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Rubrique Contribution

Situation au Sahel : l’imbroglio (1re partie)

Par Mostefa Zeghlache
«Il n’y a que deux puissances au monde : le sabre et l’esprit. A la longue, le sabre est toujours vaincu par l’esprit.»
(Napoléon)

(1re partie)
Vaste contrée de près de 3 millions de kilomètres carrés avec 5 500 km de longueur et entre 400 à 500 km de largeur, le Sahel couvre une dizaine de pays africains s’étendant de l’embouchure du fleuve Sénégal au nord du Soudan. Il a longtemps constitué un espace de rencontres et d’échanges entre l’Afrique subsaharienne et l’Orient via le nord du continent. Au Moyen-âge, le commerce a favorisé une symbiose civilisationnelle entre ces deux contrées qui a contribué à étendre l’Islam dans la partie méridionale du Sahel.
Le Sahel est considéré comme l’une des régions les plus pauvres du monde. Ce qui s’explique si l’on considère, par exemple, l’indice de développement humain établi par le Pnud en 2015, où le meilleur classement revient à la Mauritanie qui est 157e sur 188, alors que le Tchad est loti à la 186e place.
Par contre, il faut savoir que le sol et le sous-sol sahéliens regorgent de ressources naturelles souvent peu ou mal exploitées comme l’uranium, l’or, le fer, le charbon et même le pétrole. L’élevage est bien développé dans certains de ces pays tel le Mali qui possède un cheptel de 7,8 millions de têtes de bovins et de 22 de caprins.
L’agriculture qui occupe jusqu’à 80% de la population comme au Niger est variée, axée sur le coton, les arachides et certains fruits, mais est peu mécanisée et manque souvent d’eau en raison non seulement du désert, mais du réchauffement climatique également. Comme on peut le constater, la région dispose d’importantes ressources agricoles et minières en mesure d’assurer une vie décente à la population, pourvu que des investissements conséquents soient consacrés à l’industrialisation et aux moyens techniques et de gestion dans l’agriculture et l’élevage et que la paix et la bonne gouvernance prévalent. Mais le Sahel, depuis longtemps miné par les activités de contrebande de marchandises et la rébellion au nord du Mali et au Niger(1), est devenu de nos jours un terrain de prédilection pour l’émigration clandestine tournée jadis vers l’Europe mais aujourd’hui également vers le nord de l’Afrique dont l’Algérie, et pour le terrorisme.
Dans ce cadre, le Sahel s’est transformé en un vaste champ de bataille où agissent des forces armées gouvernementales, des mouvements sécessionnistes ou indépendantistes touaregs, une myriade de formations salafistes et des forces régulières et/ou spéciales occidentales françaises, de l’Union européenne et américaines. A ces forces armées s’ajoutent les forces de maintien de la paix de l’Union africaine et de l’Organisation des Nations unies. C’est dans ce contexte que la rébellion autonomiste ou indépendantiste touarègue s’oppose, dans l’Azawad, au nord du Mali et depuis les premières années de l’indépendance du pays en 1960, au pouvoir central à Bamako, soutenu par des milices locales. Dans ce pays, les mêmes causes politiques produisent les mêmes effets avec la misère et la violence en toile de fond. Les causes s’appellent, entre autres, «le racisme, la corruption, l’affairisme, l’impunité et les promesses non tenues»(2) et les conséquences, la rébellion armée et l’échec répété de nombreux accords de paix, dont le plus récent date de 2015. Au Mali comme au Niger, les occasions n’ont pas manqué aux populations touareg pour exprimer leurs revendications politiques, sociales et identitaires face à un pouvoir central, surtout à Bamako, insensible à leurs doléances et peu disposé au dialogue. Le soulèvement touareg le plus récent remonte à 2012.
Il avait entraîné la déroute de l’armée malienne. C’est durant ce soulèvement que le groupe rebelle appelé Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) avait proclamé, le 6 avril 2012, l’indépendance de l’Azawad qui n’a été reconnue par aucun pays dans le monde. Par conséquent, cette revendication a été abandonnée par ses initiateurs, pour l’instant, au profit de l’autonomie.
