minimums grammaticaux et lexicaux ; développer des compétences discursive et socioculturelle ; ... Ceci établit explicitement le niveau A2 du CECR comme grille des seuils minima à atteindre.
Le lycée est, par excellence, le lieu de la diversité. Une approche nouvelle de l'organisation de l'enseignement devra être introduite et qui consistera en son profilage (English for Specific Purposes). Ceci implique une formation pré-professionnelle des élèves dans trois domaines : social et humanitaire, sciences naturelles, et technique. Au terme de la terminale, on suppose que l’élève devra conduire une communication libre avec des locuteurs natifs sans difficultés pour les deux parties, sera capable d’établir et maintenir des contacts sociaux axés sur le profil ; comprendre le sens et les détails des textes sonores, des reportages de radio et de télévision ; lire et comprendre des textes courts de vulgarisation, des textes journalistiques ; écrire de courtes lettres simples, etc. Un tel énoncé de tâches correspond au niveau de formation en fin de terminale se situant autour de B2, c'est-à-dire celui du locuteur indépendant.
La continuité de l'enseignement de l’anglais dans la chaîne universitaire devra avoir pour extrants l’exploitation libre de l'appareil scientifique et conceptuel de la spécialité, la maîtrise des compétences d'interprétation de l'information scientifique, et l'écriture académique. Cela garantira un libre échange de vues au niveau international lors des débats, conférences et forums. Ainsi, l'enseignement de l’anglais dans les universités à disciplines non linguistiques (hors spécialité en langue anglaise) peut être substantiellement représenté sous la forme d'une formule de niveau B2/C1, qui correspond à la connaissance standard internationale d'une langue étrangère.
De fait, l’Algérie tirant ses richesses de ses enfants, le développement du plurilinguisme dans son système éducatif doit préparer la personnalité des élèves à l’activité professionnelle future, la construction de la nation, l’accès au monde, l'appréciation des valeurs humaines universelles, et au renforcement de la pertinence de l’éducation à la citoyenneté.

Quels en sont les besoins ?
Pour donner tout son sens à cette œuvre, il faut mettre en place une entité de haut niveau, du type commission nationale sur l’enseignement et l’apprentissage de la langue anglaise. Elle sera composée d’hommes et de femmes de métier représentants de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de l’enseignement et de la formation professionnels, des affaires étrangères, de l’académie algérienne des sciences et technologies, du Parlement, du Conseil économique, social et environnemental, du Conseil supérieur de la jeunesse, des organisations syndicales d'enseignants, des collectivités locales, et des chercheurs en éducation. La commission sera chargée notamment de formuler des propositions et tracer des modèles susceptibles de transformer l’enseignement de l’anglais du primaire à l’université.
À ce credo de base, la réforme exigera la modification des méthodes et des contenus. Ainsi, le président de la République a mis l’accent, selon le communiqué du Conseil des ministres du 19 juin 2022, sur la nécessité de réviser les programmes éducatifs en se référant à l'esprit pédagogique... En cela, un programme de mesures devra être mis en œuvre ; il devra, entre autres, comporter : un nombre suffisant d’enseignants ; une formation pédagogique initiale et continue des enseignants ; des groupes de compétences ; des procédés pédagogiques appropriés ; des ressources pédagogiques ; une dotation horaire suffisante ; des séjours et échanges linguistiques des enseignants ; une articulation entre programmes du primaire au supérieur pour prendre en compte le continuum des acquis ; une prise en compte des caractéristiques sociolinguistiques et des besoins d’établissements... sont autant de facteurs qui permettent au navire de garder le chenal. Il est fort probable que la question de première langue vivante étrangère se posera. Dans l’hypothèse où l’on s’accorde à proposer l’anglais avant le français, les programmes de français seront à repenser. Dans un souci d’efficacité, il faut examiner les rôles des deux langues dans le curricula des apprenants de manière intégrée.

Et pour ne pas conclure
Les écoliers algériens commenceront à apprendre l’anglais dès le primaire. Cela exigera des moyens. En particulier, une réforme des enseignements des langues vivantes étrangères est nécessaire, pour qu’ils deviennent d’un niveau mondial.
Last but not least…, l’enseignement de l’anglais ne sera prospère que s’il change ses approches actuelles. Certes, il faudra des repères qui font sens ; ce qui implique une dynamique et des styles nouveaux.
B. K.  

(*) Professeur des universités
Université Mohamed-Boudiaf, M’sila
Courriel : [email protected]

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