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Rubrique Contribution

Requiem pour l’Opep : l’Algérie devra consolider la transition énergétique

Par Pr. Chems Eddine Chitour, école polytechnique, Alger
«Just spoke to my friend MBS (Crown Prince of Saudi Arabia), who  spoke with President Putin of Russia, & I expect & hope that they will be cutting back approximately 10 million barrels, and maybe substantially more which, if it happens, will be great  for the oil & gas industry !» 

Un scoop en forme de tweet de la part du Président américain Donald Trump a fait bondir le prix du pétrole qui végétait autour de 25 $/baril. Par ailleurs, il ne se passe pas de semaine sans qu’une information sur le pétrole  soit donnée. Nous allons de promesse en promesse en ayant l’œil rivé sur les convulsions erratiques du prix du baril de pétrole. Il y a un véritable partage des rôles. Cependant, la particularité de ces approches est qu’elles sont hémiplégiques, elles ne s’intéressent qu’au pétrole et ce qui tourne autour, notamment les prix du pétrole, sacrifiant à la tentation de la boule de cristal qui veut que l’on soit capable de prévoir les fluctuations erratiques avec des arguments nous expliquant les tendances baissières et leur contraire nous expliquant avec moult autres arguments l’inéluctabilité d’une tendance haussière.  

La  politique de domination énergétique de l’Occident  : le poids insignifiant de l’Opep 
Cela me rappelle les prévisions de Nostradamus AIE qui prévoit  dans la même année que le pétrole va augmenter puis, se déjugeant, qu’il va chuter. Je me rappelle d’une époque où l’AIE (Agence internationale de l’énergie)  — qui défend les intérêts des pays occidentaux consommateurs — soutenait mordicus que les prix allaient se stabiliser longtemps autour de 22 $ le baril.  C’était six mois  avant que ce prix ne crève le plafond à 140 $ le baril, obligeant Bush à  intimer l’ordre à l’Arabie Saoudite d’ouvrir grandes les vannes. Six mois après, le pétrole dégringolait à moins de 40$ !  Où sont les fondamentaux dont on  nous a tant rabattu les oreilles ? Bref, il y a bien longtemps que je suis dubitatif !      
Tous les moyens sont bons  pour les États-Unis pour continuer toujours à prendre les commandes du marché pétrolier, à la fois sur le niveau de production — par Arabie Saoudite interposée — mais aussi sur l’intervention du baril papier qui fausse les données des fondamentaux.  Alastair Crooke nous explique ce que la politique de domination énergétique de Trump signifie pour le monde. Pour lui, les États-Unis ont toujours dominé la scène énergétique mondiale : «L’administration veut accroître le pouvoir des États-Unis, plutôt que de s’adapter à son déclin (comme l’aurait fait Obama). Les partisans de M. Trump ne veulent pas de longues guerres, mais ils ne se résignent pas non plus au déclin national. (…) En fait, un indice est apparu presque un an plus tôt, lorsque le 29 juin 2017, le Président a utilisé un mot tout à fait inattendu dans un discours lors d’un événement du département de l’Énergie : libérer l’énergie américaine. Au lieu de parler de l’indépendance énergétique américaine, comme on pouvait s’y attendre, il a plutôt annoncé une nouvelle ère de ‘’domination’’ de l’énergie américaine.»(1)
Dans un discours  qui «cherchait à souligner une rupture avec les politiques de Barack Obama, note le Financial Times, M. Trump a lié l’énergie à son programme America First… ‘’Avec ses ressources incroyables, mon administration visera non seulement la tant attendue indépendance énergétique américaine, mais aussi la domination énergétique américaine.’’». 
«Il semble, comme l’explique Chris Cook, que Gary Cohn, qui était alors conseiller économique en chef du Président, ait joué un rôle dans la genèse de cette ambition. Cohn (alors chez Goldman Sachs), avec un collègue de Morgan Stanley, a conçu en 2000 un plan pour prendre le contrôle du marché mondial du pétrole par le biais d’une plateforme de négociation électronique basée à New York. 
En résumé, les grandes banques ont attiré d’énormes sommes  d’argent ‘’géré’’ des opérateurs financiers (vers le marché, pour parier sur les prix futurs (sans qu’elles prennent jamais réellement livraison de pétrole brut : le commerce du «pétrole papier», plutôt que du pétrole physique). Et, en même temps, ces banques travaillaient en collusion avec les principaux producteurs de pétrole (y compris  l’Arabie Saoudite) pour préacheter du pétrole physique de telle manière que, en conservant, ou en déversant du brut physique sur le marché, les grandes banques de New York ont pu ‘’influencer’’ les prix (en créant une pénurie ou une surabondance). Pour donner une idée de la capacité de ces banquiers à ‘’influer’’ sur les prix, mi-2008, on estimait que quelque 260 milliards de dollars d’investissements (spéculatifs) d’argent ‘’géré’’ étaient en jeu sur les marchés de l’énergie, éclipsant complètement la valeur du pétrole qui est effectivement extrait en mer du Nord chaque mois, entre 4 et 5 milliards de dollars au plus. Ces jeux d’options pétrolières ‘’papier’’ l’emporteraient donc souvent sur les ‘’fondamentaux’’ de l’offre réelle et de la demande réelle de l’utilisateur final. (…) Les objectifs américains de Trump pour ‘’dominer’’, non pas par le biais de l’infrastructure permanente des mondialistes du parapluie de défense américain, mais en utilisant intelligemment le dollar américain et le monopole de la compensation financière, en protégeant et en contrôlant étroitement la technologie américaine et en dominant le marché de l’énergie, qui, à son tour, constitue pour les concurrents des États-Unis un interrupteur marche/arrêt de la croissance économique.»(2)