Pour rappel, le MNLA, principal mouvement autonomiste touareg, est né le 16 octobre 2011 de la fusion du Mouvement national de l’Azawad (MNA) et de l’Alliance touareg Niger-Mali (ATNM). Dans son sillage, se sont constitués d’autres mouvements, parfois rivaux. Face à ces mouvements qu’ils soient autonomistes ou indépendantistes, on trouve un ensemble de milices locales, dont la création a été souvent favorisée par le pouvoir central. Tel est le cas du Groupe autodéfense touareg Imghad et Alliés», ou Gatia, une milice qui est de loin la plus importante avec un effectif estimé entre 800 et 1 000 combattants. Elle fait figure de «cheval de Troie» de Bamako au sein de la mouvance nationaliste touareg.
La chute du régime de Kadhafi en Libye en 2011 a poussé de nombreux combattants touareg qui activaient dans l’armée libyenne à retourner à leurs foyers, dans le nord du Sahel, avec armes et bagages. A partir de 2012, ce retour, ajouté au refus du gouvernement central d’engager un dialogue sérieux avec les rebelles, a contribué au renforcement du sentiment indépendantiste et favorisé la rébellion armée. Cette situation a entraîné la marginalisation des autonomistes touareg au profit d’organisations salafistes armées qui provenaient, en grande partie, du sud- ouest libyen devenu un sanctuaire du terrorisme au Sahel.
La dégradation de la situation sécuritaire en Libye à laquelle avait largement contribué la France de Sarkozy comme l’a reconnu Macron à Tunis, en février 2018, en déclarant, «je n’oublie pas que plusieurs ont décidé qu’il fallait en finir avec le dirigeant libyen sans qu’il y ait pour autant de projet pour la suite»(3), l’absence de l’autorité de l’Etat du territoire de l’Azawad, le manque de volonté des autorités maliennes pour le dialogue avec les mouvements autonomistes et les divergences entre les dirigeants des pays sahéliens ont largement participé à la dégradation de la situation politique et sécuritaire dans la région, permis aux «groupes armés de prospérer, de faire preuve d’une capacité d’intégration supérieure à celle des Etats qu’ils attaquent»(4) et d’apporter ainsi la justification à l’intervention militaire extra-africaine dont celle de la France est le symbole.
De la même façon que pour les groupes rebelles touareg, la mouvance djihadiste-salafiste est éparse avec des antagonismes et des alliances très volatiles et circonstancielles. Dans ce contexte, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a été une des premières organisations salafistes à s’installer dans le nord du mali et du Niger. En 2011, une aile d’Aqmi s’affirme sous le nom de Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). En août 2013, un nouveau mouvement voit le jour sous le nom d’Al-Mourabitoun (Almoravides). Dans le sillage est aussi né le mouvement d’Ansar Eddine dirigé par Iyad Ag Ghali, un vétéran de la rébellion touareg de 1990-1996. En janvier 2015 naît le Front de libération du Macina de tendance salafiste et dont l’objectif est «le rétablissement de l’empire du Macina», fondé au XIXe siècle par un marabout peul sur une partie du territoire malien et une autre du territoire mauritanien. En mai 2016, une scission au sein d’Al-Mourabitoun aboutit à la création d’un nouveau groupe connu sous le nom de l’«Etat islamique dans le Grand Sahara Eigs». En mars 2017, ce groupe a annoncé sa fusion avec un autre répondant au nom de «Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, GSIM». Cette alliance serait destinée à «constituer un front uni contre la force conjointe du G5 Sahel et la présence militaire française dans le Sahel». Ces groupes menaçaient d’étendre leur présence sur l’ensemble du territoire malien en 2012-2013. Ce qui avait permis à la France d’intervenir militairement, en 2013.
