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Rubrique Culture

À L’INITIATIVE D’UNE ASSOCIATION CULTURELLE Cherchell revisite l’académicienne Assia Djebar

C’est à l’initiative des dirigeants du club de cinéma «Fort de Cherchell» que Mme Latifa Lafer, historienne de cinéma et enseignante d’anthropologie à l’Université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, a été invitée récemment en vue de projeter et d’animer le célèbre chef-d’œuvre cinématographique de l’académicienne Assia Djebar, cela dans le cadre d’un regroupement convivial dédié à la commémoration de l’anniversaire de la disparition de l’écrivaine.
Cet événement est une initiative citoyenne de l’élite culturelle cherchelloise qui a vu la participation de M. Debbagh Zoubir, un ancien responsable caméraman de la Télévision algérienne post-indépendance ; participation enrichie par le témoignage et l’intervention de Ahmed Mahroug, un autre caméraman qui avait contribué aux côtés de Assia Djebar à la réalisation et au tournage du film la Nouba des femmes du Mont Chenoua.
Selon l’analyse faite par Mme Latifa Lafer, «la Nouba des femmes du mont Chenoua est un film qui relie la ville et la campagne à contre-courant des représentations qui, habituellement, les opposent. Une femme citadine part sur les traces d’un passé colonial dont la mémoire se trouve chez les femmes berbères du mont Chenoua. L’historienne recompose, sur le mode de la nouba andalouse, sa région natale et construit un film marquant du cinéma social».
Il est à préciser que l’historienne Latifa Lafer est une diplômée en histoire et esthétique du cinéma dans le cadre d’un master sur le cinéaste italien Pier-Paolo Pasolini. «J’ai abordé en doctorat le cinéma algérien et me suis intéressée à son évolution thématique et esthétique avec une halte sur les premiers films amazighs», précise-t-elle en ajoutant : «J'ai travaillé sur des séquences du film en respectant le découpage qu'Assia Djebar a fait de la nouba. La touchia, l’istikhbar, le m'ceder, le mode btaïhi, le mode derdj, le nesraf, et enfin le khlas où les images suivent les différents rythmes musicaux – la musique du Sud et la musique classique en hommage à Bela Bartock, un musicien hongrois venu en 1913 dans le Sud algérien étudier nos musiques comme le dit Assia Djebar dans un générique — alternant avec des voix de femmes du Chenoua qui racontent la guerre de Libération et leur participation.»
Mme Latifa Lafer souligne que «le film est complexe dans son écriture et a besoin d'être débattu pour que s'éclairent les différents récits auxquels il se réfère».
Selon un article paru dans un hebdomadaire algérien le 13 juillet 1978, après la diffusion à la télévision nationale du film de Assia Djebar qui faisait déjà l’objet d’une vive polémique dans les milieux culturels, il a été rapporté que «bien des femmes racontent les mémoires de femmes, la nouba d’Assia Djebar est aussi et surtout une œuvre controversée où certains journalistes et critiques littéraires avaient pris position». 
En effet, écrivait cet hebdomadaire, «le parcours de Assia Djebar n’avait pas été de tout repos, pour preuve notamment lors des Journées cinématographiques de Carthage en Tunisie, où cette académicienne fut déçue et amère du fait que son film ne soit pas passé pas comme prévu dans la compétition».
Face à cette adversité, et à ce type d’animosités à l’encontre de Assia Djebar, le professeur et universitaire M. Sari releva la nature de ce type de controverses en écrivant que «cette auteure a différé jusqu’en 1978 son entrée à la Cinémathèque d’Alger, où s’observaient les obstacles de quelques cinéastes misogynes, et pour preuve, le refus de lui communiquer une copie du film lors du festival du cinéma».