La belle utopie de l’Opep pendant 20 ans 
Petit retour en arrière : l'Opep a été créée le 14 septembre 1960 à l'initiative de 5 pays (Venezuela, Iran,Irak, Arabie Saoudite et Koweït), le but étant de défendre un prix juste pour le baril de pétrole. Ces pays touchaient des royalties tout à fait symboliques (12%). La création de l'Opep intervient dans ce contexte d'exacerbation de la concurrence. Au début de 1959, les prix sont encore réduits de 9%. Les grandes compagnies pétrolières «Le Sette Sorelle» (les sept sœurs), pour reprendre l'expression juste d’Enrico Mattei, s'érigeaient en un véritable cartel. Ce sont la Standard Oil of New York (Mobil Oil), la Standard Oil of California (Socal), la Standard Oil of New Jersey (Exxon), la Gulf et la Texas Oil Company (Texaco) British Petroleum, Royal Dutch Shell qui changèrent plusieurs fois de nom par fusion opa hostile ou amiable pour donner les compagnies actuelles (BP : cette fois-ci Beyond Petroleum ; développement durable oblige), Shell, Chevron. Exxon 
Dans une ancienne contribution qui n’a pas pris une ride, j’avais fait le procès de cette institution au vu de sa dérive prise en charge rapidement par les pays occidentaux. On sait que l'Opep a fêté ce 14 septembre ses cinquante ans d'un parcours chaotique qui ne laisse pas indifférent. J'avais pointé du doigt le fonctionnement erratique de cette institution qui a eu ses heures de gloire dans les années 70 avec des ministres de la trempe de Zaki Yamani ou encore Belaïd Abdesselam. Souvenons-nous, au plus fort de la guerre de Ramadhan de 1973 (Kippour dans la vulgate occidentale), ces deux ministres, l'un représentant les réserves les plus importantes au monde, l'autre un pays pionnier de la reprise en main des richesses pétrolières avec le fameux «qararna t'emime el mahroukate» (nous décrétons la nationalisation des hydrocarbures), avaient donné à l'Opep une dimension planétaire. Dès le début, l'Opep a été lourdement combattue, notamment après la guerre de Ramadhan de 1973, date à laquelle on l'avait accusée d'étrangler la croissance occidentale par une augmentation des prix du pétrole.

