Pour rappel, l’Office des Nations unies contre le crime et la drogue
(Unodc) dont le siège est à Vienne, a piloté, de 2001 à 2003, le
processus de rédaction de la Convention des Nations unies contre la
corruption, Uncac selon l'acronyme anglais. Le 15 décembre 2000, sous
l’égide des Nations unies, 124 pays sur les 148 représentés ont signé
une convention contre la criminalité transnationale organisée. L’Uncac
adoptée en 2003, est entrée en vigueur en décembre 2005. A ce jour, 140
pays l'ont signée et 186 l'ont ratifiée, dont l’Algérie. Ce texte vise à
lutter plus efficacement contre les mafias en renforçant la coopération
entre les États et en harmonisant leur législation. Parmi les
engagements contenus dans le document, on note : «Incriminer la
participation à un groupe criminel organisé, le blanchiment d’argent, la
corruption et l’entrave au bon fonctionnement de la justice.» Ces
quarante dernières années, les Nations unies ont adopté de nombreuses
résolutions et recommandations contre la corruption. Il faut rappeler la
résolution 3514 de l’assemblée générale, en date du 15 décembre 1975,
dans laquelle l’assemblée condamnait, entre autres, toutes les pratiques
de corruption, y compris les actes de corruption commis par des sociétés
transnationales. La convention rend obligatoire, pour les Etats qui
l’auront ratifiée, l’incrimination (si ce n’est pas déjà le cas) d’un
certain nombre d’agissements, et notamment de la corruption active et
passive d’agents publics, nationaux ou étrangers. Devront également être
incriminés les détournements par des agents publics, le blanchiment du
produit d’un «éventail le plus large d’infractions principales» (y
compris bien entendu la corruption), l’entrave au bon fonctionnement de
la justice. En revanche, l’incrimination d’un certain nombre
d’agissements n’est qu’optionnelle.
L’Algérie a fait une très mauvaise transposition interne de cette
Convention Une fois ratifiée – l’Algérie l’a fait en 2004 —, les
pays ont été amenés à transposer cette Convention des Nations unies en
droit interne. Le contenu de la loi du 20 février 2006 traduit l’absence
de volonté politique à lutter réellement contre la corruption. Elle
contient de nombreuses insuffisances et des «omissions» par rapport à la
Convention des Nations unies. Donnons quelques exemples. Au sujet de la
notion de déclaration de patrimoine — il faut souligner la décision des
députés en janvier 2006 de supprimer l’ex-article 7 qui prévoyait la
déchéance du mandat ou la fin de fonction pour les agents publics qui ne
déclarent pas leur patrimoine dans les délais. L’article 6 de cette loi
qui énumère les fonctions et mandats sujets à déclaration ne comprend
pas les chefs de l’armée, contrairement à l’ordonnance de 1997 qui le
prévoyait. Concernant la participation de la société civile, des
associations et des ONG à la lutte contre la corruption, tel que le
recommande abondamment la Convention des Nations unies, l’article 15 de
la loi algérienne est très restrictif à ce sujet et n’évoque pas du tout
les associations, article qui reflète d’ailleurs les positions négatives
sur cette question de la délégation algérienne lors des négociations de
la Convention des Nations unies à Vienne de 2001 à 2003. Pour ce qui est
de l’Organe de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC) — le
titre III de la loi du 20 février 2006) lui est réservé (articles 17 à
24) —, l’affirmation de son indépendance est contredite dans le même
texte, d’une part par sa mise sous tutelle du président de la
République, et d’autre part par la relation de dépendance vis-à- vis du
ministère de la Justice.