A ce propos, le professeur d’université et auteur d’expression française, Mohamed Chérif Ghebalou, rappella dans sa conférence «Itinéraire socio-littéraire de l’écrivaine algérienne Assia Djebar (1936-2015)» les péripéties où il est évoqué le parcours de l’académicienne dans la société algérienne, à Cherchell, à Alger et durant ses périples, à l’école Normale de Sèvres, à Tunis, à Alger et à Rabat, mais aussi son parcours littéraire qui a aussi été mis en évidence recemment à travers plusieurs ouvrages que cette auteure avait réalisés et qui ont été exposés cette semaine dans la salle de conférences du CFPA de Cherchell, notamment son premier roman La soif (1957), où le travail littéraire d’Assia Djebar est animé par une longue réflexion littéraire sur les liens entre les hommes et les femmes en Algérie. Assia Djebar a pour sa part observé «cette séparation entre deux communautés antagonistes qui s’ignoraient, et, partant, se doublait d’une division structurelle entre le monde intérieur, celui des femmes, et l’extérieur, celui des hommes, exigée par l’éducation algérienne». 
Assia Djebar écrivait en outre que les rapports entre les hommes et les femmes en Algérie, «hors les liens familiaux, sont d’une dureté et d’une âpreté qui laissent sans voix».
Plusieurs observateurs ont remarqué à ce propos que «très tôt, cette écrivaine a fait le constat qu’il y a une prise de conscience qui la plongea  dans dix années de silence romanesque, au cours desquelles elle quitta Alger pour Paris avant d’y retourner quelques années plus tard. A son retour, elle réalisa en 1977 son premier film, La nouba des femmes du mont Chenoua, qui réunit des récits de femmes sur la guerre d’Algérie».
Le professeur d’Université et auteur d’expression française, Mohamed Chérif Ghebalou, a révélé plus loin dans sa conférence «Itinéraire socio-littéraire de l’écrivaine algérienne Assia Djebar», que lors de son discours d’intronisation à l’Académie française en 2006, Assia Djebar a rappelé que «le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie».
Un autre universitaire algérien n’a pas manqué de rappeler que dans le cadre du colloque « Femmes en lutte », qui s’est tenu le 8 mars 1990 à Fès, Assia Djebar avait commencé son discours en lançant une boutade acerbe : « Pour les femmes arabes, je crois qu’on a fait en sorte, depuis 14 siècles environ, que les écrits des femmes soient enterrés, soient effacés, soient supprimés et, mon Dieu, quant aux paroles, on met bien plus souvent en avant, je dirais, les paroles les plus pleureuses, de celles qui pleurent, de celles qui sont en deuil et non pas tellement de celles qui revendiquent, de celles qui s’opposent et de celles qui se dressent».
Ainsi, selon des observateurs présents à Fès, «le but de ce colloque était de rendre hommage à la contribution littéraire et critique de cette première écrivaine du Maghreb qui a été reçue à l’Académie française en 2005, sans pour autant se limiter à l’univers postcolonial franco-algérien». 
Selon ces mêmes critiques, «Assia Djebar révélera dans le colloque de Fès que la parole féminine revendicatrice fut traditionnellement bâillonnée chez ses compatriotes, cette pratique de musellement transcende largement l’espace oriental. Car, en dépit des progrès vers l’égalité des sexes et les acquis avérés de la parité, même dans l’Occident du XXIe siècle, l’expression féminine non conforme au ton de délabrement et du sentimentalisme considéré décent pour le ‘’sexe faible’’ est susceptible d’être passée sous silence».
Toujours selon ces mêmes observateurs qui mettront en évidence l’exaspération, la grogne et l’irritation ainsi que le dépit de cette académicienne arabe, qui avait affirmé notamment du haut de son perchoir «le texte que j’ai écrit sur Fatéma Bent Mohammed, c’est vraiment par hasard que je le lis pour la première fois dans la ville fatimide par excellence , c'est-à-dire Fès, et mon Dieu, je vois un symbole de bon augure ; que la langue originale de ce texte soit le français, je n’ai pas à m’en excuser ; c’est un texte de nature contingente ; je suis femme arabe et mon écriture est française ; sous d’autres cieux, en d’autres siècles, mon écriture aurait pu être en persan, en bengali ou en turc».
Houari Larbi

 

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