La main invisible de l’AIE pour contrer l’Opep
La création de l'Agence internationale de l'énergie, dont le but est de défendre les pays consommateurs de l'OCDE, en novembre 1974, voulue par Henry Kissinger, avait pour but avoué de briser l'Opep. L'une des règles de l'AIE est que les pays membres doivent avoir trois mois de stock pour prévenir les conflits. Indirectement, l'AIE pense que les conflits ne doivent pas perturber au maximum les cours du pétrole au-delà de cette durée. Les pays membres sont donc invités à déstocker en cas de conflit de telle façon à créer une abondance artificielle et ne pas laisser les prix du pétrole aller à la hausse pour obéir aux fondamentaux et laisser libre cours au marché. Il y a donc réellement une «main invisible» qui fausse le marché. On l'aura compris, ce n'est pas celle dont parle Adam Smith.
Il faut savoir que la diabolisation de l'Opep [dans la doxa occidentale était de vouer aux gémonies ces cheïkhs arabes ventrus et fainéants qui asphyxient l'Occident, tout ceci sur fond d'arabophobie et d'islamophobie] concernant les prix du pétrole en octobre 1973 est infondée.   Nicolas Sarkis, expert pétrolier averti  et directeur du Centre arabe d'études pétrolières à Paris, rapporte que, lors du passage du secrétaire américain à l'Energie à Alger, en septembre 1973, il intervint dans la réunion des chefs d'États exportateurs du pétrole en disant qu'il s'attendait à ce que l'augmentation des prix du pétrole soit débattue. C'était un appel du pied des États-Unis à l'Opep pour aller vers des prix du pétrole qui décollent des 2,5 $ d'alors.
Pourquoi ? Deux raisons : les États-Unis étaient embourbés au Vietnam, une guerre qui coûte cher et qui a été financée par la planche à billets. De plus, les pays européens et le Japon en plein «trente glorieuses» se développaient et commençaient à rattraper les États-Unis. La seule façon de les freiner est de leur faire payer un prix du baril de pétrole élevé, eux qui étaient très dépendants du pétrole, contrairement aux États-Unis qui l'étaient beaucoup moins. On voit donc que l'Opep n'a pas une grande responsabilité dans l'augmentation des prix du pétrole.
L’Opep est la seule organisation qui n’a pas disparu d’autant que l’AIE,  créée à l’instigation de Henry  Kissinger, a été créée en 1974 pour justement combattre l’Opep qui,  dans les faits, n’existe plus. Elle est loin  l’Opep de l’époque de Zaki Yamani et Belaïd Abdesselam des deux dirigeants qui avaient une vision  (Houari Boumediene et le roi Fayçal) qui expliquaient au monde occidental la nécessité d’un juste prix du pétrole.  Après la Révolution iranienne de 1979, les prix ont augmenté jusqu'à 34 $, soit plus de 100 dollars actuels. Cela a gêné surtout les pays européens. 
Dans les années 1980, les États-Unis, sous l'Administration Reagan, avaient programmé de détruire l'Empire soviétique par tous les moyens. La parade a été trouvée, du fait que l'Empire soviétique avait l'Afghanistan et avait besoin de vendre son pétrole et son gaz (il produisait jusqu'à 600 milliards de m3 de gaz et 300 millions de tonnes de pétrole).
A partir de 1982, le prix du pétrole commence sa descente aux enfers, descente accélérée, il faut le dire, par la découverte de gisements hors Opep, notamment en mer du Nord (Brent) et on connaît l'affection de Margaret Thatcher pour les Arabes. Un pays comme l'Algérie a perdu de 1984 à 1987 près de 18 milliards de dollars du fait d'un prix du pétrole à moins de 10$. L'Arabie Saoudite a perdu aussi de l'argent, mais comme elle produisait 10 fois plus que l'Algérie pour une population deux fois moins importante, l'impact ne fut pas aussi douloureux d'autant que c'était le prix à payer pour assurer sa sécurité.
2001 : la guerre du Golfe. Les pays du Golfe s'engagent à côté de la coalition contre Saddam Hussein en fournissant pétrole, stabilisant les cours du pétrole par une ouverture des robinets et en finançant l'effort de guerre à concurrence de près de 50 milliards de dollars. C'est depuis cette date que les États-Unis sont installés à demeure dans les pays du Moyen-Orient. Les Arabes ont financé la guerre, fourni le pétrole et acceptent d'être occupés, tout ceci pour abattre Saddam Hussein, leader d'un peuple arabe musulman qui s'est battu pour eux contre les états-Unis.
L'Opep s'est vu au fil des ans dépossédée de ses attributs. Souvenons-nous, pendant près de vingt ans, c'était le pétrole saoudien, l'Arabian Light, qui servait de pétrole de référence marker crude ; ce fut ensuite le Brent de la mer du Nord à côté du West Texas Intermediate. Parallèlement, plusieurs instruments financiers furent introduits : Net Back, Futures Swap… Ces mêmes instruments qui prendront le pas sur l'économie réelle par la spéculation générée, les plus-values étaient de l'ordre de 50 $ quand le prix du pétrole était à 147 $ et naturellement personne en Occident ne parle des bénéfices récoltés par les spéculateurs de tout poil ainsi que les multinationales ; leurs profits atteignent des records en 2007 : 40 milliards de dollars pour Exxon, 27 pour Shell, 19 pour Chevron et 16 milliards environ pour Total. On a calculé que Total gagnait 35 000 $ à la minute et Exxon 2,5 fois plus. L'Algérie, pays rentier, 115 000$ à la minute ou encore 1 million de DA à la minute ! Les États-Unis sont le membre le plus influent de l’Opep et les autres pays ne comptent pas. 
Souvenons-nous du contre-choc pétrolier de 1986. Une guerre des prix déclenchée par l’Arabie Saoudite contre un nouveau producteur  hors Opep, le Royaume-Uni, avec le pétrole de la mer du Nord  (Brent) avait amené le pétrole à 9 $/le baril. L’Algérie a perdu dans cette guerre du pot de fer  anglais contre le pot de terre saoudien, d’après  Nicolas Sarkis, plus de 18 milliards de dollars entre 1986 et 1990.   Bien plus tard, la crise financière de 2008 qui a perturbé les marchés amène le Président Bush à faire le déplacement en Arabie Saoudite pour demander au roi d'ouvrir les vannes du pétrole pour tenter de faire baisser les prix du pétrole. Le roi s'exécuta sans en avertir les pays membres de l'Opep.

