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Rubrique Culture

EXPOSITION A la Fiac, la montée d'un art africain original et inspirant

L'art africain s'invite chaque année un peu plus à la Foire internationale d'art contemporain (Fiac) de Paris, avec ses questions sur l'immigration, l'environnement, la mondialisation des échanges, en dialogue avec l'art américain et européen. Pour la première fois, une galerie d'Afrique sub-saharienne fait son entrée à la Fiac : Cécile Fakhoury, après avoir ouvert des galeries en 2012 à Abidjan et 2018 à Dakar, et avoir participé à des foires spécialisées africaines, y «voit une suite logique des choses». «Une participation au même titre que les autres, sans avoir le label Afrique», insiste-t-elle auprès de l'AFP. Les galeries Selma Feriani (Tunis), Magnin-A — avec des artistes africains historiques comme les photographes maliens Seydou Keita et Malick Sidibé —, Mariane Ibrahim (Chicago) avec l'artiste ghanéen Amoako Boafo, Imane Farès (Paris), Templon (Paris)... La création contemporaine africaine est à l'honneur dans diverses galeries. «La vague africaine est arrivée depuis trois ou quatre ans», analyse Imane Farès, directrice énergique de la galerie éponyme, qui œuvre «par passion et par choix» depuis dix ans à faire connaître les artistes d'Afrique et du Moyen-Orient.
Pour exposants comme artistes, ces artistes ne sont pas à ranger dans des cases nationales ou ethnographiques, mais ils engagent un dialogue entre générations et continents, notamment avec la culture afro-américaine et antillaise. Ainsi, la galerie Fakhoury expose l'Ivoirien Ouattara Watts, célébrité qui a travaillé depuis trente ans à New York. «Un artiste à la lisière de plein de monde, très incarné en Afrique, mais recourant aux nouvelles technologies», souligne Mme Fakhoury. Anne-Claudie Coric, directrice de Templon, confirme «l'arrivée, depuis trois/quatre ans, des artistes africains sur la scène internationale, en commençant par la photo. Les artistes africains viennent beaucoup en Europe, connaissent les foires, des musées se créent en Afrique. Tout cela participe d'une dynamique». Cette galerie parisienne réputée expose Omar Ba, maître sénégalais d'une peinture narrative foisonnante.
«Son travail est une vraie réflexion politique sur la place de l'Afrique aujourd'hui. La problématique n'est plus celle de l'époque post-coloniale, mais du monde globalisé où les enjeux ne sont plus seulement politiques, mais économiques et environnementaux» et que «l'extrême jeunesse du continent n'est pas équipée pour comprendre». Le tableau d'Omar Ba exprime une identité divisée: un homme africain en costume-cravate, caché dans un arbre à plumes, ancré dans la terre et jonglant avec des mappemondes dorées.
Cold Shower, fine œuvre de broderie de Billie Zangewa, du Malawi, aussi chez Templon, est une réflexion sur la place des femmes africaines, montrant une femme qui prend une douche. «Billie sait ce que veut dire être artiste, mère, à la maison. Elle a renoncé à la peinture pour faire de la broderie. Elle travaille de longues semaines, telle Pénélope sur sa tapisserie», souligne Mme Coric.
Chez Imane Fares est proposé un solo-show de l'artiste nigérian Emeka Ogboh d'Ogbo. Il a retravaillé une photo de la gare routière de Lagos comme un kaléidoscope, un vitrail abstrait. Une bande-son surimpose les bruits de klaxon avec des chants religieux. Une des œuvres magistrales de cette 46e Fiac.
Dans ses photographies très colorées, imitant les pubs, dont l'une est exposée sur la façade du Grand Palais, Ogboh revisite notamment des lieux rappelant la colonisation à Paris: y plastronnent de jeunes Africains portant des tee-shirts où des phrases slogans restituent le débat autour de l'immigration en France : «C'est une ruée sauvage» ; «C'est pas nous qui allons en Afrique», etc.
Un duo d'artistes, le Béninois Romuald Hazoumè et Chéri Samba, de République démocratique du Congo, à la galerie Magnin-A, évoque le fléau des trafics, en se basant sur celui que font de jeunes Béninois, les Kapayoman, pour aller voler du pétrole au Nigeria voisin.
Pour Cécile Fakhoury, «l'esthétique de ces artistes n'est pas toujours hyper-claire. Il y a certes les symboliques chères à l'Afrique, l'ancestralité chez certains, mais cela va bien au delà. Ils ont une lecture du monde, voyageant, pas forcément physiquement mais par internet. C'est une ambiguïté que j'aime bien».

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