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Rubrique Contribution

60 ans d’indépendance Une révolution de l’hydrogène vert : de quoi parle-t-on ?

Par Pr Chems Eddine Chitour
École polytechnique, Alger

«Les pays colonisés conquièrent leur indépendance, là est l'épopée. L'indépendance conquise, ici commence la tragédie.»
(Aimé Césaire, immense poète martiniquais)

Résumé
Le 7 mai s’est tenue la 26e Journée de l’énergie de l’École polytechnique dans la salle de conférences du ministère de l’Énergie et des Mines. Le thème choisi mûrement a été le suivant : «60 ans d’indépendance : pour une révolution de l’hydrogène vert». Cette journée est une tradition mise en place depuis plus d’un quart de siècle. Chaque année, qu’il pleuve ou qu’il vente, durant la décennie noire (depuis 1997), ou durant la double décennie des temps morts, qui nous a fait rater notre entrée dans le XXIe siècle et même dans la mandature actuelle, cette journée s’est toujours déroulée autour du 16 avril ­— Youm el ‘ilm. Je propose aux élèves ingénieurs de s’emparer d’un sujet toujours d’actualité, à savoir comment l’Algérie du million de martyrs doit-elle sortir de la mentalité rentière et entamer sa mue vers une économie créatrice de richesse. Cette 26e journée s’est tenue la veille de l’anniversaire d’un évènement douloureux, à savoir le génocide de 45 000 innocents Algériens, pendant les deux mois de la chasse à l’homme, et bien plus tard du millier de condamnations judiciaires. À sa façon, l’École polytechnique a tenu à marquer ce 60e anniversaire de l’indépendance en contribuant par ses élèves à une vision du futur autour d’un modèle de consommation qui décrit la nécessité de faire appel à toutes les ressources.

Message des élèves ingénieurs, les bâtisseurs de l’Algérie du futur
Les élèves ingénieurs qui ont participé à cette journée en présentant une dizaine de communications ont lu le message suivant : «C’est pour nous un privilège au nom de nos condisciples élèves ingénieurs de vous témoigner toute notre fierté de venir vous présenter notre vision de l’avenir eu égard aux enjeux mondiaux actuels et prévisibles. Cette journée est exceptionnelle car nous avons le privilège de fêter les 60 ans de l’indépendance de notre cher pays. Exceptionnelle aussi car nous avons un souvenir ému vis-à-vis de nos aînés qui nous ont indiqué le chemin du devoir et de la dignité. Leur aspiration au dévouement est illustrée par leur fameux appel : ‘’Avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres ! Pendant que notre peuple lutte héroïquement… Pour le monde qui nous observe, pour la nation qui nous appelle, pour le destin historique de notre pays, serions-nous des renégats ?’’ Que devons-nous faire scientifiquement pour être à la hauteur de nos aînés pour faire face à la dangerosité du monde et au chaos climatique qui vient et donc devenu un enjeu majeur pour l’avenir ? L’Algérie unie devra redoubler d'efforts. Nous devons aller vers plus de sobriété dans nos modes de vie. Il faudra aussi et surtout s’aider de tout ce que la science peut nous offrir comme outils pour réussir la transformation de nos modèles énergétiques, pour sortir graduellement du fossile et aller vers un monde décarboné. Nous devons aller vers le savoir à marche forcée. Seule une formation de qualité et en quantité permettra à l’Algérie de faire face à ces enjeux. Nous avons en tant que jeunesse le difficile défi à relever, celui de donner à notre pays une visibilité à l’international quand la recette ne sera plus qu’un souvenir. Gloire à nos martyrs.»