Pour rappel, l’intervention militaire de la France au Mali n’est pas la première du genre en Afrique. La France entretient en Afrique francophone, qui faisait partie de son empire colonial, une «tradition d’intervention-ingérence dans une chasse gardée» africaine. Cette politique jadis connue sous l’appellation de Françafrique fait de la France le gendarme de l’Afrique francophone subsaharienne, rôle que lui reconnaissent avec grâce ses alliés européens et même les Etats-Unis et l’ONU. Ce rôle politique s’est souvent manifesté par des interventions militaires comme ce fut le cas au Tchad (opérations Manta en 1983-84 et Epervier en 1986), au Rwanda en 1994, en Côte d’Ivoire (Licorne en 2002 et Forces armées en 2015), en Centreafrique (Sangaris en 2013-2016), et, bien entendu, au Mali avec les opérations Serval en janvier 2013 et Barkhane en cours depuis juillet 2014. Au Sahel, en sus des troupes régulières, la France y maintient des forces spéciales. En fait, dès le début de la série d’enlèvements d’Occidentaux au début des années 2 000 au Sahel, les troupes d’élites françaises ou forces spéciales étaient déjà présentes dans le cadre de la «Force Sabre». Ces forces de l’ombre activent toujours à côté des forces armées régulières. Elles s’occupent surtout des «éliminations» ciblées de terroristes. Actuellement, la présence militaire française la plus importante date du lancement de l’opération Serval janvier 2013 qui, pour les autorités françaises, était destinée à «stopper la progression des islamistes armés (vers Bamako) et soutenir les troupes maliennes»(5).
En juillet 2014, l’opération Barkhane a pris le relai. Contrairement à Serval confinée au territoire malien, Barkhane est une opération qui «vise à lutter contre les groupes armés salafistes djihadistes dans toute la région du Sahel». Elle mobilise près de 4 000 militaires et son poste de commandement est à N’Djamena. Nonobstant le nombre élevé de militaires français et locaux qui la composent ou la renforcent, l’opération Barkhane coûte cher en vies humaines. Au 10 avril 2017, elle a coûté la vie à 10 soldats français. Ce nombre est de 22 depuis le lancement de l’opération Serval. Celui des militaires locaux et de civils (victimes collatérales ?) ne se compte plus. Malgré cela, la ministre française des Armées a récemment révélé, triomphante, au journal Le Parisien que les militaires français ont «neutralisé», depuis l’été 2014, 450 djihadistes tués ou faits prisonniers. Un bilan modeste comparé à l’importance des moyens humains, matériels et financiers mobilisés par la France et ses alliés et qui n’empêchent apparemment pas les djihadistes de frapper désormais au Centre du mali, au Burkina Faso ou au Niger sans grande peine.
L’attaque sanglante contre l’ambassade de France et le quartier général de l’état-major des Forces armées du Burkina Faso, à Ouagadougou, le 2 mars 2018, revendiquée par le GSIM et qui a fait de nombreuses victimes est la manifestation concrète la plus récente sur la capacité de frappe des groupes armés jusque dans des espaces «bunkerisés». Le coût de l’opération Barkhane est aussi économique, et plus précisément financier. En banquier avisé, le président Macron a indiqué que «le Sahel, c’est désormais 50% de notre coopération de sécurité et de défense dans le monde». Et précisé que l’effort militaire au Sahel «coûtera à la France, en 2017, pas moins de 8 millions d’euros», pour la Force commune du G5S.
Le président français ne se préoccupe pas seulement de l’aspect financier de l’intervention. Aujourd’hui, le moment paraît opportun pour Macron de faire assumer aux Etats sahéliens la lourde responsabilité d’assurer leur sécurité par eux-mêmes à travers le G5S et d’obtenir des Nations unies une contribution militaire plus active en élargissant la mission et l’espace d’action de la Mission multidimensionnelle des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). L’objectif est le retrait des troupes françaises (sans les Forces spéciales ?) du bourbier sahélien.
C’est dans cette perspective que Macron s’investit en faveur du G5 Sahel en recourant à un discours volontiers alarmiste en direction de ses alliés et des Nations unies lorsqu’il déclare que «c’est ici que se joue la sécurité du continent africain et plus largement d’une bonne partie de notre planète, y compris de l’Europe»(6).