Les auteurs de la loi algérienne anticorruption ont voulu sciemment
dissuader tout dénonciateur de corruption ou donneur d’alerte
La notion de protection des dénonciateurs et des victimes de la
corruption est évoquée très largement par la Convention des Nations
unies, la loi du 20 février 2006 lui consacre uniquement l’intitulé d’un
article (45), mais l’article en question n’évoque pas du tout cette
notion. Plus grave encore, l’article qui suit (46) traite très
sévèrement de la notion de dénonciation calomnieuse. A croire que les
auteurs de cette loi ont voulu sciemment dissuader tout dénonciateur de
corruption ou donneur d’alerte. Même le rapport annuel de cet «organe»
qui est remis au président de la République n’est pas rendu public : la
transparence et l’information du public ne semblent pas être des
préoccupations pour les auteurs de cette loi. Par ailleurs, les
Algériens ne pourront pas directement s’adresser aux responsables de cet
«organe», contrairement à une disposition de la Convention des Nations
unies qui encourage fortement cette relation directe des citoyens avec
l’agence de lutte contre la corruption.
La prévention, thème central de la rencontre : l’Algérie à la traîne
!
Les travaux de cette 8e Conférence des États-parties de la
Convention des Nations unies contre la corruption seront consacrés
principalement à la prévention de ce fléau. Les pays participant
présenteront leurs expériences, et les plus avancés d’entre eux, et qui
ont fait le plus de progrès, exposeront les bonnes pratiques réellement
mises en place sur le terrain. L’Algérie — qui a élaboré une loi à ce
sujet en 2006, ne présentera rien de concret à ce sujet : bilan
insignifiant 15 ans après avoir ratifié cette importante convention.
Djilali Hadjadj
Est-ce que l’Algérie de l’après-Bouteflika aura une attitude plus positive lors de cette conférence des Etats-parties ?
Depuis 2004, l’Algérie a été — et est toujours —, un très mauvais
élève de la Convention des Nations unies contre la corruption, pourtant
elle a fait partie des 10 premiers pays qui l’ont ratifiée ! Pourquoi
l’avoir fait alors ? L’objectif principal du pouvoir Bouteflika était
surtout de faire croire à la communauté internationale — les
organisations intergouvernementales dont l’Union européenne ; les
Nations unies ; les Institutions financières internationales — et, en
interne, que la corruption n’avait qu’à bien se tenir et que la lutte
contre ce fléau allait être engagée. A l’international, le leurre a
fonctionné quelque temps, mais pas du tout en Algérie où l’opinion
publique assistait, médusée, à l’explosion de la corruption. Le 2e
objectif et non des moindres était pour l’Algérie d’obtenir par cette
ratification un statut de membre à part entière de la conférence des
Etats-parties de la convention — conférence qui se tient en moyenne tous
les 2 ans : un statut d’observateur — pour les pays uniquement
signataire, limite la marge de manœuvres et est très restrictif.
L’Algérie a usé et abusé de cette ratification pour s’associer à un
«front du refus» tout le long des 7 conférences qui ont eu lieu depuis
2006, avec la Russie, la Chine et l’Egypte comme têtes de file, en
obtenant : - un «règlement interne» qui évacue tout dispositif
contraignant dans l’application de la convention ; - un droit de veto
contre la participation d’ONG aux travaux de la conférence (l’Algérie
est l’un des seuls pays à avoir exercé ce scandaleux droit de véto) ; -
la limitation de la publicité des rapports sur la mise en application de
la convention par l’Algérie ; - et, enfin, l’obligation que l’un des
experts de l’évaluation-pays soit africain, etc. Résultat : la
corruption s’est généralisée. Est-ce que l’Algérie changera de démarche
lors de cette 8e Conférence des États-parties ? Très peu probable.
D’autant plus que pour le pouvoir, l’avènement de ces instruments
internationaux contre la corruption fait partie d’un complot mondial
contre les pays du Sud, dont l’Algérie, à l’image du «complot des droits
de l’homme» du siècle dernier ! Cette «position» nauséabonde nous a été
communiquée il y a une quinzaine d’années par un «commis du pouvoir» —
essayant de nous convaincre du bien-fondé de cette démarche — : en fait
un alibi qui a servi — et qui sert encore —, à protéger les réseaux de
la corruption à tous les niveaux. Et dire que ce commis indélicat fera
encore certainement partie, pour la 8e fois consécutive, de la
délégation officielle algérienne à cette conférence…
D. H.