Pourquoi nous devons changer de stratégie énergétique
Si, par le passé, la rente pouvait protéger nos errances, nous n’avons plus le droit à l’erreur ; le temps nous est compté pour mettre en œuvre véritablement la transition énergétique. Il en est une qui est celle de militer sans cesse pour une vision nouvelle. Comment se présente actuellement le monde ? Il est plus dangereux que jamais ! Les périls sont visibles. Nous nous retrouvons aujourd’hui face à un défi de taille, un défi plus globalisé, un défi bien réel, celui du réchauffement climatique. Les gaz affectent grandement tous les équilibres sur notre planète. La situation est alarmante, de la hausse des températures qui transformera des régions entières du globe en régions impropres à la vie, au spectre des sécheresses dont l’Algérie souffre déjà en passant par les inondations, autant de calamités qui seront de plus en plus récurrentes. Il est impératif d’agir rapidement pour éviter une désorganisation profonde de notre civilisation qui menacera inéluctablement notre viabilité en tant qu’espèce.
Le moment est venu, dans un contexte de plus en plus dangereux, de réfléchir à un avenir à 2030 et à 2050 où la neutralité carbone nous sera imposée si on ne s’y attelle pas dès maintenant en nous engageant dans une nouvelle révolution verte. Une transition énergétique vers le développement humain durable avec un plan Marshall pour la production de l’hydrogène vert qui devrait être pour nous un challenge à ne pas différer. L'hydrogène nous permettra avec l'engagement de tous de réussir le challenge vers 50% d'énergies renouvelables en 2030 et la neutralité carbone en 2050. Place à l'intelligence pour réussir une nouvelle révolution.
Les élèves ingénieurs qui ont présenté des communications de qualité sur leur vision du futur seront là en 2030, voire 2050 pour mettre en œuvre une stratégie énergétique qu'il faut préparer maintenant pour ne pas la subir brutalement du fait des changements climatiques de plus en plus agressifs. Pour la réussite de l’évènement, j’ai personnellement, comme je le fais chaque année, plaidé la cause de cette journée auprès de nos autorités, en dehors de tout protocole, convaincu que quand on parle de savoir, on est du bon côté de l’Histoire. Je dois dire que seule la plus haute autorité a répondu favorablement en encourageant la tenue de cette journée. Le message a encore plus motivé les élèves ingénieurs qui, de l’avis des participants, ont fait des exposés cohérents, généreux qui dénotent aussi de leur attachement au pays quand on sait les convaincre : quatre ministres et Monsieur le Directeur général de la stratégie globale ont bien voulu marquer, de par leur présence, leur attachement, d’une part, au savoir mais aussi leur point de vue qui entre dans le cadre de cette transition énergétique tant attendue et toujours en chantier.
L’agence officielle APS a couvert toute la journée ; qu’elle en soit remerciée au nom des élèves ingénieurs, mais la télévision a surtout zoomé sur l’aspect protocolaire. Il faut que la science ait sa place dans les médias lourds et que la société s’imprègne de la nécessité de sortir de l’ébriété énergétique. Nous rapportons : «Placée sous le thème ‘’60e anniversaire de l'indépendance : pour une transition énergétique avec l'hydrogène vert’’, l'ouverture de cette journée d'étude a vu la présence du ministre de la Transition énergétique et des Énergies renouvelables, le ministre de l'Énergie et des Mines, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et du ministre de l'Industrie. Cette édition a été également marquée par la participation des étudiants de l'École nationale polytechnique. Plusieurs conférences seront animées durant cette journée, portant sur des thématiques en relation avec la transition énergétique, comme le programme national de maîtrise de l'énergie, l'hydrogène, le potentiel géothermie national, et la contribution du patrimoine forestier par la plantation d’un milliard d’arbres d’ici 2030 dans cette transition.»(1)
L’intervention de Monsieur le Ministre de l’Énergie et des Mines sur l’hydrogène mérite d’être rapportée : «L'Algérie était en mesure de jouer un rôle prépondérant dans la production de l'hydrogène au niveau régional. L'Algérie dispose de grandes potentialités qui l'habilitent à avoir un rôle régional prépondérant dans ce domaine, à la faveur d'un immense potentiel d'énergie solaire, de réseaux étendus et intégrés pour le transport de l'électricité et du gaz, de réserves hydriques considérables et d'importantes capacités en matière de recherche et de développement». L'Algérie possède «de grands atouts et un avantage compétitif», qui lui permettent d'occuper une bonne place pour investir dans l'industrie de l'hydrogène. L'Algérie jouit, également, d'une position stratégique, de ports et d'infrastructures pour le transport du gaz permettant de répondre à la demande locale, régionale et mondiale sur l'hydrogène. «Toutes ces capacités devront permettre à notre pays de s'intégrer rapidement dans la dynamique régionale de développement de l'hydrogène.»(2)

