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Rubrique Corruption

ADMINISTRATION PUBLIQUE Promouvoir la mission d'intérêt général

L’examen du cadre général de fonctionnement de l’administration publique et de son adéquation à la réalité sociale permet de mieux percevoir les domaines et les moyens par lesquels ses agents peuvent dévier et développer des pratiques de corruption.

La mission de service public et d’intérêt général justifie l’existence d’une administration publique et l’importance des moyens et des pouvoirs qui lui sont conférés. La qualité des services qu’elle rend au public est le meilleur indicateur de son efficacité. Mais, au-delà des principes de base communs à toute activité administrative, il y a lieu de considérer le contexte social particulier des problèmes que l’administration doit prendre en charge, comme en Algérie par exemple. Des concepts, tels la décentralisation et le désengagement économique de l’Etat, qui ont quelque part prouvé leur efficacité, peuvent conduire à des résultats inattendus lorsqu’ils sont mis en œuvre dans des contextes différents, mal préparés à les recevoir. L’administration tient de la loi les pouvoirs qu’elle exerce. Théoriquement, ils ont pour fondement l’intérêt général. Ils donnent lieu à des prestations de service public et justifient l’exercice d’une police administrative. Bien qu’ils bénéficient de prérogatives exorbitantes de droit commun qui consacrent la supériorité de l’acte administratif, ils demeurent soumis à des règles fondamentales qui tendent à garantir la neutralité de l’administration, son impartialité, la légalité de ses décisions ainsi que l’égalité de traitement des citoyens.

Liens de sang, solidarité tribale, gérontocratie
En Algérie, la mise en œuvre de ces principes se heurte à l’insuffisance des moyens, au déficit de citoyenneté et à la juxtaposition de structures administratives publiques avec des modes traditionnels d’administration du territoire et de la chose publique.
 Cela impose des sujétions particulières, notamment lorsque les concepts de service public et de neutralité rencontrent des résistances socioculturelles fondées sur d’autres valeurs : liens de sang, solidarité tribale, gérontocratie, etc.
De même, le rôle économique et social de l’État varie selon le niveau de vie des populations, l’importance des investissements publics et les possibilités d’intéresser le capital privé aux services publics de base. Les conditions de modernisation de l’administration publique, dans le contexte de globalisation actuel, s’en ressentent nécessairement.

Face au tribalisme et aux menaces à l’intégrité de la nation
Si la libéralisation et les privatisations sont de nature à promouvoir l’initiative privée dans l’économie et à combattre les situations de rente, il faut se garder de détruire l’appareil de production difficilement constitué par l’Etat, ou de substituer des monopoles de fait aux établissements publics. En l’absence d’une épargne nationale, la fonction régulatrice de l’Etat devrait aussi permettre d’éviter le bradage du secteur public. Autant il est nécessaire que l’Etat ne s’immisce pas dans les activités qui peuvent être assurées par les particuliers, autant il doit veiller au maintien des services essentiels et de l’intérêt général. On doit ainsi évoluer de l’Etat gérant des services publics à l’Etat garant du service public. De même, face au tribalisme et aux menaces à l’intégrité de la nation, l’Etat doit conserver les pouvoirs raisonnablement nécessaires à l’exercice de ses fonctions régulatrices. La corruption est souvent localisée dans un secteur particulier du corps politique, une organisation d’employeurs, un syndicat important ou un parti, par exemple. En Algérie, comme dans tout pays à large déficit démocratique, l’inefficacité des systèmes institutionnels et l’absence d’organismes de contrôle réellement efficaces permettent plus fréquemment qu’ailleurs à la corruption de prendre un caractère systémique. Elle devient alors tellement enracinée dans la société que le système ne peut fonctionner sans elle. Elle réduit les réformateurs à l’impuissance puisqu’ils dépendent du système qu’ils veulent réformer pour gouverner. Dans de tels contextes, les agents publics sont en mesure de développer des «stratégies de survie» pour faire face à leurs besoins élémentaires. Il s’agit de «petite corruption», qui ne permet à personne de s’enrichir beaucoup, mais qui peut être extrêmement coûteuse pour les services publics puisqu’ils ne bénéficient pas des avantages de la concurrence pour se procurer des équipements et des services. La gestion des ressources humaines au sein du service public conditionne largement son fonctionnement ou ses dysfonctionnements.