Brutalement pourrions-nous dire, il y eut un nouveau contre-choc pétrolier, les prix commencent à dégringoler pour atteindre 34 dollars fin décembre 2008. Il a fallu attendre mi-2009 pour que les prix se redressent  et atteignent une fourchette de 75-80 dollars.
On voit donc que les pays de l'Opep suivent fidèlement les directives des pays industrialisés (américaines), imposées d'une façon ou d'une autre par les pays du Golfe avec à leur tête l'Arabie Saoudite. Tout le monde est rentré dans le rang et on peut dire sans se tromper que l'Opep sert, depuis la guerre de 1991, en priorité, les intérêts des pays du Golfe, c'est-à-dire ceux des Américains. L'Opep a donc terminé sa mission historique depuis que l'Arabie Saoudite est dans le G20.   Certes, l’Opep continuera d’exister car elle sert avant tout les intérêts des pays industrialisés en disciplinant des «faucons» comme l'Iran ou le Venezuela par Arabie Saoudite interposée. 

Que va-t-il se passer maintenant ?
Il faut savoir que la demande est de loin inférieure à l’offre. La Chine convalescente fait le plein de pétrole pas cher qu’elle paiera en moyenne deux fois moins cher. Elle rattrappe ainsi son retard dans le développement avec une facture pétrolière moindre. La Chine augmente ses achats de pétrole pour les réserves du gouvernement, selon Bloomberg. Les diverses sources d’informations font comprendre que le but est de détenir des stocks publics équivalant à 90 jours d’importations nettes qui pourraient éventuellement être étendus à 180 jours en incluant les réserves commerciales. Plus tôt, Reuters a rapporté que la Chine avait augmenté ses achats d’énergie auprès de la Fédération de Russie et des États-Unis (…) Dans le même temps, la demande de pétrole dans le monde pourrait chuter de 30 à 26 millions de barils car la consommation de matières premières a fortement chuté en raison des mesures de quarantaine dans le monde, ce qui veut dire que les prix du pétrole ne sont pas près de grimper d’une façon importante. 