Brève description des interventions
Tous les participants à la 26e Journée de l’énergie ont souligné l’urgence d’adopter un nouveau modèle de production de l'énergie privilégiant l’exploitation, à grande échelle, des énergies renouvelables afin de répondre à une forte consommation nationale en constante évolution, ainsi que la préservation des énergies fossiles disponibles pour les futures générations. Intervenant sous le thème «États des lieux de l’énergie en Algérie : contraintes et défis du futur à 2030 et 2050», les élèves ingénieurs se sont focalisés sur les niveaux de la consommation énergétique en Algérie, notamment le gaz naturel ayant atteint les 44 milliards de mètres cubes (m3) par an, soit 800 millions de m3 par semaine. Cette consommation énergétique est appelée à augmenter dans le futur au détriment des capacités d'exportation. Les intervenants ont évoqué, entre autres, le coût jugé «bas» de l'énergie, qui n'incite pas à l'économie, la croissance démographique et l'utilisation des équipements et appareils énergivores, ainsi que le manque de réflexes éco-citoyens.
D'autres propositions de modèles énergétiques à adopter en Algérie à l'horizon 2030 — (un modèle à 50% vert) et 2050 (un modèle à 100 % vert) pour respecter nos engagements climatiques. Pour y arriver, il faut faire appel à toutes les sources d’énergie telles que les 282 sources d’énergie, à la plantation d'arbres à croissance rapide pour l'exploitation du bois-énergie (1 milliard d’arbres sur dix ans) et la production d'hydrogène vert pour les secteurs de l'industrie et du transport pourront constituer, à moyen et long terme, deux alternatives au profit de la sécurité énergétique de l'Algérie. Les élèves ingénieurs ont, par ailleurs, mis en exergue le rôle de l'efficacité énergétique pour réduire la consommation et économiser l'énergie, nécessitant, selon eux, un programme qui fait appel à des économies d’énergie dans le bâtiment.
Intervenant par une conférence remarquable, le directeur général du Bureau national d'études pour le développement rural (Bneder), Khaled Benmohamed, a estimé que la contribution de la forêt dans le domaine énergétique pourrait jouer un rôle «non négligeable» dans la transition énergétique à travers une gestion durable et économique des massifs forestiers. Avec une production nationale en bois ne dépassant pas les 111 000 m3, M. Benmohamed a plaidé en faveur d'un «reboisement massif», à travers des arbres à croissance rapide, pour une production importante, rappelant l’existence d'aires aptes au reboisement estimées à 1 million d’hectares (HA) à travers le territoire national. L’objectif est de garantir un niveau minimal d’intégration du produit sylvicole dans le cadre de la transition énergétique avec un taux de participation de 3% de bois de chauffage en équivalent pétrole. La possibilité de production annuelle devrait être de l’ordre de 14 millions de m3 de bois pour parvenir à cet objectif.(2)
Pour sa part, le directeur de la division hydrogène au niveau du Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), Docteur Abdelhamid Mraoui, a affirmé que l'Algérie peut se positionner en tant que producteur crédible de l'énergie du futur, dont celle concernant l'hydrogène. Selon lui, la piste «hydrogène» constitue «une perspective intéressante» pour l'Algérie pour des applications locales et pour en exporter vers des pays européens notamment. «Les autres pays ne peuvent pas produire l'ensemble de leur consommation d'hydrogène, ils doivent en importer une partie pour parvenir à atteindre la neutralité carbone. Certains fournisseurs seront privilégiés par ces pays pour importer leur hydrogène et l'Algérie peut se positionner comme un producteur crédible de cette énergie.» L'hydrogène vert peut également être utilisé dans le transport en tant que carburant. «C'est le même principe que les véhicules électriques mais avec un temps de rechargement moins important. Cette étude a permis de constater que le coût au niveau local de production d'hydrogène vert est ‘’tout à fait compétitif’’ par rapport à d'autres pays similaires à l'Algérie.»(2)
S’agissant de la géothermie, une étude sur le potentiel géothermique algérien, permettant de déterminer avec exactitude les capacités nationales en cette énergie propre et renouvelable, dont les impacts socio-économiques sont «très importants», est «en cours d'exécution», a indiqué le chef d'équipe géothermie du Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), le Docteur Abdelkader Ait Ouali. L'énergie géothermique, propre, pérenne et renouvelable «pourrait se substituer à l'énergie fossile et être utilisée dans le tourisme thermal, le chauffage des serres agricoles, ainsi que dans le chauffage domestique».
L’Algérie possède un potentiel de 282 sources, potentiel allant de 40 à 98°C. Elle possède aussi six régions géothermiques «importantes», dont le site le plus favorable pour la production de l'électricité est situé à Hammam El Biban (Borj Bou Arréridj). M. Ait Ouali a relevé, en outre, la possibilité de l'installation d'une centrale électrique binaire, permettant l'exploitation des ressources géothermiques, dans une zone pilote au nord de l'Algérie.(1)
L'Algérie devrait investir davantage dans le domaine des eaux non conventionnelles pour garantir sa sécurité hydrique, a souligné, samedi, à Alger, le Professeur Brahim Mouhouche de l’INA.
«Nous devons impérativement donner la priorité à des investissements importants dans les eaux non conventionnelles, à l'instar de la réutilisation des eaux usées, les eaux pluviales ou celles provenant du dessalement d'eau de mer», le potentiel hydrique conventionnel renouvelable de l'Algérie est évalué à près de 12 milliards de m3/an, soit moins de 270 m3/habitant/an, ce qui est insuffisant pour répondre aux différents besoins nationaux, nécessitant le recours «urgent» aux eaux non conventionnelles. Il a rappelé que l'Algérie avait fait d'«énormes progrès» dans ce domaine, avec notamment la mise en place de 200 stations de traitement des eaux usées et de 13 stations de dessalement d'eau de mer (fonctionnelles), mais «beaucoup reste à faire pour assurer la sécurité hydrique». S'agissant des eaux non renouvelables du pays, le Sud algérien renferme des eaux souterraines estimées à 50 000 milliards m3 qui peuvent être exploitées.(1)
Madame Nacima Rachedi, directrice de la maîtrise de l’énergie, a décrit le Plan national de maîtrise de l’énergie en insistant sur les trois grands secteurs, l’habitat, le transport, l’industrie. Pour chacun des domaines, des actions ont été engagées pour rationaliser la consommation d’énergie, notamment dans l’habitat avec l’isolation thermique, le plan «un million de lampes Led», les 3 000 chauffe-eau solaires, la normalisation pour les appareils électroménagers... C’est un travail qui permettra d’épargner des quantités d’énergie qui seront disponibles pour les générations futures.
Enfin, les élèves ingénieurs ont proposé la mise en place d’un calculateur qui permet de calculer l’empreinte écologique et de ce fait quantifier l’énergie consommée dans différents postes de la vie active. Ce calculateur sera mis en forme pour être enregistré sur internet et être à la disposition de chaque citoyen pour mesurer la quantité d’énergie et les efforts qu’il doit mettre en œuvre pour arriver à la compensation carbone. Notamment en changeant de mode de vie, en plantant des arbres qui sont des puits de carbone qui absorbent le CO2.