Le pouvoir concentré entre les mains d’une même autorité ou d’un groupe de décideurs
Les conditions de recrutement, la définition des responsabilités, le déroulement de la carrière et la manière dont l’agent public est tenu responsable de sa gestion constituent autant de facteurs susceptibles d’aggraver ou de réduire les phénomènes de corruption. La corruption sévit par ailleurs lorsque le pouvoir est concentré entre les mains d’une même autorité ou d’un groupe de décideurs dont les intérêts convergent. Les structures d’autorité génèrent ainsi la corruption d’autant plus facilement qu’il n’existe pas de contre-pouvoirs. L’existence d’un pouvoir discrétionnaire engendre aussi la corruption, le clientélisme et le népotisme. L’obligation de motiver les décisions peut l’atténuer mais non l’éliminer, car ces pratiques sont inhérentes au pouvoir absolu. La complexité de la structure administrative, des règles et des procédures bureaucratiques, que le public perçoit comme «hostiles» , constitue aussi un facteur de prolifération des pratiques de corruption. Il existera toujours un seuil de complexité du système à partir duquel le public aura besoin d’un intermédiaire, d’une assistance que l’Etat sera incapable de lui fournir. Il existe cependant une nuance entre recourir aux services d’un intermédiaire pour obtenir un permis de conduire ou un téléphone, ou pour des transactions plus importantes telles que le transfert de la propriété d’un immeuble. 
Ce seuil d’assistance doit être contrôlé, la solution la plus simple consistant à instaurer des procédures moins intimidantes et moins complexes pour le public ordinaire, ainsi qu’un affichage qui explique au public les démarches à suivre de manière transparente. On peut aussi envisager de former les agents publics pour les rendre plus efficaces. Un système administratif bien géré limite les opportunités de pratiquer la corruption et la sanctionne par une action disciplinaire rapide lorsqu’elle apparaît. 
La priorité consiste donc à opérer une réforme en profondeur des procédures et systèmes de la fonction publique de manière à responsabiliser l’administration vis-à-vis du public et à prévenir la corruption avant qu’elle n’apparaisse.

Comment concilier les principes de désintéressement et de légalité
Prenons l’exemple des impôts. Dans le domaine de l’assiette et du recouvrement des impôts, la complexité des règles et des procédures bureaucratiques est un facteur particulièrement important de développement des pratiques de corruption. Dans un contexte socioculturel où les impôts sont considérés comme injustes, la tentation de la fraude sera forte et le contribuable cherchera à échapper à ses obligations s’il ne se sent pas menacé par le risque d’être découvert ou poursuivi en justice. L’insécurité juridique tend aussi à amplifier le phénomène de corruption. Quand un système juridique est complexe, susceptible d’être incompris ou interprété de manière diverse, on peut monnayer, contourner, stabiliser ou fléchir la règle en sa faveur. De même, la lenteur des procédures bureaucratiques engendre des pratiques de corruption pour accélérer la prestation de services publics.
Enfin, les facteurs socioculturels jouent un rôle essentiel dans les sociétés qui ont emprunté à d’autres leur modèle d’organisation de l’administration.  Dans l’administration algérienne, dans les wilayas du pays profond plus particulièrement, la persistance des valeurs et des coutumes traditionnelles entre souvent en conflit avec les principes d’une fonction publique moderne. 
Bien que les fonctionnaires soient formés aux normes des organisations modernes, ils restent fidèles aux normes traditionnelles. Le poids de ces valeurs est tel que l’agent public ne peut pas toujours résister à la pression d’y céder. Pour éviter des accusations d’ingratitude, il doit par exemple s’entourer de ses proches ou des membres de sa tribu. Dans un tel contexte, il peut lui être difficile de concilier les principes de désintéressement et de légalité de ses décisions avec ses obligations personnelles.
Djilali Hadjadj

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