On l’aura compris, la France des droits de l’homme vole au secours de l’humanité menacée par le terrorisme antithèse de ces droits. Pour rappel, c’est le 16 février 2014 à Nouakchott, que cinq pays sahéliens, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, ont créé, sous la houlette de la France, le groupe connu par l’abréviation du G5S qu’ils ont doté d’une convention, le 19 décembre de la même année. Le groupe se fixe pour stratégie d’«allier le développement et la sécurité, soutenus par la démocratie et la bonne gouvernance, dans un cadre de coopération régionale et internationale mutuellement bénéfique»(7).
Son siège est en Mauritanie et ses organes sont la conférence des chefs d’Etat (présidence tournante), le Conseil des ministres, le secrétariat permanent confié au Niger et le Comité de défense et de sécurité qui regroupe les chefs d’état-major.
Ceci pour les structures. Qu’en est-il sur le terrain ? Dans le cadre de la lutte antiterroriste, le G5S a lancé, en février 2017, l’initiative de création d’une force armée commune appelée la Force conjointe ou FC G5S composée de 5 bataillons de 750 hommes chacun avec la perspective de mobiliser 5 000 hommes en mars 2018. Son quartier général est à Sévaré, au Mali, et son commandant est le général malien Didier Dacko.
Pour l’instant et faute de moyens financiers suffisants, la FC se consacre au soutien (supplétifs ?) des troupes françaises de Barkhane engagées dans la lutte antiterroriste, le grand banditisme transfrontalier et le trafic d’êtres humains.
Une première opération militaire baptisée «Hawbi» a été menée par la FC du 20 au 27 décembre 2017 dans la zone frontalière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger sans grand succès, surtout au plan de la coordination des forces et des résultats sur le terrain. La Force qui n’est ni une force d’interposition ni de maintien de la paix, mais une force contre-insurrectionnelle, dispose du droit de poursuite transfrontalier entre les pays membres. La FC G5S a mis en place progressivement un partenariat militaire de coopération transfrontière (PMCT) et se dote, au fur et à mesure, de structures de formation et d’analyse comme le Collège sahélien de défense, l’Ecole régionale de guerre du G5 et le Centre d’analyse des menaces et d’alerte précoce. Ce dernier sera implanté à Nouakchott. Si l’aspect sécuritaire prévaut au sein du G5S, les objectifs économiques et sociaux sont aussi présents afin d’allier sécurité et développement, selon ses initiateurs.
C’est ainsi que la déclaration du sommet du G5S tenu à Bamako en juillet 2017 souligne l’engagement du Groupe «et de la France» d’«assurer l’accompagnement des opérations militaires et sécuritaires par des actions économiques, sociales, culturelles, d’éducation et de déradicalisation pour attaquer les causes profondes de l’insécurité».
A cet effet, un programme prioritaire d’investissement a été esquissé pour la région et attend le financement nécessaire. C’est en concordance avec ce sommet qu’une nouvelle initiative intitulée «Alliance pour le Sahel» a été lancée par la France et l’Union européenne, destinée à «faciliter les échanges entre bailleurs internationaux pour accélérer l’aide au développement» vers le Sahel. L’alliance réunit également la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et le Programme des Nations unies pour le développement. Le G5S est, en apparence, une initiative des 5 pays membres. A l’évidence et quoiqu’on dise et même si la France n’est pas membre du Groupe, la paternité de l’initiative revient à Paris dont l’objectif est de transmettre le relais aux pays concernés pour assurer leur propre sécurité tout en gardant discrètement l’initiative du commandement et de retirer ses troupes de la région.
La création de la FC G5S a été endossée par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine le 13 avril 2017 et saluée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 21 juin par la résolution 2359 qui ne lui donne cependant pas de mandat des Nations unies, donc de financement, en raison de l’opposition anglo-américaine. La France cherchait, en vain, à placer cette force sous le chapitre VII de la Charte de l’ONU pour obtenir ce financement. Car pour l’instant, c’est le volet financier qui préoccupe au plus haut point les autorités françaises qui se déploient, à travers le président Macron, dans tous les sens pour régler au mieux cette question.