Quelques repères de mon intervention
Mon intervention sur les défis qui attendent l'Algérie dans un monde de plus en plus dangereux a d’abord porté sur les grands enjeux mondiaux à la fois géopolitiques avec notamment la guerre en Ukraine, l’augmentation du prix du pétrole — le baril Sahara Blend a dépassé les 120 dollars— et le m3 de gaz a atteint un sommet inimaginable, 10 à 15 fois le prix courant de 6 dollars le million de BTU. Cette situation ne va pas durer, comme je l’ai martelé, appelant à la prudence d’autant que les changements climatiques erratiques vont totalement changer la donne en ce qui concerne la vie sur Terre si le CO2 n’est pas séquestré.
Pour toutes ces raisons, j’ai martelé que nous avons perdu du temps concernant le plan H2 vert et que nous ne devons plus vendre pour vendre mais faire en sorte qu’un m3 de gaz ou une tonne de pétrole soient adossés obligatoirement à une installation de centrales solaires éoliennes pour produire des kWH verts. Dans ce cadre, il faut changer de fusil d’épaule. Je recommande que le plan hydrogène vert soit un triptyque production d’électricité verte par les centrales solaires, éoliennes, dessalement d’eau de mer pour avoir de l’eau pure, production d’hydrogène vert à la fois pour la consommation interne mais aussi comme rente à l’exportation.
L’hydrogène vert va remplacer graduellement le gaz naturel sur le déclin, sachant qu’à partir de 2028, le gaz naturel produit sera consommé en interne. C’est dire si le modèle de consommation devra être élaboré sans tarder pour freiner l’hémorragie.
Enfin j’ai insisté sur une stratégie visant à économiser de l’énergie par une rationalisation de la consommation d’énergie, notamment par une révision des subventions et une nouvelle vision de la politique des transports qui doit, d’une façon progressive, inclure la locomotion électrique. J’ai aussi insisté plus que jamais sur la nécessité d’un partenariat stratégique opérationnel avec des pays locomotives comme l’Allemagne, la Chine ou l’Italie. Ce partenariat devra comprendre une dimension formation et recherche par la mise en place d’un Institut de la transition énergétique de formation et de recherche à Sidi Abdallah. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a toujours accompagné les secteurs de l’énergie et son intervention lors de cette journée a porté sur la disponibilité de mettre tout le potentiel d’enseignants et de chercheurs pour la réussite de la transition énergétique. D’ailleurs, une post-graduation spécialisée pour une trentaine d’ingénieurs, décidée en novembre 2020, a démarré et les mémoires des ingénieurs vont être soutenus d’ici la fin de l’année. Les conclusions de cette journée ont été les suivantes :
1. Freiner d'une façon drastique la consommation de gaz. On ne peut pas continuer à consommer 850 millions de m3 de gaz/semaine au coût actuel au moins 130 millions de dollars/semaine et lui substituer d'autres modes de chauffage (bois, géothermie) avec une politique concernant l'isolation des bâtiments... Les équipements énergivores sont à bannir.
2. Mise en place dune véritable politique des transports avec la locomotion électrique et une révision des prix des carburants.
3. Un plan H2 vert à lancer sans délai en s'associant à un partenaire à qui on garantirait du gaz contre la mise en place du plan vert.
4. Enfin, un plan de formation recherche avec la mise en place de l’Institut de la transition énergétique à Sidi Abdallah.