Nous sommes en mars 2020  
Il faut se mettre à l’évidence, l’Opep n’a existé que d’une façon épisodique, selon l’humeur des Saoudiens  Voilà, qu’après avoir annoncé une augmentation de production substantielle,  couplée à une baisse des prix importante, ils réclament une réunion urgente de l’Opec+... pour stabiliser le marché ! Trump est aux abois sous la pression des producteurs de pétrole de schiste, très influents au Texas, pour sa réélection. Il appelle au secours MBS, lequel, avec un comportement erratique bien connu, revient sur une décision qui a déjà fait des ravages dans les finances de pays fragiles comme l’Algérie. Mais est-ce que la Russie, qui n’est aux ordres ni de MBS ni de Trump, va suivre ?   

L’appel de l’Algérie
Le président en exercice de l’Opep, Mohamed Arkab,  a essayé vainement de faire converger les positions  car la guerre des prix est aussi désastreuse pour les producteurs de pétrole et de gaz de schiste américains, que pour l’Opep, la Russie et les petits pays de l’Opep. Il en appelle à une coupe importante. Malheureusement la situation actuelle n’est guère encourageante, les stocks de pétrole débordent. Pour contribuer à l’augmentation des prix du pétrole, il est nécessaire  que l’activité économique reprenne rapidement (cela dépendra de la pandémie), que la Chine reprenne son activité. Il faudrait aussi des coupes très sévères des trois grands producteurs (États-Unis, Russie, Arabie Saoudite) au moins de 25 millions de barils pour espérer arrêter la dégradation du marché. Une baisse d'une telle ampleur représenterait des coupes colossales pour les deuxième et troisième producteurs d'or noir au monde, derrière les États-Unis. En février dernier, la Russie produisait 10,7 millions de barils par jour et l'Arabie Saoudite 9,8 millions de barils par jour, selon les données de l'Opep.  

Ce que devrait faire notre pays 
Dans ce combat de géants, l'Algérie n'a ni la surface financière de l'Arabie Saoudite ni le poids scientifique et technologique de l'Iran, puissance spatiale. Pourquoi l'Algérie s'entête-t-elle, une fois de plus, à produire d'une façon débridée ? Encore une fois, notre meilleure banque est encore notre sous-sol ! Que faisons-nous dans l'Opep ? Beaucoup de pays producteurs de pétrole ne sont pas dans l’Opep et ne se portent pas plus mal. Nous devrions nous poser la question : que fait l’Algérie dans l’Opep si les pays du  Golfe, à leur tête l’Arabie Saoudite, ont une position hégémonique politique loin des statuts de l’Opep censée défendre les intérêts de tous les pays producteurs de pétrole? Notre  dépendance aux hydrocarbures  est un fait. Elle devra cependant diminuer drastiquement par une politique courageuse hors hydrocarbures. L’Algérie, plus que jamais, a besoin d’une stratégie énergétique robuste vers le développement humain durable détaillée, accompagnée. Le défi énergétique conjugué à la préservation et la protection de l’environnement est un défi mondial auquel nous devons sérieusement penser. Pendant plus de dix ans, on nous disait que le solaire n’était pas rentable.  Avec un gisement solaire de  3 000 kWh pour le sud et 2 500 kW pour le nord de l’Algérie !!! Sait-on  aussi, par exemple, qu’une centrale électrique thermique c’est 1,5  milliard de m3 de gaz qui sont brûlés d’une façon définitive ? C'est-à-dire 4 millions de tonnes de CO2. Chaque mètre cube de gaz est extrait d’une façon définitive du viatique. Nous ne devons pas perdre de temps dans la mise en place d’un plan énergie renouvelable.
Il est heureux qu’une politique résolue commence à se dessiner  concernant le sirghaz et le GNC avec comme exemple la conversion graduelle du parc des administrations, ce qui va certainement diminuer la consommation de carburant et du même coup faire baisser la facture. Nous devons graduellement abandonner le pétrole en partie pour les générations futures et pour les usages nobles tels que la pétrochimie.  Cette stratégie courageuse devrait être poursuivie  et nous permettra d’avoir une  visibilité pour les 15  prochaines années.   