Le budget de la FC est évalué par la France à 423 millions d’euros pour la 1re année et se présente ainsi : 230 millions d’investissements, 110 pour couvrir les frais des opérations et 83 millions pour payer les effectifs. Outre les rencontres au sommet ou à un autre niveau entre les responsables du G5S — toujours en présence d’un responsable politique français — pour débattre des questions de moyens, notamment financiers, Paris a abrité, le 13 décembre 2017, une importante conférence qui a réuni, en plus des chefs d’Etat français et sahéliens, la chancelière allemande, les chefs de gouvernement belge et italien, le président de la Commission de l’Union africaine, les ministres saoudien et émirati des Affaires étrangères, un représentant américain et une vingtaine d’autres délégations.
A l’issue de cette conférence, la France s’est engagée pour 8 millions d’euros surtout en matériel, les pays sahéliens pour 10 millions chacun, l’Arabie Saoudite a annoncé une contribution de 100 millions, les EAU 30 millions, l’UE 50 millions, les Etats-Unis 60 millions d’aide bilatérale et les Pays- Bas ont promis 5 millions d’euros de contribution.
On est loin du compte qui dépasse 420 millions d’euros. Mais peu importe, le président français ne lâche pas prise et revient à la charge lors de la conférence de Bruxelles consacrée à la même question qui s’est tenue le 23 février 2018 et permis d’obtenir des promesses de contributions de 410 millions d’euros après notamment que l’UE eut élevé la sienne à 100 millions. A l’issue de cette rencontre, la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères a déclaré : «Nous avons donné un message très clair, très fort, très puissant de soutien et de priorité que la communauté internationale donne à la région du Sahel.»(8)
Pour le reste, le financement annuel est estimé à plus de 110 millions d’euros. Seul l’avenir pourra dire comment et par qui il sera assuré. Rappelons qu’un mécanisme de mobilisation, de coordination et de gestion des contributions avait été créé à Bamako le 8 janvier 2018.
Outre l’aspect financier, le président français semble avoir réussi, dans son aventure sahélienne, à gagner le soutien politique de la chancelière allemande. Pour cela, il a dû surmonter les réticences allemandes et européennes qui s’étaient manifestées à l’égard de son prédécesseur, François Hollande, lors du lancement de l’opération Serval, en 2013.
A cet effet, il a manœuvré sur la menace de l’immigration illégale que redoutent les Européens, notamment les Allemands, surtout lorsqu’elle provient de pays africains pauvres et concerne des migrants démunis et peu qualifiés, contrairement, par exemple, aux Syriens biens éduqués et souvent bardés de diplômes jugés utiles à l’économie allemande. C’est cette immigration du Sahel qui semble préoccuper les autorités allemandes, plus que le terrorisme qui, en fait, n’a jamais eu pour acteurs des ressortissants sahéliens installés en Europe ou de passage sur le continent.
L’on comprend que la France et l’Allemagne et avec ces deux pays le reste des membres de l’UE «entendent ainsi contrôler le flux des migrants en provenance de cette zone et envisagent le G5S comme faisant partie d’une stratégie plus globale de régulation des migrations»(9).
En sus du soutien politique et financier, les alliés européens de la France, dont l’Allemagne, ont dépêché dans la région des instructeurs et déployé des moyens militaires.
Dans ce contexte, près de 500 militaires gradés de 27 pays de l’Union encadrent et entraînent les militaires du G5S. Le plus gros des effectifs est fourni par l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne.
Ces officiers font partie de la Mission d’entraînement et de formation européenne, l’une des 7 missions civiles et militaires que l’Union maintient en Afrique et qui devrait s’achever en 2018. Mais la situation plaide pour sa prolongation au-delà. Pour sa part, la Grande-Bretagne a annoncé, en janvier 2018, l’envoi d’hélicoptères Chinook en soutien aux forces françaises de Barkhane.