Bref inventaire de 60 ans d’indépendance
Si les élèves ingénieurs de l’École polytechnique ont exposé leur vision de l’avenir à 2030, il est important de faire le bilan de 60 ans d’indépendance. La question que chacun se pose est de témoigner sur ce qu’objectivement nous avons fait. Il serait malvenu de dire que tout était parfait. Cruelle erreur qui nous installe dans les temps morts de l’autosatisfaction stérile. Nous devons être sans concession tout en étant justes. C’est un fait qu’à l’instar de tous les pays en développement, les espoirs fantasmés de l’indépendance ne furent pas au rendez-vous. Ce n’est pas le lieu d’en faire ici le développement. Mais si on s’en tient objectivement aux grands agrégats, beaucoup de réalisations ont été faites. Il y avait 8 millions d’habitants, un analphabétisme à 90%, près de 500 étudiants avec moins d’un millier de diplômés en 132 ans de colonisation. 60 ans plus tard, nous sommes 45 millions d’habitants avec un analphabétisme à peine de 10% et surtout près de 12 millions d’élèves dans le système éducatif dont 1,8 million d’étudiant(e)s et 4 millions de diplômé(e)s depuis l’indépendance ! Est-ce qu’il faut crier victoire ? Assurément, non !
60 ans après l’indépendance, 50 ans après la nationalisation des hydrocarbures, le 24 février 1971 fut une seconde indépendance par le recouvrement de nos ressources fossiles et, à bien des égards, une seconde révolution pour le recouvrement de nos ressources. Cependant, des choses doivent être dites. Nous avons connu plusieurs périodes en relation avec la manne pétrolière et gazière. Globalement, durant la période 65-78, la rente était autour de 22 milliards de dollars, ensuite de 1979 à 1991, la manne fut d’environ 120 milliards de dollars.
La même rente pour la période suivante, 1991-1999. De 1999 à 2019, la rente est évaluée à 1 000 milliards de dollars. De 2020 à fin 2021, la rente sera de 57 milliards de dollars, soit au total près de 1320 milliards de dollars en 60 ans d’indépendance.
La politique économique du pays fut indexée en général sur le niveau des réserves de devises. Cette obsession s’explique en partie par l’histoire des crises pétrolières subies des années 1985-1989 qui a amené les émeutes du 5 Octobre 1988. En 1994, l’Algérie fut contrainte d’accepter le recours au Fonds monétaire international (FMI), d’abandonner le monopole de l’État sur le commerce extérieur en échange d’un rééchelonnement de la dette extérieure qui étranglait le pays, et réduire de moitié la valeur du dinar. Tout ceci dans un contexte de décennie noire où l’Algérie s’égosillait à attirer l’attention de la communauté internationale sur l’hydre terroriste, en vain. C’est un miracle que l’Algérie ne soit pas devenue une zone grise. En 2014, un effondrement prolongé du cours des hydrocarbures s’est traduit par une fonte des réserves de change qui sont passées de 190 milliards à 55 milliards en 2019. La double décennie 1999-2019 est une double décennie où rien d’exceptionnel n’a été réalisé. Nous avons géré la rente dans une atmosphère de corruption à tous les étages.