Les subventions  
La problématique globale est celle de passer d'un modèle de consommation où tout est gratuit et dont personne n'est responsable vers un modèle de consommation vertueux où chaque calorie est épargnée, grâce à des économies. C'est cela le développement durable. Il ne faut pas oublier que notre meilleure banque en termes de retombées de la rente est et restera notre sous-sol. On sait que les subventions ne profitent globalement qu’aux classes aisées. Il serait bon de subventionner les classes à faible pouvoir d’achat au lieu de s’en tenir aux prix d’énergie, de cibler les classes vulnérables dans le soutien des prix. Il nous faut de même aller vers une vérité graduelle des prix de l’énergie et de l’eau par une pédagogie de tous les jours. Dans ce modèle une place importante est réservée aux économies d’énergie qui peuvent aller jusqu’à 20%. Cette nouvelle vision devrait être bien expliquée au citoyen, pour qu'il adhère ou qu’il soit lui-même acteur du changement au lieu de le subir. Les économies sont multiformes, cela va de l’eau économisée à l’énergie économisée. La vérité graduelle des prix bien expliquée aux citoyens sera admise, d'autant que les classes à faible pouvoir d'achat paieront proportionnellement à leurs revenus. 
Même le FMI recommande de cibler les catégories à aider. De ce fait, cette transition énergétique devrait avoir le consensus du plus grand nombre, car au moment de l'application, ce sont les citoyens, avec un comportement éco-citoyen, qui feront que cette stratégie réussira. De plus, nous sommes convaincus que la transition énergétique est l'affaire de tous les départements ministériels, c'est l'école où l'apprentissage de l'éco-citoyenneté se fera, c'est la formation professionnelle et l'enseignement supérieur qui auront à former les milliers de techniciens et d'ingénieurs dont la formation qui a disparu devrait en toute logique être réhabilitée. 

Le monde du futur sera électrique ou ne sera pas 
Nous ne pouvons  miser que sur les hydrocarbures et chaque calorie thermique brûlée l’est définitivement. Le monde de 2030 et plus encore de 2040 sera un monde de moins en moins carboné pour deux raisons, il y a de moins en moins de découvertes majeures et les coûts d'exploitation seront de plus en plus importants pour les nouvelles zones. Cependant, le pétrole de schiste américain est en train de brouiller — temporairement — les données, cette abondance artificielle à la fois des stocks et du recours prévisible à l’électricité renouvelable dans la locomotion (sur un total moyen actuel de 20 millions de barils/jour dédiés au transport)  fait qu’il y a un excédent,        
La mobilité électrique apporte une disruption totale sur le marché de l’énergie mondiale. Les voitures essence et diesel, qui seraient responsables en majeure partie de toutes les catastrophes écologiques, doivent donc être éradiquées du territoire, le diesel qui est cancérigène sera abandonné. A titre d’exemple, Volkswagen ne fabriquera plus de voitures diesel à partir de 2025. La France supprimera les carburants totalement d’ici 2030. Les voitures essence et diesel vont de moins en moins être construites à partir de 2030. En Europe, la fin de la vente des voitures essence et diesel d’ici 2035. Dans les prévisions de cas de base, le parc automobile mondial devrait doubler à 1,8 milliard d'ici 2035. En 2030, une voiture sur deux roulera (en partie) à l'électrique. En 2030, au moins 30% des véhicules seront électriques, cela veut dire qu’il y aura près de 450 millions de voitures électriques. Les voitures électriques vont coûter moins cher que les voitures à carburants fossiles. La voiture électrique consomme 10 kWh/100 km, soit à 6 DA le kWh environ 60 DA contre 250 DA, soit quatre fois moins cher pour les 7l/100 km d’essence ou de gasoil consommés d’une façon définitive alors que l’électricité peut être graduellement renouvelable.  L’Inde et la Chine travaillent sur des véhicules de 3 000 à 7 000 euros.  Le nouveau leadership de la Chine et l’augmentation du nombre de voitures vendues nous rapprochent rapidement de cet objectif de démocratisation. De même Renault veut lancer une voiture électrique à moins de 7 000 euros en Chine. Rappelant son objectif de proposer une voiture électrique low cost pour le marché chinois. Objectif de prix annoncé : entre 6 300 et 7 200 euros.