Récemment, le Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE a annoncé la mise en place d’un nouveau dispositif antiterroriste destiné à 6 pays sahéliens, les 5 du G5S plus le Sénégal. Doté d’une enveloppe de près de 48 millions d’euros, le Fonds servira à mettre en place un Groupe d’action rapide de surveillance et d’intervention (Garsi)(10) qui se traduira par la formation de nouvelles unités militaires à déployer aux frontières des pays sahéliens, en collaboration avec des éléments de la Gendarmerie nationale française, de la Garde nationale républicaine portugaise et de la Guardia civile espagnole. Sa mission consistera à lutter contre les réseaux clandestins qui organisent les flux migratoires de l’Afrique subsaharienne vers l’Europe et les groupes djihadistes activant au Sahel. Aux forces européennes s’ajoutent les forces spéciales américaines qui mènent «une guerre de l’ombre» contre les groupes salafistes. S’agissant des Etats-Unis, si 4 éléments de leurs forces spéciales n’avaient pas péri dans une embuscade au Niger, le 4 octobre 2017, leur présence militaire au Sahel n’aurait pas constitué une information «grand public». Récemment, une source militaire américaine a révélé au New York Times que les Bérets verts ont tué, en décembre 2017 au Niger, «11 éléments de l’Etat islamique». Par contre, ce qui n’est pas nouveau, c’est que ce pays maintient depuis une quinzaine d’années dans cette région un nombre inconnu d’instructeurs militaires spécialisés dans la lutte antiterroriste. D’ailleurs près de 800 d’entre eux sont cantonnés au Niger qui abrite également une base de drones à Agadez. Le déploiement au Sahel de forces extra-africaines d’une telle importance en hommes et en moyens modernes de guerre s’identifie à «une surenchère militaire» qui est «loin de rassurer certains observateurs locaux qui redoutent une guerre sans fin dans cette région ouest africaine en crise»(11).
Ils redoutent la mise en œuvre, dans leur région, de scénarios pareils à ceux qui ont vu le jour en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Syrie, en Somalie et qui, ailleurs, se sont transformés en bourbiers pour leurs initiateurs. Comme on l’a signalé auparavant, l’Union africaine (UA) s’est aussi engagée au Sahel pour apporter une assistance tant politique que militaire aux pays de cette région.
En effet, dès le déclenchement de la rébellion touarègue au Mali, l’UA a mis en place la Mission internationale de soutien au Mali (Misma) qui est une mission militaire dirigée par la Cédéao pour assister militairement le Mali, pays membre, à «rétablir l’autorité de l’Etat et la sécurité». Le Conseil de Sécurité l’a approuvée par la résolution 2085 du 20 décembre 2012 pour un mandat d’une année. En effet, à partir du 1er juillet 2013, une mission onusienne, la Mission multidimensionnelle des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a pris le relais.
Par ailleurs et dans le cadre de la mise en œuvre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, l’Union africaine a créé dans la capitale mauritanienne, le 17 mars 2013, le Processus de Nouakchott. Ce mécanisme chargé du «renforcement de la coopération sécuritaire entre les pays du Sahel» regroupe 11 pays dont l’Algérie et les 5 pays du G5S. Il avait reçu pour mission d’«articuler l’action africaine dans les domaines de la sécurité, de la gouvernance, de la décentralisation et du développement des pays du Sahel»(12). Depuis son premier sommet sur le renforcement de la coopération sécuritaire et l’«Opérationnalisation de l’architecture africaine de paix et de sécurité dans la région sahélo-saharienne» tenu à Nouakchott en décembre 2014, le Processus attend de passer à l’action. Il en est de même pour la Force africaine en attente, prévue dès la constitution de l’UA en 2002 et qui aurait pu être utile au Sahel, n’a pas encore vu le jour, faute de financement. Comme on peut le constater, l’action africaine au Sahel manque de moyens surtout financiers. Elle nécessite un accompagnement financier et matériel conséquent de la part de la communauté internationale. Pour sa part, l’ONU est présente au Sahel à travers notamment la Minusma qui, rappelons-le, est une force de maintien de la paix, créée par la résolution du Conseil de sécurité 2100, du 25 avril 2013 avec un effectif de 14 000 hommes dont près de 35% sont des pays du G5S.