Les promesses de l’Algérie nouvelle
C’est dire si le Hirak, cette révolution tranquille, fut une bouffée d’oxygène pour un peuple en apnée. Les promesses pour une Algérie nouvelle tardent à se concrétiser pour deux raisons. C’est un fait que la conjoncture 2020 et 2021 ne fut pas favorable. La double contrainte due au Covid et à l’effondrement du baril de pétrole a fait que le gouvernement a géré d’une façon prudente ce qui restait des réserves en limitant les dépenses au minimum, protégeant globalement le pouvoir d’achat. La deuxième raison est que l’environnement international n’incite pas à la sérénité. Des feux sont partout actifs à nos frontières.
Dans ce cadre, je rapporte les alertes de M. Mohand Amokrane Cherifi, ancien ministre expert des Nations Unies. Il déclare : «De nombreux indices, leur conjugaison et leur accélération, laissent supposer une stratégie de déstabilisation de l'Algérie par des forces étrangères, avec des relais internes, pour obtenir un changement de politique sur la Palestine et le Sahara occidental, la révision de l'alliance avec la Russie, l'exploitation du gaz de schiste et l'ouverture de son marché intérieur aux multinationales.
Cette déstabilisation a commencé et se développe sur plusieurs fronts: l'intrusion dans les pays frontaliers (Maroc, Libye, Mali, pays du Sahel) de forces étrangères opposées au règlement politique des conflits régionaux, menaçant directement la sécurité nationale. Le soutien extérieur des tendances séparatistes et islamistes, œuvrant à couper l'armée de son peuple, et à détacher la Kabylie et le Sud du reste du pays. Les rapports à charge d'organisations internationales sur le non-respect de l'État de droit et des principes démocratiques, qui donnent prétexte à des ingérences étrangères. Le dénigrement systématique des institutions et du système de gouvernance par des officines étrangères, à travers les réseaux sociaux, suscitant la colère sociale et véhiculant les discours de haine. Tous ces éléments visent à déstabiliser le pays, à porter atteinte à l'unité nationale et à l'affaiblissement de sa capacité de défense.»(3)
M. Mohand Amokrane Cherifi pense qu’il faut unir la nation, identifier et réduire tous les facteurs de tension et de division en agissant sur quatre leviers : le pluralisme linguistique et culturel, la décentralisation administrative, le respect des libertés, le lien peuple-armée. L'État de droit démocratique et social. Le respect des libertés individuelles et collectives assurerait une adhésion volontaire et non contrainte des citoyens à leurs institutions et contribuerait à une grande stabilité et cohésion nationale.(3)