La transition énergétique et une politique de grands travaux
A l’instar de ce qu’avait fait le président américain Franklin Delanoë Roosevelt, il est tout à fait possible d’imaginer une politique de grands travaux pour développer les provinces du Sud. 
«On peut imaginer des villes nouvelles au Sahara avec de l'eau et de l'énergie permettant les activités agricoles, une transsaharienne du rail et des camions électriques.» Il n’est pas interdit de penser à un nouveau schéma d’aménagement du territoire qui permettrait la création de villes nouvelles renouvelables avec la disponibilité de l’eau et de l’électricité qui permettront le développement de l’agriculture avec une politique de transport utilisant l’électricité dans les véhicules, les camions, le rail qui permettrait de désengorger le Sud. C’est cela qui fera que le Sahara pourra être une seconde Californie. C’est une formidable opportunité pour un développement endogène qui fait du compter sur soi le but ultime de cette formation. Ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui seront générés par cette vision du développement durable car tout est à faire.  
«Nous devons prendre le train du progrès. Nous avons une fenêtre de quelques années pour pouvoir mettre en œuvre une politique volontariste basée sur une sobriété énergétique.»  Le modèle énergétique part du principe du développement durable qui est de laisser un viatique aux générations de 2030. C'est une transition vers le développement humain durable qui repose sur une stratégie énergétique qui devra être flexible et constamment adaptable.  Nous pouvons prévoir l’introduction graduelle  de la voiture électrique qui pourrait être rechargée même chez soi, cela ferait à l’horizon 2030 un million de voitures électriques.  
La situation sanitaire actuelle a montré que les Algérien(nes) peuvent prendre en main leur destin. Ce qui se passe est, à bien des égards, à signaler comme la voie unique vers la réelle indépendance. Il n'y a rien à attendre de l’Opep et de cette organisation moyen-orientale. Il nous faut sortir de l’ébriété énergétique actuelle et aller vers la création de richesses. 
Les start-up de jeunes ingénieurs et de techniciens dont il faudra réhabiliter les formations qui ont été supprimées prendront en charge la demande sociale. C’est cela une véritable Ansej de l’intelligence. La nécessité de revoir fondamentalement notre vision du futur concernant l’énergie est d’aller sans tarder vers une transition énergétique, vers le développement humain durable, concept mobilisateur de tous les départements ministériels et de la société civile car c’est, en définitive, le citoyen convaincu qui aura à mettre en œuvre les attentes de cette transition. De plus, et de mon point de vue, c’est l’un des rares domaines où il est possible d’avoir un consensus national tant il est vrai qu’il s’agit de ne pas hypothéquer l’avenir des générations futures. 
Tous nos efforts devraient tendre à donner une utopie aux jeunes pour leur dire qu’il y a un destin en Algérie. C’est pour ma part chaque fois le message que je lance sans être dogmatique depuis plus d’un quart de siècle, quand j’ai écrit mon premier ouvrage sur l’énergie. 
C. C.

1. Chems Eddine Chitour Le Nouvel Ordre pétrolier international. Préface de Nicolas Sarkis. Editions Dahlab 1995.
2. Chems Eddine Chitour : L’énergie, les enjeux de l’an 2000. 2 tomes. Editions OPU 1992.

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