Son mandat est prolongé chaque année par le Conseil de sécurité. Ainsi, ce dernier lui a assigné, le 29 juin 2016, la mission d’«aider le gouvernement malien à appliquer l’accord de paix (d’Alger) et à rétablir son autorité sur le nord et le sud du pays». Mais la mission qui tente tant bien que mal de s’acquitter au mieux de son devoir fait face à une opposition djihadiste farouche et meurtrière qui lui a coûté, jusqu’en janvier 2018, pas moins de 140 Casques bleus tués. Elle se trouve de ce fait victime d’un conflit auquel elle n’est pas préparée. Son responsable, l’ancien ministre des Affaires étrangères tchadien, Mahamat Salah Annadif, rappelle que la mission «est déployée dans un environnement pollué par des terroristes qui lui imposent une guerre asymétrique. Or, la lutte antiterroriste n’est pas dans le mandat de la Minusma». Il ajoute : «Nous ne sommes pas une mission d’imposition de la paix… Il n’y a pas de solution purement militaire. La Minusma accompagne le processus politique en cours au Sahel.»(13)
Cependant, les dirigeants du G5S ne sont pas de cet avis. Questionné à ce sujet, le président malien Ibrahim Boubacar Keita répond : «A quoi bon faire du maintien de la paix sans un mandat plus offensif que nous réclamons à cor et à cri, la Minusma..., se contente de faire dans le social.»(14)
Pour l’instant, il est seulement question de soutien logistique de la mission à la FC G5S. Et c’est grâce à la France que le Conseil de sécurité a accepté de voter une résolution, le 8 décembre 2017, autorisant la Minusma à apporter son assistance logistique à la FC G5S. Cependant, la compétence de la Minusma limitée au Mali pourrait compliquer son action dans les territoires des pays voisins et buter sur la question du financement, objet de réticences de la part de l’Administration américaine de Donald Trump et de la Grande-Bretagne.
M. Z.
(A suivre)

Bibliographie
1- ONUDC : «Le Sahel : vue d’ensemble», rapport d’activité de juin 2017
2- Forces et groupes armés au Mali : Qui est qui ? par Arnaud Jouve in http://www.rfi.fr/afrique/20160318-echiquier-malien-groupes-armes-azawad-aqmi-fama
3- http://www.lemonde. fr/afrique/article/2018/02/01/a-tunis-emmanuel- macron-critique-l-intervention-militaire-de-l-otan-en-libye-de-2011_5250601_3212.html
4- 9- http://www.tamoudre.org/geostratégie/force-g5-sahel-trouver-place-lembouteillage-securitaire/
5- http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/07/13.l-operation-serval-remplacee-par-une-operation-antiterroriste_4456261_3212.htlm
6- 15- http:// www.g5sahel. org/index. php/13-aactualite-des-pays-g5/1173-sommet-extraordinaire-du-g5-des-appuis-importants-au-deploiement-de-la-force-antiterroriste
7- http://www.g5sahel.org/index.php/ qui-sommes-nous/le-g5-sahel
8- http://fr.news. yahoo.com/lunion-europeenne-double-son-soutien-a-la-force-095731757
10- http:// sahel-intelligence. com/ 13373-sahel-le-gar-si-nouveau-dispositif-antiterroriste-finance-par-lue.html
11- http://geopolis. francevinfo.fr/le-sahel-en-passe-de-devenir-un-champ-deèbataille-permanent-177857
12- «Le processus de Nouakchott : un mécanisme opératoire contre les crises in http://adiac-congo.com/rubrique/international
13- http://www.lemonde.fr/article /2017/11/17/mali-la-lutte-antiterroriste-n-est-pas-dans-le-mandat-de-la-minusma_5216201_3212.html
14- http://www.lemonde.fr/afrique/article.2018/02/22/ibrahim-boubacar-keita-pas-question-de-negocier-avec-les-djihadistes_5260800_3212_html

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