Conclusion
C’est dire si l’Algérie se doit de se battre sur tous les fronts, notamment sur le chantier du vivre-ensemble qui permette aux Algériens d’être en front uni et de couper la route à l’aventure par le parler vrai et le respect des libertés qui ne peut qu’enrichir le pays. Le front concernant les différentes sécurités énergétique, hydrique, alimentaire et autres ne peut réussir qu’avec l’adhésion des jeunes à qui il faut expliquer les enjeux. Ainsi, s’agissant de l’énergie, il y a encore du chemin avant la transition énergétique qui nous permettra de sortir de l'ébriété énergétique actuelle pour aller vers la sobriété énergétique qui est le graal à atteindre. Graal qui faisait partie de notre culture «Al kanna» à la «sobriété heureuse» dont parle Pierre Rabhi (que la terre lui soit légère).
J'en suis à convoquer la fameuse phrase de Larbi Ben M’hidi (Que Dieu lui fasse miséricorde) :«Jetez la révolution dans la rue, le peuple saura s'en emparer.» Mutatis mutandis. La transition énergétique qui est une cause existentielle pour le pays devrait être revendiquée par chaque Algérienne et Algérien qui la traduira au quotidien dans son comportement éco-citoyen à des années-lumière de l'actuel comportement égo-citoyen avec toujours la mentalité du baylek. Au lieu d'avoir la mentalité résiliente du colibri dont Pierre Rabhi rapporte le conte indien : c'est un colibri (minuscule oiseau de 2 cm environ) qui s'agite en voulant éteindre un gigantesque incendie de la forêt. Les autres locataires de la forêt, désespérés, lui crient : «À quoi tu joues? Tu ne pourras jamais éteindre cet incendie !» «Oui, répond le colibri tout en jetant sa minuscule goutte d'eau dans l'incendie, mais je fais ma part.»
Que chacun fasse sa part comme nous y invite le colibri, nous sauverons le pays et laisserons une Algérie en ordre de marche à cet horizon 2030. C'est comme cela que je vois cette Algérie nouvelle qui devra rentrer dans le XXIe siècle en faisant appel à d'autres légitimités, celle du patriotisme, et traduit par un savoir qui permette de sortir par le haut d'une rente et la remplacer par une nouvelle rente de l'intelligence qui permettra de prendre la place des énergies fossiles, sur le déclin, par l'hydrogène vert qui est une révolution à ne pas rater.
Le monde est dangereux. Dépêchons- nous de former en qualité les dizaines de milliers d'ingénieurs et de techniciens pour réussir cette mutation avant qu'elle ne nous soit imposée. Après le bilan des 60 ans d'indépendance, c'est peut-être cela l'un des futurs chantiers de l'Algérie nouvelle car la dimension 60e anniversaire aurait pu être vue comme un nouveau départ. Une nouvelle révolution pour le XXIe siècle pour conjurer les périls qui s'accumulent et que nous ne semblons pas prendre au sérieux.
C. E. C.

1. https: //www. aps. dz/economie/ 139370-energie-bois-et-hydrogene-deux-alternatives-au-profit-de-la-securite-energetique-de-l-algerie
2. https://youtu.be/Tftw3dveHqQ
3. «https://www.lexpressiondz.com/ nationale/il-y-a-un-plan-de-destabilisation-contre-l-algerie-356338 11 mai 2022

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